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fe citoyen, & les adminiftrateurs payeroient cette ney gligence en abufant du pouvoir en faveur des membres du corps intermédiaire, au lieu qu'it eft impoffible de concevoir qu'il s'établiffe une collufion entre la commune & les adminiftrateurs. Ceux-ci feront toujours fages, circonfpects, juftes envers le dernier, citoyen, quand ils auront à rendre compte de leur conduite à la maffe des citoyens, qu'ils ne pourront jamais ni éblouir ni corrompre.

En fuppofant que l'affemblée des deux cens quarante eut quelques pouvoirs, ou qu'on lui en donnât, notre régime municipal reffembleroit à celui de Venife, le maire & les foixante adminiftrateurs repréfenteroient le doge & fes fix adjoints. L'affemblée des deux cens quarante rèpréfenteroit le féréniffime confeil; c'est-àdire, le corps qui fait les loix & les réglemens la feule différence qu'il y auroit entre ces deux ariftocraties c'eft que l'une eft héréditaire, & que l'autre feroit. élective; différence qui n'eft nullement favorable à la liberté civile. Or, tout le monde fait qu'il n'y a pas de. pays au monde où il y ait moins de liberté qu'à Venife..

Il eft aifé de concevoir, d'après ces princípes, pourquoi, depuis la révolution, nous avons été individuellement moins libres que fous le regime ministériel, & combien il eft important, pour recueillir quelque fruit de cette révolution, que le pouvoir de ftatuer fur les cas généraux, & de furveiller les administrateurs, refte entre les mains de la commune, qui nommera au befoin des commiffaires dans les cas dont il ne lui feroit pas facile de prendre connoillance par elle-même.

C'est donc un arrêté bien fage que celui que vient de prendre le diftrict de la Trinité, de ne pas fouffrir qu'il foit porté atteinte aux corps élémentaires auxquels la capitale doit fon falut, & d'entretenir entr'eux une parfaite union.

Voilà de quoi les diftricts doivent s'occuper, & non pas, comme l'ont fait ceux des Prémontrés & de S. Marcel, de favoir fi le roi gardera, ou ne gardera pas les gardes-du-corps. Que diroit-on d'un homme qui laiffant à maifon dans le plus grand défordres, s'occu peroit à régler celle de fon voifin?

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Ils devroient s'occuper encore à réformer les régle mens abfurdes & dangereux qu'ont pu faire leurs repréfentans, ou plutôt à les caffer, puifqu'ayant été faits fans pouvoirs, ils font radicalement nuls.

Dans cette claffe, nous placerons leur réglement du 8 octobre, par lequel ils renouvellent les défenfes qui avoient été faites aux colporteurs de proclamer d'autres imprimés que les décrets de l'affemblée, les édits, déclarations, jugemens, jugemens, &c.

Nous avions démontré, & tous les hommes paffablement raisonnables étoient convenus, que ce que font les colporteurs, en criant leur marchandise, n'étoit pas une proclamation: celle que le roi fit faire le même jour, au fujet des attroupemens, par des hérauts d'armes accompagnés de mufique, de tambours & d'une garde militaire, devoit auffi apprendre aux repréfentans de la commune que les colporteurs crient & ne proclament pas. Admirez le progrès des connoiffances politiques de nos repréfentans! cette fois ils défendent aux colporteurs & marchands d'imprimés de crier & de proclamer tous autres imprimés, que les décrets de l'affemblée nationale, édits, déclarations, arrêts, jugemens, &c.

Nous avions lieu de croire qu'après avoir fait l'effort d'ajouter le mot crier à celui proclamer, ils viendroient à en fentir la différence; que celle des mots les conduiroient à celle des chofes, & qu'enfin ils permettroient aux colporteurs de crier leurs marchandifes, fauf à punir ceux qui abuferoient de cette liberté; mais trois jours après, ils prennent une délibération, qui porte, que leurs arrrêtés feront criés dans l'intérieur de Paris; en forte que les colporteurs, les patrouilles & les citoyens, confondant la proclamation avec les cris, laiffent Tout aller comme ci-devant, & que le nouveau réglement n'eft pas plus fuivi que l'ancien; ce qui arrivera toujours, lorfque les réglemens fe trouveront en contradiction avec la liberté & la juftice, & qu'on portera la hache où il ne faudroit employer que la ferpette.

Le plus grand vice des actes de la puiffance publique, eft de heurter l'opinion publique : elle l'emporte néceffairement fur eux, & elle leur imprime un caractere de réprobation, qui tourne au détriment même de la

