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proclamer l'innocence du miniftre de la maifon du roi, file falut public n'exigeoit qu'une vigilance ordinaire Mais il faut que la nation fache par des voies légales fi M. de Saint-Prieft a trempé dans le projet de faire partir le roi pour Metz, & même s'il a confeillé la premiere réponse qui a été faite à l'affemblée nationale au fujer de la déclaration des droits de l'homme & des articles de la conftitution déjà décrétés.

Nous croyons encore néceffaire à l'inftruction du peuple, dans fa propre caufe, que la lettre de M. de Saint-Prieft, fur laquelle la municipalité de Versailles avoit demandé le régiment de Flandres, foit rendue publique. Cette lettre eft du 18 Septembre, c'eft-àdire du même jour que la délibération de la municipalité de Verfailles. M. de Mirabeau demande en pleine affemblée, communication de cette lettre, & il ne l'obtient point. Les repréfentans de la commune de Paris envoient une députation à Verfailles pour chercher des éclairciffemens fur l'arrivée de ce régiment; à fon retour is publient toutes les pieces qui y font relatives, toutes, à L'EXCEPTION DE LA LETTRE DE M. DE SAINT-PRIEST.

Plus on a affecté de cacher cette lettre, plus il eft nécellaire qu'elle foit publiée; tant qu'elle ne Tera pas connue on croira qu'elle contient des indications fur la conjuration, l'arrivée du régiment de Flandres à Verfailles étant généralement regardée comme un moyen des conjurés, & perfonne n'ignorant aujourd'hui que c'eft fur la requifition de la minorité des officiers de la garde nationale de Verfailles, contre la majorité des officiers & des habitans, que ce renfort, prétendu nécessaire au falut public, a été introduit dans

vette ville.

Un autre fait qui mérite également l'attention des citoyens, & qui peut fervir à prouver le plan de faire partir le roi pour Metz, c'eft que l'état-major de cette garnifon, & notamment le commandant, M. de Bouillé, s'étoit refufé à prêter le ferment national. Enfin, nous acquererons encore beaucoup de lumieres fur ce point important de la conjuration, fi depuis peu on avoit fait garnir de troupes la route de Metz à Verfailles. No. XIV.

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Nous prions les bons citoyens qui demeurent fur cette route, de nous faire favoir quel étoit l'état des trou pes dans leur canton avant la révolution; quel il étoit il y a un mois, & fi depuis cette époque on a fair approcher des troupes des villes qui avoifinent cette route. Nous publierons dans ce journal les renfeignemens qui nous auront été adreffés.

Récapitulons maintenant toutes les circonftances que nous avons détaillées précédemment, la coalition qui s'étoit formée dans l'affemblée nationale, & qui n'éloi gnoit les travaux de la conftitution, à force de débats oifeux, que pour donner le tems à la conjuration de prendre de la confiftance; la réponse ambiguë du roi, par laquelle le miniftere refufe la promulgation des droits de l'homme, & n'accorde une acceffion conditionnelle aux premiers articles de la conftitution que parce que le gouvernement a le plus preffant befoin d'argent ; l'indigne fupercherie faite à la garde nationale de Verfailles pour introduire dans cette ville le régiment de Flandres, & les cajoleries miniftérielles faites à la garde nationale de Paris lors de la feconde bénédiction des drapeaux; l'élection de M. Mounier à la préfidence, & la multiplicité des patrouilles qui diffipoient les grouppes au palais royal; la rareté des fubfiftances dans la capitale, & les préparatifs de voyage que la garde nationale de Verfailles a rendu inutiles; l'orgie célébrée dans la falle de l'opéra du château de Verfailles, où on fit tout ce qui pouvoit fortement engager les foldats à donner un exemple funefte au refte de l'armée; enfin lcs outrages faits à la cocarde nationale, & la tentative de faire prendre, aux partifans de l'ariftocratie, une cocarde anti-patriotique.

Que l'on fe rappelle les menaces que faifoit il y a un mois le comte de Virieu aux vertueux députés des communes, qu'il traitoit de démagogues qu'on fauroit faire rentrer dans le devoir; qu'on fe rappelle que depuis quelque tems les partifans de l'arifocratic ne parloicnt plus qu'en ricannant de la conftitution & de la liberté, & que l'on joigne enfin à cela les aveux qu'on affure avoir été faits par deux particuliers, arrêtés rue Mazarine avec la dame de Byffi, de l'existence d'un regiftre, où s'infcrivoient ceux qui fe dévouoient à défendre un parti 'qu'on décoroit du nom de royalifles, & l'on ne doutera pas que

la conjuration ne foit auffi certaine, qu'il eft facile d'en découvrir les auteurs.

Quel étoit leur objet ? nous allons le préfenter dans les mêmes termes dont fe fervoit un aristocrate, dans une lettre que nous avons reçue avant la falutaire journée du 5. Čette lettre eft d'un homme qui a reçu une éducation plus qu'ordinaire, il paroît très au courant des affaires publiques, & fur-tout de ce qui eft en faveur de Pariftocratie (1).

