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guemines fe tranfporta à Lixheim pour informer fur co fait; neuf perfonnes furent décrétées de prife-de-corps & fept d'ajournement. Le prévôt, de retour à Sarguemines, a continué les informations, pour qu'elles fuffent plus difpendieufes, felon l'usage.

Le procureur du roi de la maréchauffée de Sarguemines eft beau-frere du maire royal de Lexheim. Ceux qui connoiffent le malheureux penchant des officers des petites villes à opprimer, à écráfer les citoyens, à tout facrifier pour foutenir la miférable petite autorité que leurs familles ont achetée ou ufurpée, voient déja que le procureur du roi va amonceler les iniquités, pour venger M. fon frere & le maire royal de la fcélérateffe des habitans qui ont ofé demander des comptes au ❤orps municipal, dont il eft le chef.

Le procureur du roi a donc confondu, dane un réquifitoire, l'affemblée générale de la commune avec les attroupemens, & la caufe des municipaux avec celle des Juifs; & les habitans de la ville qui ont peut-être ufé le moins violemment de la liberté, ont été décrétés & font pourfuivis prévotalement. Les habitans de Lixheim ont préfenté leur requête au roi, pour demander la caffation de cette procédure.

Nous avions malheureufement prévu & prédit (1) que l'étendue de pouvoir que les dernieres déclarations fur les émeutes populaires donnent aux maréchauffées, alloit devenir la fource d'une foule de vexations particulieres. Tout l'ordre judiciaire eft gangréné en France. Si l'on vouloit faire l'hiftoire de la dépravation du cœur humain, ce feroit l'hiftoire des juges actuels qu'il fau droit faire. Régénérons entierement tous nos tribunaux, où nous n'aurons rien fait pour notre liberté; & furtout que la justice militaire, exercée prefque toujours par des hommes auffi ignorans que lâchement dévoués au defpotifme, ceffe dans tous les cas d'être mife en activité contre les citoyens,

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AFFAIRE DE M. MARAT. PHENOMENE POLITIQUE.

Que nous fommes loin encore d'être libres! qu'il y a parmi nous d'efclaves, courbés par l'habitude, qui conferveront jufqu'au tombeau une attitude fervile! On change difficilement fes idées après l'âge de quarante ans. Le conflit des idées anciennes & des idées nouvelles fera long-tems une fource de maux. On chargera toujours du pouvoir public ceux qui ont de l'experience; & l'expérience, jufqu'au moment da la révolution, étoit celle de la fervitude. Le langage des ames neuves n'eft pas même intelligible pour les dix-neuf vingtiemes de ceux qui veulent nous gouverner.

Un homme de beaucoup d'efprit difoit, il y a quelques jours que fi l'on demandoit aux trois cents repréfentans, aux officiers des diftricts & de la garde nationale, ce que c'eft que la liberté & la licence, il n'y en auroit pas cinq fur cent qui répondiffent d'une maniere jufte.

Nous ferions tentés de croire que cet homme avoit raifon, d'après ce qui vient d'arriver à M. Marat, auteur de l'Ami du Peuple.

Dans le N°. 24 de fon Journal, M. Marat avoit dénonce M. de Joly, un des fecrétaires de l'affemblée municipale, comme etant l'auteur d'un faux dans un proces-verbal relatif à M. le comte de Pernet.

Dans le N°. 26, il dénonçoit l'idole de la France, M. Necker, comme un miniftre qui n'étoit point animé de l'amour du bien public, & qui avoit le cœur d'un intrigant ambitieux.

L'affemblée municipale a plufieurs fois mandé M. Marat qui n'a tenu compte de fes monitions, & a continué d'écrire vraisemblablement d'après ce qu'il penfoit nous apprenons tout-à-coup que M, Marat eft frappé d'un décret de prife de corps, qu'on enleve les planches de fon imprimeur & fes feuilles de chez lé libraire.

Ce n'eft pas tout, nous fommes inftruits qu'un grand nombre de François applaudiffent aux attentats exerces contre l'écrivain qui a écrit contre M. Necker & fon plan....& ils fe croient libres.

Nous ne favons pas fi M. Marat a calomnié M. de Joly; nous favons feulement que M. Darigrand, avocat, s'eft adreffé à nous pour réclamer contre un faux inféré à fon préjudice, dans le même procès-verbal dans lequel M. le comte de Pernet en à trouvé un qu'il a dénoncé à l'Ami du Peuple, & que celui ci a dénoncé au public. Nous attendons quelques renfeignemens définitifs fur cet objet, pour en entretenir le public d'une maniere tellement lucide, que M. de Joly ni tout autre, ne fera pas tenté de rendre plainte contre nous. Il femble au refte que les rédacteurs des arrêtés de la commune, n'ayant pas même entrepris de répondre à la démonftration que nous avons faite, pag. 38, 39 & 40 de notre N° XI, que leurs procès-verbaux des 30 & 31 Août contiennent QUATRE FAUX MATERIELS Contre d'honnêtes citoyens; ils n'ont pas le droit de fe montrer fi courroucés de la peccadille de M. Marat.

