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un pere d'avoir quelque préférence, c'eft pour celui de fes enfans qui eft difgracié de la nature; ce font donc les provinces pauvres & fteriles que le gouvernement & les affemblées nationales doivent vifiter les premieres & le plus fouvent. Combien de cantons où une affluence momentanée du numéraire ranimeroit des manufactures, créeroit des canaux, amelioreroit l'agriculture. O Louis XVI! le jour où, à l'exemple des fouverains de la Chine, tes auguftes mains dirie geront une charrue, fera celui de la régénération du plus utile, du premier des arts, & par un effet infaillible, des mœurs publiques & particulieres, fans lefquelles tu aurois envain régénéré la liberté.

En attendant l'effet des promeffes du monarque & les beaux jours que fes vertus & une bonne conftitution nous promettent, les provinces doivent voir fans jaloufie & fans alarmes, le monarque & l'affemblée nationale à Paris. C'eft cette ville qui a le mieux fervi jufqu'à ce jour la caufe de la liberté publique, & la révolution lui coûte fon commerce & fes confommateurs.

On ne peut nier que le monarque & nos députés n'étoient pas en sûreté à Verfailles ; & que fi une armée de conjurés s'y fût préfentés, (ce qui pouvoit s'exécuter dans une feule nuit) elle auroit pu réuflir à tout ce qu'ils auroient entrepris; mais dans une ville qui eft habitée par des Français de toutes les provinces, où une forte garde nationale peut résister à des gens armés & réprimer des brigands, nos deputés pourront, fans allarmes, achever le grand ouvrage de la conftitution. Cependant, quelques-uns de nos députés ont cru devoir demander qu'on décrétât de nouveau l'inviolabilité de leurs perfonnes. Ah! freres, ne vous laiffez pas tromper par ces peurs affectées; & tout citoyen n'eft-il pas inviolable? Ces paffe-ports, ces frayeurs, ces menaces faites à quelques membres, tout cela n'a de fondement que le projet de quelques membres vendus à l'ariftocratie, d'exciter contre eux-mêmes quelque foulevement qui brifè l'ouvrage qu'ils voient, malgré toutes leurs manœuvres, s'élever fous leurs yeux.

La commune de Paris a envoyé, lundi dernier, une

deputation

députation à l'affemblée nationale, pour lui faire part des moyens qu'elle avoit pris pour affurer l'inviolabilité de fes membres & la liberté de fes décifions, & pour diffiper les nuages qui pourroient fe former dans les provinces. Surfes intentions elle a envoyé une adreffe de fraternité; l'égalité vaut mieux encore que la fraternité, & le droit d'aîneffe peut caufer de l'animofité & des divifions: il feroit beau d'y renoncer. Il feroit digne de la fageffe & des lumieres des Parifiens d'abjurer le titre faftueux & impolitique de capitale (1). Si cette idée manque à leur adreffe, elle pourroit ne pas produire tout fon effet.

Paris doit fur-tout éviter tout ce qui auroit l'air de vouloir gouverner le royaume. Il n'eft pas de fi petites municipalités, n'ayant que fon maire & fes échevins, à qui elle ne doive les mêmes égards que fi elle pouvoit mettre en campagne, dans un feul jour, une armée de deux cents mille hommes. Malgré toutes fes forces, il eft clair que Paris ne fe peut paffer des provinces, & que les provinces peuvent fe paffer de Paris.

Lorfque, fur la demande faite par les provinces d'Auvergne & du Bourbonnois, les repréfentans de la commune ont accordé 36,000 livres de poudre aux villes de Clermont, Nevers, Moulins, Orléans, Bourges, Châtelleraut, ils n'ont pas va ce qui étoit le plus conve→ nable Effonne n'appartient point à la commune de Paris; cette fabrique de poudre n'eft pas dans fa banlieue ce qu'on accorde, on pourroit le refufer; & de quel droit la commune de Paris refuferoit-elle la poudre d'Effonne au refte de la France? Il falloit donc dire que la commune de Paris n'empêchoit pas, comme elle n'avoit pas le droit d'empêcher, que les provinces ne s'approvifionaffent de poudre à Effonne; & que fi, à raifon de fa proximité, elle s'étoit emparée de la furveillance de cet établiffement, ce n'étoit que pour le bien général de la France.

() Voyez numéro XIII, page 27. Cette propofition de te noncer au titre de capitale, ne déplaira point, s'il exifte un vrai patriotisme à Paris.

On nous objecera que tous les autres états ont des capitales. Sans doute, elles font favorables au pouvoir abfolu, jufqu'à ce qu'elles l'écrafent.

No. XIV.

**D

Au refte, nous favons par diverfes relations que tes provinces font dans les difpofitions les plus favorables envers Paris, & elles ne changeront pas tant que cette fuperbe ville n'affectera d'autre fupériorité que celle des lumieres & des bons exemples.

CONTESTATIONS ENTRE LES CHIRURGIENS DE LA MAISON DU ROI ET LE COLLEGE DE CHIRURGIE.