Il nous reproche d'abord que notre Journal ne dit pas, « que depuis l'affaffinat de M. Berthier, le pain n'a ceffé "de manquer à Paris; que le duc d'. ... ... eft abandonné, piece à piece, de tous les gentilshommes j. » f. . . . . de fon parti, depuis qu'il n'a plus d'argent à " leur donner, & qu'il eft fur le point de faire banque» route depuis que fon ami Limon eft arrivé de Hollande " fans efpeces; que le Languedoc, la Normandie, l'Ar» tois, la Lorraine, la Guyenne, veulent refter fidelles " au roi; que les princes d'Allemagne, fans exception, » & même le roi d'Angleterre, comme électeur d'Ha"novre, ne reconnoiffent nullement l'effemblée natio"nale, & vont lui tomber fur le corps, pour leur avoir » volé leurs droits féodaux d'Alface; que ces princes, "l'Espagne, le roi de Sardaigne, les Suiffes, toute l'Europe enfin, font pendre, fouetter, baftonner les co»cardiers français; que l'affemblée nationale étoit hon» nêtement embrumée de vin de Champagne la nuit du 24 août; que l'ordre de Malce a décidé d'exclure de fon " fein les families des gentilshommes j. ... f......, & » qu'il va, appuye de l'Espagne, intercepter notre com"merce de la Méditerranée ».

Il nous défie enfuite de raconter le dîner de Verfailles, où les gardes du corps, Ics Suiffes, le régiment de Flandre, les bourgeois même ont juré au roi de lui être fideles jufques à la mort; ils ont crié à bas les cocardes, meurent les rebelles de l'af femblée nationale, qu'ils en ont juré la perte fur leug

(1) Elle n'eft pas de la même main que celle que nous avons. inferée dans le numéso XII, page 41, qui commence par ces muts : vil démagogia.

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fabre, & que tous les régimens de France en vont faire

autant. «<<

Il finit enfin par nous prédire que « tout ce qu'a fait l'affemblée nationale s'en ira en brouée d'andouille; que les ordres du clergé & de la nobleffe conferveront leurs droits; que le roi & la monarchie conferveront leur puiffance; que les rebelles démagogues, bien loin d'avoir donné l'exemple à l'Europe, comme ils le difent, feront trop heurx de fuivre l'exemple du petit état de Liege, qui vient de fe jetter aux pieds de fon prince; qu'on pendra l'abbé Fauchet, les affaffins de la Grêve, les gardes françoifes, les habitués du Palais-Royal & quelques députés; que vingt huffards chafferont, à coup de fouet, la canaille parifienne bleue; qu'on mettra au carcan & à Bicêtre les écrivailleurs, leurs imprimeurs, leurs colporteurs, & qu'alors tout rentrera dans l'ordre ».

Ce texte affreux n'a pas befoin de commentaire, il n'eft que rop vrai que c'étoit là le but de la conjuration (1). Citoyens, vous voyez quels font vos adverfaires, ce qu'ils peuvent tenter, à quoi ils tendent: ne vous repofez donc pas fur vos propres forces. Le projet des aristocrates n'a échoué deux fois que par trop de confiance dans leurs moyens, & par trop préci pitation. Ne vous fiez pas à leur inaction apparente, à la résignation, ou à la récipifcence qu'ils affectent.

N'en attendez jamais qu'une paix fanguinaire.

Prenez donc les voies les plus füres pour prévenir de nouveaux complots, & pour acquérir des preuves contre les coupables.Je vous propofe pour celaldeux partis.

Demander aux représentans de la commune de Paris de rendre public tout ce qui a été acquis jufqu'à ce jour de preuves, d'indices ou de préfomptions fur les perfonnes & fur les faits qui ont rapport à la conjuration, afin que chaque habitant de la France puiffe les comparer avec ce qu'il fait, & qu'il puiffe faire parvenir des renfeignemens au juge d'inftruction.

(1) Nous offrons de donner communication de l'original de cette lettre à toutes les perfonnes qui croiront pouvoir reconnoître l'écriture, & nous nous propofons de la dépofer comme piece de conviction contre les conjures, lorfque nous connoîtrons le tribunal qui informe contre çux.

Délibérez dans les affemblées élémentaires que les députés à l'assemblée nationale feront tenus de dénoncer & poursuivre ceux des miniftres qui font refponfables de la premiere réponse du roi fur les droits de l'homme & fur les articles de la conftitution.

Il refte maintenant à vous conjurer, citoyens au nom de la patrie, de la liberté & de la juftice, pour prix de nos foins, de nos confeils & notre entier dévouement à vous fervir, de vous abftenir contre ceux qui feroient convaincus ou foupçonnés d'avoir trempé dans la conjuration, de toute voie de fait en leurs perfonnes & en leurs biens. La puiffance publique a feule le droit d'agir contre eux. Nous voudrions parler un langage qui pût être compris, du moins inftruit de tous les françois. Les particuliers n'ont pas le droit de punir, même ceux qui font évidemment coupables, parce qu'il n'y auroit plus aucune sûreté dans la fociété. Chaque particulier fuppoferoit un crime à celui qu'il voudroit détruire; les apparences, d'ailleurs, font quelquefois fi trompeufes, que celui qui paroît le plus évidemment coupable eft parfaitement innocent. On a donc établi des magiftrats pour procéder contre les accufés par des formes qui fervent à s'aflurer s'ils font innocens ou coupables, & pour les faire punir ou les abfoudre : lorfque le peuple attroupé, ou quelques particuliers, ufurpent cette fonction des magiftrats, ils renverfent tout l'ordre de la fociété; & il eft rare qu'ils ne fasfent pas périr l'innocent pour le coupable.

Nous avons un exemple bien frappant à joindre à ce précepee. Dans le nombre des gardes-du-corps qui ont été tués par le peuple à Verfailles, étoit M. de Varicourt, beau-frere de M. le marquis de Villette. Ce bon citoyen, qui s'eft conftamment montré pour la caufe populaire, ne regreseroit pas avec tant de publicité la mort de fon beau-frere, s'il ne l'eût connu pour un bon citoyen. Tous ceux qui connoiffoient M. de Varicourt favent qu'il étoit incapable de fouler aux pieds la cocarde patriote, de fabrer des femmes ou de faire feu fur le peuple.

Citoyens frémiffez de tremper encore vos mains

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