Quant à ce qu'il a écrit fur M. Necker, quelque différence qu'il y ait entre fon opinion & la nôtre nous fommes affligés de voir que les partifans de ce miniftre prostituent fon nom à la plus lache perfécution, perfécution telle que s'il ne la défavouoit pas, il mériteroit tout ce que M. Marat a écrit contre lui.

Foible France! enfans enthoufiaftes quand faurezvous qu'il eft de l'effence de la liberté, d'écrire impunément tout ce l'on veut fur les hommes publics. Si l'on fupprimoit en Angleterre tous les papiers où il y a des calomnies contre les hommes publics, il n'y auroit pas actuellement un feul papier public.

Je traduis au hafard ce que l'on écrit dans ce moment contre M. Pitt, le Necker de la Grande-Bretagne.

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Si les papiers miniftériels fe contentoient de faire "l'éloge de M. Pitt fans infulter au bon fens, » pourroit fupporter leur impudence & leur vénalité, "le feul prétexte qu'ils aient de louer fes fentimens » généreux, c'eft qu'il enrichit fa famille, & place fes

» créatures, aux dépens de la nation. Lord Cadmen eft » actuellement abforbé dans les principes d'un chétif "miniftre; il exerce le reste de fon éloquence à fou» tenir des moyens anti-populaires. Le pouvoir de » M. Pitt n'eft plus le même; fes avis font difcutés » & le ci-devant haut & puiffant Pitt eft obligé de céder " aux opinions plus favorablement accueillies du Lord. > chancelier. On dit que M. Pitt a été fi rebuté de "fe voir contrarié dans fon projet contre le parle»ment, qu'il a fait entendre qu'il abandonneroit le » miniftere; mais fa cabale prépare une adreffe par » laquelle il fera fupplié de vouloir, pour leur avan»tage, conferver encore fa place «.

"La taxe impofée par M. Pitt fur les papiers nouvelles eft regardée comme une des plus fauffes fpécu-. lations qui foit jamais entrée dans la tête d'un miniftre vifionnaire. Mais qu'importe à M. Pitt que les revenus de l'état puiffent en fouffrir, fi par ce moyen il fatisfait fon reffentiment contre un pouvoir cenforial, qui dévoile fon caractere, déprime fes talens & déconcerte fes projets.

Sans doute, fi le banc du roi étoit compofé de têtes à perruques françoifes, l'auteur du Morning Poft fubiroit le fort de M. Marat; mais en Angleterre, ont plaint les écrivains qui s'égarent fur les affaites pu bliques, fur les hommes publics; on ne punit que ceux qui calomnient les particuliers.

Il faut, pour le bonheur des individus, pour le maintien de la conftitution & de la liberté qu'il y ait guerre irréconciliable entre les écrivains & les agens du pouvoir exécutif; dès l'inftant que le pouvoir judiciaire fe jette du côté du pouvoir exécutif contre la preffe, la balance eft rompue & le peuple eft efclave; les miniftres & les gens en place font expofés de droit à la calomnie; cet inconvénient néceffaire eft fuffifamment compenfé par la jouiffance du: pouvoir & de la grandeur. Les hommes vertueux qui exercent des fonctions publiques ne craignent pas la calomnie, elle ne perd que les fripons.

Ces principes vous paroiffent étranges, François ! Eh bien! foyez efclaves! M. Marat peut avoir outragé

le

le bon fens & la raifon; mais il n'a point violé les loix d'un peuple libre. Si ceux qui ont attenté à fa liberté, à la propriété, ne fubiffent pas les peines les plus graves, nous le dirons, avec une douleur profonde, la révolution n'eft pas encore commencée.

L'affaire de M. Marat nous a donné occafion de connoître un vrai phénomene politique, c'est un journal fur les affaires publiques, compofé par une femme. On avoit dit jufqu'à préfent que les femmes n'enten→ doient d'autre métaphyfique que celle de l'amour. Mais. mademoiselle de Keralio a prouvé, par le titre feul de fon journal, que les abftractions les plus hardies ne l'effraient pas; fon titre eft de cette métaphysique qui avoifine l'obfcurité : c'eft le journal d'état & du citoyen.

» M. Marat; dit-elle; dans le fupplément du No » 12, affirme encore qu'il a des preuves, il doit ar » demment defirer d'échapper publiquement à Tim» pucation de calomnie. Ceux qu'il a inculpés doivent ardemment defirer, à leur tour, de le voir obligé de convenir publiquement qu'il n'en a pas » (1). Nous croyons que l'amazone politique a mat faifi la queftion. M. Marat a avancé fur le miniftre une opinion & non des faits; or on ne peut prouver fon opinion que par fon opinion même.

RÉCLAMATION DES OFFICIERS DU BATAILLON DE S. ROCH.

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Nons avons rendu compte dans le N°. précédént, pages 13 & 14, d'une fcene qui eut lieu, le 5, au Palais-Royal, entre des hommes armés de piques & la garde nationale; nous l'avons attribué, par erreur, aux patrouilles du difirict de St. Roch, M. le com

(1) Ces mots, qu'il n'en a pas, font en italique dans l'ouvrage de Mle. Kéralio; il feroit cruel pour M. Mafat, d'être forcé de faire cethoven.

No. XIV.

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