puiffance publique. Le bruit a couru que M. de Maiffemy, un des repréfentans, avoit été arrêté comme étant un des conjurés. L'affemblée s'eft empreffée à le dementir, par un placard: c'étoit un acte de juftice; mais elle y a ajouté de grands éloges fur l'efprit de civifme dont M. de Maiffemy eft animé, tandis qu'il occupe encore le pofte de directeur de la librairie. Il ne fuffifoit pas qu'il offrit fa démiflion, pour prouver qu'il eft bon citoyen: fur le refus qui lui a été fait de l'accepter, il falloit qu'il fe préfentât, tête nue, dans l'affemblée générale, & qu'il dir: Citoyens, j'ai eu le malheur d'accepter la place de directeur de la librairie dans un tems où les membres du confeil acceptoient tout pour pouvoir parvenir à quelque chofe; je reconnois aujourd'hui qu'il eft indigne d'un bon citoyen d'être grand inquifiteur de la penfée, & chef d'efpionage contre les gens de lettres. J'ai retardé, autant que ma place m'en a fourni les moyens, les progrès de lumieres & de la liberté : je fuis gravement coupable envers vous; pardonnez-moi, en faveur de mon repentir. Que les miniftres acceptent ou n'acceptent pas ma démiffion, je la donne entre les mains de la commune je déclare infâme quiconque acceptera cette place; & je confens à paffer pour tel, fi jamais je la reprends. Je vous demande acte de ma déclaration, & la permiffion de la faire afficher. Après cette glorieufe démarche, perfonne n'eût douté du civifme de M. de Maiffemy, & le bruit n'eût point couru qu'il étoit du nombre des conjurés. Jufqu'à ce qu'il l'ait faite, les reprefentans le couvriroient de placards de la tête aux pieds, qu'on le regarderoit toujours comme un homme qui porte la livrée de l'ariftocratie fous la toge civique.

PROCLAMATION DU ROI. BIENFAISANCE DE LEURS

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MAJESTÉS ET DISPOSITIONS DE LA VILLE DE PARIS ENVERS L'ASSEMBLÉE NATIONALE ET LES PROVINCES.

Nous avons dit quels étoient les efpérances du peuple, relativement aux effets engagés au Mont-depiété. Une proclamation du roi, qui a été affichée dimanche dernier, nous apprend que les femmes qui étoient allées à Verfailles, s'étoient adreffées à la reine pour obtenir, par fon interceffion, la remife gratuite des effets engagés pour une fomme au-deffous de 24 liv. Quoique la reine n'eût répondu à cette demande que par des témoignages généraux de bonté, on les a interprétés comme un acquiefcement pur & fimple.

Après avoir fait vérifier que la remife de ces effets coûteroit trois millions, que les befoins de l'état ne permettent pas d'employer à une œuvre de bienfaifance, le roi annonce qu'il ne veut pas cependant que les efpérances que le peuple avoit conçues de ce qu'avoit dit fon augufte compagne, foient vaines; il accorde en conféquence la remife gratuite des linges de corps & habillemens d'hiver, engagés pour des fommes qui n'excédent pas 24 liv.

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La bienfaifance éclairée fait placer à propos fes dons; elle fait auffi refpecter la juftice. Ce ne fera donc pas fur les reffources de l'état mais fur fes befoins perfonnels & ceux de la reine que feront pris les fonds deftinés à ce dégagement. Ah! que de douces jouiffances notre monarque & fon épouse goûteront cet hiver, lorfque, voyant la terre couverte. de glaçons, ils pourront fe dire: Il y a dans ce moment 40,000 citoyens qui ne fouffrent pas de la rigueur de la faifor, au moyen des privations que nous nous fom mes impofees. Non non; les jouiflances de la gran

deur, le fafte, l'adulation des courtifans, leur fauffe reconnoiffance pour d'aveugles bienfaits ne valent pas les bénédictions d'un peuple, qui condamne fes rois, lorfqu'il fe tait en leur préfence.

Sa majesté a adreffé un autre proclamation à nos bons freres de province, pour prévenir les foulevemens que ceux qui n'ont plus d'autre reffource qu'une guerre civile auroient pu exciter.

» Le roi craignant, porte-t-elle, que fes fideles habitans des provinces n'apprennent avec peine le récit des circonf tances alarmantes qui l'ont déterminé à venir à Paris, croit devoir les inftruire qu'informé à l'avance de la marche de la milice nationale de Paris & du defir qu'elle avoit d'obtenir de fa majesté l'honneur de lui fervir de garde, il eût été facile au roi de fe tranfporter de Verfailles ailleurs qu'a Paris.

Sa majefté rend compte enfuite des raifons qui l'ont déterminée à venir habiter la capitale; elle ajoute que lorfque l'affemblée nationale aura achevé l'ouvrage de la reftauration publique, elle réalifera le plan qu'elle a déjà conçu, depuis long-tems, d'aller, fans aucun fafte, vifiter fes provinces pour leur témoigner, dans Peffufion de fon cœur, qu'elles lui font toutes également cheres.

Le roi fe promet avec raifon d'y être reçu, avec les plus vifs témoignages d'attachement & de refpect. Ce qu'il a éprouvé lors de fon voyage à Cherbourg, dans un tems où il n'avoit encore prefque rien fait pour fon peuple, doit lui faire preffentir avec quelle ivreffe on verra par toute la France celui qui à fait plus en fix mois, pour le bonheur public, que tous Les ayeux, dans une longue fuite de fiecles.

Mais ce ne feroit pas affez, nous ofons le dire, que le roi vifitât les provinces; un féjour de quelques mois, & la tenue de l'affemblée nationale dans certaines villes, fuffiroit, ou pour les régénérer, ou pour les rendre floriffantes. Que le fiege le PIUS HABITUEL du gouvernement foit à Paris, à la bonne heure; mais il eft jufte qu'il fe promene fucceffivement, & que, comme un fleuve bienfaifant, il porte par-tout a félicité. Nous dirons plus encore: s'il eft permis à

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