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dedans, si leur roi n'étoit considéré, et ils croyoient que Louis XVI méritoit de l'être. Ils allèrent jusqu'à proposer à l'assemblée nationale de lui déférer au moins pendant trois mois la dictature. Cette proposition n'ayant pas réussi, ils ne virent d'autre remède aux malheurs publics, que de placer le monarque dans un lieu d'où il pût dicter des loix aux anarchistes.

Les impartiaux en conseillant au roi de prendre ce parti, se flattoient que touché de leur zèle et de leur fidélité, il finiroit quand il auroit reconquis son autorité, par se jetter dans leurs bras. Ils comptoient qu'alors il prendroit parmi eux ses ministres, et qu'on parviendroit à lui persuader que s'il ne falloit pas tout accorder aux novateurs, il ne falloit pas non plus leur tout refuser, et que le véritable moyen de déjouer toutes les factions, c'étoit d'offrir, et d'accorder à la France un parlement tel que celui qu'avoient les Anglois. Il y avoit sans doute de l'erreur dans ce raisonnement, mais du moins ce n'étoit que par des moyens paisibles, et non sur des monceaux de cadavres, que les impartiaux prétendoient élever leur édifice.

Les royalistes n'étoient guidés que par le religieux attachement dont ils faisoient profession pour la personne du roi, et que par leur amour pour l'antique constitution du royaume, sans entendre pour cela qu'il fallût laisser subsister quelques abus qu'un laps

de quatorze siècles avoit amenés, et contre lesquels ils avoient été les premiers à s'élever.

Telles étoient les vues des divers partis; tous désiroient l'éloignement du roi ; il s'accordoient sur ce point, mais ils différoient sur les motifs qui les portoient à former ce désir. Ils différèrent également sur les moyens d'obtenir l'accomplissement de leur vou. Les impartiaux et les royalistes s'en tinrent aux conseils; les orléanistes et les gens de la Fayette eurent recours à tous les genres de persécution. Ce sera une bien lamentable histoire que celle de toutes les humiliations dont on abreuva le monarque et sa famille pour lui rendre sa situation insupportable. On lui avoit permis d'abord quelques promenades au bois de Boulogne et sur les boulevards; il lui avoit même élé accordé plus d'une fois d'aller jusqu'à Saint - Cloud. On commença par lui retrancher cette dernière promenade, et cela se fit avec l'indécence la plus révoltante. Les chevaux étoient attelés; le roi étoit dans son carosse avec sa famille. Tout-à-coup des gens du peuple envoyés par d'Orléans, et des gardes nationales même entourent la voiture, et signifient insolemment au monarque qu'il ait à rentrer dans le château. Louis XVI ne tient aucun compte d'un ordre semblable; il ordonne à son tour au cocher d'avancer. Aussi-tôt on se jette sur les chevaux; les uns les arrêtent, les autres mettent en joue la

famille royale; ceux-là l'injurient; ceux-ci s'adressant particulièrement à la reine, vomissent ces expressions sales et dégoûtantes dont la canaille fait retentir les lieux de débauche. Il y eut même un grenadier de la garde nationale qui osa accompagner ces horribles propos, de gestes impudiques. Ce forcené se mit dans ce honteux état de nudité dont la prostituée la plus effrénée ne pourroit sans rougir contempler la hideuse image.

que

Louis XVI lutta pendant trois quartsd'heure contre ces frénétiques. La Fayette présent à cette scène, et voyant que le monarque persistoit à ne pas céder, s'approcha de sa personne, et lui dit : « Sire, je vais faire déployer le drapeau rouge pour écarter tous ces séditieux. » Il est vraisemblable si la Fayette eût en effet montré le drapeau rouge, il se seroit engagé un combat pendant lequel la famille royale auroit couru les plus grands dangers. Peut-être même n'attendoit-on que ce signal pour se porter contre elle aux derniers excès. « Monsieur, répondit le monarque au général, je n'ai aucun avis à vous donner sur ce que vous croyez que la constitution vous autorise à faire; mais je vous avertis, je vous préviens que je ne veux pas que l'on répande une goutte de sang pour

moi. »

Le drapeau rouge ne fut pas déployé; la Fayette ne donna même aucun témoignage qu'il voulût sincèrement la fin de ce scandale. L'assemblée de son côté qu'on en avoit avertie,

ne

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ne prenant aucune mesure pour le faire cesser, et la nuit s'avançant, Louis XVI fut obligé de renoncer à sa promenade de SaintCloud, et de rentrer avec sa famille dans le château.

Insensiblement ce château et le jardin qui l'accompagne, furent les seuls endroits qu'il fat permis à cette famille infortunée de parcourir. Tous les genres de désagrément vinrent se réunir à la rigueur de cette détention. Le monarque étoit journellement outragé ou dans sa personne ou dans ce qu'il avoit de plus cher. Plus d'une fois on inter rompit la célébration même des saints mystères pour l'insulter lui ou son épouse. On lui reprochoit tantôt d'être indulgent pour les royalistes, tantôt d'avoir des ministres qui n'étoient pas assez constitutionnels, taniôt d'entendre la messe de prêtres dont le patriotisme, disoit-on, étoit suspect.

Chaque soir, les personnes attachées à cet infortuné monarque, se rendoient auprès de lui, et s'efforçoient par les espérances qu'ils lui donnoient, de lui faire ou lier les chagrins de la journée. Toute étiquette toute gêne étoient bannies de ce cercle. Là Louis XVI ne paroissoit point en monarque; c'étoit un ami au milieu de ses amis. On conversoit familièrement; chacun épanchoit en toute liberté les affections de son ame, les sentimens de son cœur, les pensé s de son esprit. Le monarque et son épouse sqrtoient toujours de ces entretiens, plus calmes et plus

Tome III.

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forts pour les assauts du lendemain. Ils ne trouvoient point de courtisans dans cette réunion d'hommes qui se pressoient autour d'eux; mais regrettant peu le respect dont les environnoit l'ancienne cour, ils goûtoient avec volupté, ils s'enivroient des témoignages d'une amitié tendre et pure. On résolut de priver Louis XVI de cette consolation, la seule qu'il pût goûter dans sa prison; et voici comme on s'y prit.

Pendant plusieurs jours, d'Orléans remplit la ville de troubles et de séditions. On crioit que les jours du roi n'étoient pas en sûreté et qu'il alloit être massacré dans une insurrection générale. Ceux qui par leur service étoient plus particulièrement attachés à la personne du monarque, reçurent différentes lettres où on leur donnoit avis de ne plus l'abandonner. D'après tout ce qui s'étoit passé, de telles allarmes ne pouvoient pas paroître destituées de fondement. Les royalistes se réunirent chaque jour et en plus grand nombre, autour de la famille royale. Dans une de ces séditions journalières et partielles qu'excitoit d'Orléans, ceux qu'on avoit mis en mouvement, se portèrent contre le château. Soit qu'ils ne voulussent que faire une feinte attaque, soit que la bonne contenance qu'on faisoit autour de la famille royale, les intimidât, ils se bornèrent à proférer quelques menaces, et se retirèrent.

Quelques jours après, la rumeur fut épouvantable et générale. Il se répandit que les

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