L'efprit de corps eft le plus grand fléau de la fociété, il eft d'autant plus dangereux, qu'il eft rare qu'il ne fe cache pas fous le voile du bien public, dans le nombre infini de jurandes qui ruinent en France l'émulation & l'induftrie. La moins extraordinaire n'eft pas celle des maîtres du college de chirurgie. Depuis longtems le public donne fa confiance aux chirurgiens du roi & de la famille royale, foit qu'on fe laiffe éblouir par leur titre, foit plutôt qu'une longue pratique dans les hôpitaux & dans les armées parole plus propre à former un chirurgien que le bavardage fcientifique des profelleurs de l'école, Le college de chirurgie n'a pas vu leur fuccès avec indifférence. Il leur a fufcité un proces pour les empêcher de travailler. La queftion à juger et de favoir s'il ne faudroit pas pour que les chirurgiens de la famille royale fuffent auffi habiles. que ceux du college, qu'ils eulent payé 18co livres ou cent louis pour fe faire aggréger. La queftion n'eft point encore décidée, & MM. du college fe preten-. dent fondes à foutenir légalement que les autres chirurgiens font des ignorans.

Les places de chirurgiens de la garde nationale font devenues de nouvelles fources de difcordes. Le col-' lege de chirurgie, habitá déliberatione, a député vers le comité militaire, l'affemblée des reprefentans & les districts pour » éclairer la commune fur les articles de » réglement qui font relatifs à la chirurgie, & lui ap» prendre qu'il eft de la füreté publique que toutes its places de chirurgiens ne foient conférés qu'à des membres du college de l'académie royale de chirur

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"gie de Paris, & que ce n'eft pas fans inquiétude qu'ils » voyent que quelques diftricts nomment pour chirur "giens des perfonnes qui n'ont pas donné des preuves légales de talens & de capacité «<.

Des preuves de fait valent mieux en ce genre, que des preuves légales, & que les habitans d'un diftrict qui ont vu un chirurgien quelconque travailler fous leurs yeux depuis quelques années, avec fucces & afliduité, peuvent le choir avec plus de fecurité, qu'un homme qui prouveroit par le fcel du college qu'il a difcouru trois ou quatre heures fur les maladies que l'autre a guéri. Aufli plufieurs diftrics, fans craindre l'indignation des membres du college, ont-ils élu ou confervé pour leurs chirurgiens des hommes qui n'avoient point la preuve légale de leurs talens, mais feulement l'approbation de la majorité des habitans du district.

Un chirurgien gagnant maîtrife a ce femble la preuve légale de fes talens. Le choix des districts eft tombé fur le fieur Marquais, chirurgien, qui a gagne fa maîtrise à la charité à Paris; mais qui n'eft pas reçu au college, parce qu'il ne veut pas donner une certaine fomme qu'on exige de lui pour l'affilier, & qu'il prétend avec raifon qu'il n'auroit pas gagné fa maîtrife fi on la lui faifoit payer. Le college de chirurgie a trouvé le fecret de perfuader à ce diftrict que le fieur Marquais n'étoit pas éligible, & le réfultar du fecond fcrutin a été favorable au fieur Soupé, membre du college. Le fieur Marquais a foutenu la validité de fon election contre le fieur Soupé. L'affemblée des reprefentans de la commune a déclaré les deux élections nulles, & a ordonné un nouveau fcrutin. MM. les repréfentans ont prononcé comme on voit en arbitres, & non pas en juges. Le chirurgien gagnant maitrife a la preuve de fait & de droit de fes talens, & étoit incontestablement éligible.

Que l'on nous prouve que des réglemens, des examens, des loix pénales mêmes, empêcheront le peuple d'avoir confiance à des marchands de drogues, à des empyriques, à des charlatans, & nous reconnoîtrons que l'aggrégation des hommes qui profeffent l'art de

uérir, a quelque utili; & que ceux qui ont des talens réels, doivent fe foumettre à ces examens, à ces réglemens; mais s'il eft impoffible d'atteindre le feul but de l'établifoment de la jurande chirurgicale, celui d'empêcher que des ignorans ne fe mêlent de l'art de guérir; elle favorife au contraire cet abus, laiffons à chacun fa propre induftrie, & anéantiffons ces corps, ces colléges, , ces academies, ces compagnies, qui font autant de petites fociétés qui réforment aux dépens de la grande, & qui, depuis des fiecles, n'ont fervi qu'à etouffer le génie & à défefpérer les talens,

OPPRIMÉS DE LIXHEIM EN LORRAINE.

Depuis dix ans la ville de Lixheim, régie par des officiers municipaux, nommés par des brevets du roi, voyoir diffiper fes revenus, & lever chaque année des contributions extraordinaires dont ils ne connoilloient pas l'emploi, & dont on ne rendoit compte qu'à l'intendant Les défordres, les abus du pouvoir étoient à leur comble à l'epoque de la révolution. Les habitans de cette ville prirent la cocarde vers le 26 Juillet, ce qui déplut affez à Meflieurs les municipaux; & ce qui feur depiur davantage, la premiere démarche des habitans fut de s'affembler, au fon de la cloche, dans l'école publique, & de prendre fur-le-champ toutes les précautions poffibles pour conftater l'emploi de leurs deniers & vérifier les comptes du fieur Schmit, échevinreceveur, reçu dans cette place contre le vœu des habitans, en vertu d'une lettre-de-cachet.

Le procès-verbal de cette féance, à laquelle affifterent les municipaux, fut rédigé & figné, tant par les municipaux eux-mêmes, que par les habitans. Il conftate, que toutes les opérations des habitans fe bornerent à remettre, entre les mains d'un des citoyens, les comptes de la ville, depuis huit années, pour les vérifier.

Dans la nuit du 1er au 2 août, quelques gens du peuple s'étoient portés vers les maifons des Juifs & en avoient pillé dix. Le prévôt de la maréchauffée de Sar

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