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C'est donc une erreur très - grave que de dire : Si le peuple en personne faisoit ou ratifioit les loix, la France seroit une démocratie, et non pas une monarchie. On sent bien qu'un seul homme peut avoir le pouvoir exécutif; et c'est ce qui constitue le gouvernement monarchique; tandis que la loi, selon laquelle cet homme gouverneroit, seroit faite par la volonté de tous.

Ainsi, veut-ou savoir si un gouvernement est monarchique, aristocratique ou démocratique, il faut voir si l'exécution des loix est confiée à un, à plusieurs, ou à tous les membres de l'état?

Mais, veut-on savoir si un peuple est libre ou · esclave, il faut voir qui fait les loix? Qui règle les cas généraux? Si c'est tous les individus de l'état, le peuple est libre, parce qu'il n'obéit qu'à sa propre volonté, et que celui qui gouverne ne commande à chacun que ce que tous ont voulu; si, au contraire,un seul homme, ou le plus petit nombre fait les loix, le peuple est esclave, puisqu'il obéit à la volonté d'autrui.

Quand le roi, ses ministres et les parlemens faisoient les loix, nous étions esclaves; parce que nous n'obéissions point à la volonté de la nation française, mais à la volonté de quelques centaines d'hommes.

Si une nouvelle organisation tendoit sculement à augmenter le nombre des centaines d'hommes qui feroient les loix, nous ne serious pas moins esclaves. Les décrets actuels de l'assemblée nationae n'ont cependant pas eu d'autre but.

On se rappelle qu'il a été décrété que, pour être membre du corps législatif, il faudroit payer une contribution d'un marc d'argent: cette décision éto't absurde et choquante; mais elle n'au antissoit pas la liberté nationale, parce qu'en excluant la plus forte partie des François d'être l'organe de la nation, elle ne les privoit pas de la faculté de concourir à la ratification des loix.

On se rappelle aussi qu'il a été décrété que les

mandats n'étoient point impératifs. Cette décision étoit hasardée sur la volonté présumée de tous les commettans, que l'exécution des mandats eût lieu; or, des mandats contradictoires mettoient les députés dans Timpossibilité de préparer les loix; et par suite, d'exécuter les mandats, qui tous tendoient à faire faire une constitution. Cette décison n'anéantissoit pas la liberté nationale, parce qu'elle supposoit que la volonté des Français seroit appliquée aux foix, après leur composition, par les députés, au lieu de l'être auparavant.

Mais, d'après les décrets sur l'organisation des communes, il n'est plus possible au patriote le plus porté à voir les choses sous l'aspect le plus favorable, de douter que les douze cens ne veuillent être souverains, et que leur volonté tienne la place de la volonté de toute la nation, même quand elles seroient contradictores.

Il n'est plus possible de douter que l'intention des douze cens n'étant que la volonté des municipaux, c'est-à-dire, des familles riches, ne tienne lieu de la volonté des communes.

Il est réglé par les nouveaux décrets, qu'il n'y aura qu'une seule assemblée périodique des communes par individus. Art. 34.

Il est réglé que le seul objet de ces assemblées par individus, sera les élections. 52

H est réglé que les affaires, qui même sous le régime ministériel, étoient décidées dans les assemblées des communes par individus, les achats, les aliénations, les octrois, etc., ne seront plus décidés que par un conseil général de la commune, composé du corps municipal et de quelques adjoints. (Art. 40) Quelle régénération!

Il est réglé que les citoyens actifs pourront se réunir en assemblées particulières, pour rédiger des adresses et des pétitions, et non pas en assemblées publiques, pour ratifier les loix et statuer sur leurs intérêts. Art. 53.

Viles nations, qui courbez la tête sous le joug

du despotisme ou de l'aristocratie, et qui nous portez envie, depuis notre sublime insurrection, sans avoir le courage de nous imiter, réjouissezvous! Vous êtes du moins opprimées, comme nous l'étions autrefois, par des aristocrates couverts d'or, et nous sommes livrés à des aristocrates en guénilles.

J'ai démontré ailleurs (1), que le seul moyen de rétablir les mœurs, de faire naltre le patriotisme, de former l'esprit public, étoit d'organiser les assemblées des communes, de manière que chaque citoyen eût une influence par son vœu sur les affaires publiques.

J'ose défier les très-grands hommes qui composent le comité de constitution d'y répondre quelque chose de plausible, et l'un d'entre eux doit se faire un devoir d'accepter le défi, à moins qu'ils ne veuillent établir leur constitution, comme Mahomet établit la sienne, en donnant leurs opinions et même leurs rêveries pour des dogmes politiques.

Mais, comme il s'agit d'éclairer le peuple et non de le séduire, et encore moins de le soumettre et de l'asservir, il faut rapporter tout le systême du comité de constitution. L'exposer dans son ensemblec'est démontrer qu'il est destructif de la liberté publique, et de la liberté individuelle.

La liberté publique consiste en ce que les loix soient consenties par la nation: Lex fit consensu populi. L'intérêt commun étant le seul objet de l'institution de la société, on ne peut savoir qu'il est intérêt commun, si l'on ne consulte la volonté générale : toutes les fois que la volonté générale cesse d'être consultée, il n'y a plus de société, c'est-à

(1) N°. 17, pages 4,5, 6, et suivantes. Nous invitons les patriotes à relire cet article, et le méditer; il est un préliminaire indispensable à celui que je traite dans ce momet.

dire, un corps collectif d'hommes libres; il y a des tyrans et des esclaves.

Dans le plan du comité de constitution, jamais la volonté générale de la nation ne seroit consultée.

Selon ce comité, les assemblées primaires s'assembleront pour nommer des électeurs; ceux-ci choisiront des députés dont la volonté fera les loix nationales.

Selon ce comité, les communes choisiront des municipaux et des adjoints, et la volonté de co conseil général fera les loix municipales.

Y a-t-il autre chose dans ce plan qu'une aristocratie élective, qu'une aristocratie représentative?

Elire, est toute la faculté active du citoyen, à moins qu'il ne soit élu; or, n'est-ce pas se jouer de la nation, que de lui dire qu'il suffit qu'il élise ceux dont la volonté fera les loix, pour que ce soit elle-même qui les fasse?

Il se présente sur cela deux difficultés insolubles pour les apôtres de la représentation.

Premiere difficulté. La volonté des représentans peut être en contradiction avec la volonté de la nation; comment, dans ce cas, la loi seroit - elle T'expression de la volonté générale? Dans ce cas, les représentans feront-ils pendre la nation pour ne pas obéir à leur volonté ? ou bien la nation fera-telle une insurrection contre ses représentans, pour n'avoir pas eu la même volonté qu'elle ?

Eh! qu'on ne dise point que la contradiction de la volonté des représentans et du peuple est impossible; on ne sauroit mieux dire, à cet égard, que J. J. Rousseau: «S'il n'est pas impossible qu'une volouté particulière s'accorde sur quelque point avec la volonté générale; il est impossible au moins que cet accord soit durable et constant; car la volonté particulière tend, par sa nature, aux préférences, et la volonté générale à l'égalité (1). Il est

(1) Exemplum ut la loi du marc d'argent, qui

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plus impossible encore qu'on ait un garant de cet accord; quand même if devroit toujours exister, ce ne seroit pas un effet de l'art, mais du hasard. Le souverain peut bien dire : « Je veux actuellement ce qu'un tel homme veut, ou du moins ce qu'il doit vouloir » ; mais il ne peut pas dire : « Ce que cet homme voudra demain, je le voudrai encore »; parce qu'il est absurde que la volonté se donne des chaînes pour l'avenir, et puisqu'il ne dépend d'aucune volonté de consentir à rien de contraire au bien de l'être qui veut. »

Deuxième difficulté. Vouloir que tels citoyens désignés fassent les loix, et vouloir les loix faites par ces citoyens, n'est-ce pas deux volontés bien distinctes? L'une a pour objet des personnes, et l'autre des choses? Comment donc la loi seroitelle l'expression de la volonté générale, par cela seul que le choix de fabricateurs de la loi, seroit l'expression de la volonté publique ?

Dira-t-on, qu'au moment où la volonté générale se réunit sur les individus représentans, elle se réunit également sur leurs volontés, c'est-à-dire à vouloir ce qu'ils veulent ? mais on ne peut vouloir une chose inconnue : Ignoti nulla cupido. Or, au moment de l'élection, les loix sont encore à faire par les élus ou députés.

Si l'on dit que c'est lorsque la loi est faite par eux, que la volonté générale se réunit à la leur, on seut qu'elle peut ne pas s'y réunir, qu'elle peut le contredire au contraire.

Ou la volonté générale s'identifie à celle des représentans, avant la formation de la loi, ou après. Si c'est avant la loi, le consentement des repré

est l'effet de la volonté de préférence, c'est-à-dire, de celle des députés, au détriment de la volonté d'égalité. Que l'on recueille les loix individus sur ce point, et l'on verra si le privilège exclusif accordé à MM. du marc d'argent subsistera.

par

sentés

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