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II

RÉGIME MUNICIPAL DE L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET DE L'ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE.

La pensée dominante qui préside à l'organisation municipale sortie des délibérations de l'assemblée constituante, c'est d'empêcher le retour des obstacles qui avaient entravé l'action du gouvernement sous le régime précédent, d'anéantir les circonscriptions territoriales qui, dans le passé, avaient, par leurs traditions et leurs institutions, constitué en quelque sorte des entités politiques, et de n'adopter dans l'État d'autres divisions. que celles qui auraient pour but de faciliter l'administration. Dans la séance du 29 septembre 1789, le rapporteur du comité de constitution, Thouret, s'exprime ainsi : « Le régime municipal, borné exclusivement au « soin des affaires particulières et pour ainsi dire « privées de chaque ressort municipalisé, ne peut en<«<trer, sous aucun rapport, ni dans le système de la « représentation nationale, ni dans celui de l'adminis«<tration générale. Les communes devant être les pre<<mières unités dans l'ordre représentatif qui remonte « à la législature, et les dernières, dans l'ordre du pou« voir exécutif qui descend et finit à elles, chaque mu

agents jugés nécessaires, sont nommés à l'élection ou par le maire avec l'agrément du conseil. Comme garantie de l'accomplissement de leurs devoirs, ils souscrivent des obligations cautionnées au nom de la ville. Les aldermen et les trustees (administrateurs) sont exemptés de cette charge, mais le maire doit souscrire une obligation d'au moins trois mille dollars.

Est-il besoin de dire qu'en matière de finances les pouvoirs municipaux sont très-étendus? Cependant, le conseil doit fixer le montant des sommes nécessaires pour faire face aux dépenses de la commune, déterminées selon les lois, et répartir ces sommes entre la propriété foncière et mobilière sujette à l'impôt, suivant les mêmes bases que pour les impôts de l'État et du comté. Le secrétaire du comté est chargé de vérifier si la répartition est faite conformément aux règles prescrites. C'est peut-être le seul cas où une limite soit imposée aux pouvoirs financiers des conseils municipaux, où l'action de l'État se fasse sentir.

Toute portion de territoire ne dépassant pas deux mille carrés et comprenant au moins 300 habitants, peut se constituer en circonscription communale sur la demande de trente électeurs, qui adressent au juge du comté une requête tendant à ce que l'on soumette au vote la question de savoir s'il y a lieu d'organiser le pays comme village. Le juge du comté fixe l'époque et le lieu des élections des officiers municipaux. Les électeurs nomment, pour une année, six administrateurs qui choisissent l'un d'eux comme président. Le village est considéré comme corps politique; il peut contracter, acqué¬

rir, échanger, avoir un cachet, enfin exercer les mêmes droits que les villes ne dépassant pas 5,000 habitants, sauf les exceptions prévues par la loi. Le président des administrateurs a les pouvoirs conférés aux maires dans les villes dont la population n'excède pas le chiffre cidessus indiqué; il peut voter avec eux, mais sans avoir voix prépondérante. Il a le même veto que le maire : les administrateurs peuvent passer outre à ce veto dans les mêmes conditions que le conseil municipal. Il possède aussi les attributions qui appartiennent à ce conseil dans les villes de moins de 5,000 âmes.

Telle est cette organisation municipale avec ses libertés si larges, son autonomie si absolue qui séduit beaucoup d'esprits en France. Est-ce là que nous devons aller chercher des exemples? Pour résoudre la question, il ne faut que se rendre compte de la constitution politique de l'Amérique. Les États-Unis forment une fédération d'états indépendants du pouvoir central, comme ils sont indépendants entre eux. Par une conséquence toute naturelle, cette indépendance règne dans les rapports qui existent entre les communes et les townships d'une part, le Comté et le gouvernement de Washington de l'autre. Des nstitutions essentiellement fédérales de leur nature ne sauraient donc s'appliquer à un pays unitaire comme e nôtre. D'ailleurs, nos mœurs, nos traditions depuis lus d'un siècle répugnent à cette organisation. Ce serait lésarmer le pouvoir central, au grand détriment de la hose publique, que de conférer aux corps municipaux les pouvoirs aussi étendus, que de leur donner en uelque sorte le rôle de parlements au petit pied. Les

«nicipalité n'est plus, dans l'État, qu'un tout simple, << individuel, toujours gouverné; et ces tous séparés, «< indépendants les uns des autres, ne pouvant jamais << se corporer, ne peuvent être élémentaires des pou<< voirs gouvernants. » Avec une pareille définition, ne doit-on pas, pour être logique, admettre, comme nous le faisons, qu'il n'y a aucune corrélation entre le régime politique et le régime municipal, que le dernier doit être constitué uniquement en vue des intérêts et des besoins communaux, et qu'enfin les institutions communales sont rattachées au pouvoir central par un lien hiérarchique indiscutable, puisqu'elles doivent être toujours gouvernées.

Dans la séance du 12 novembre 1789, l'assemblée constituante décréta qu'il y aurait une municipalité dans chaque ville, bourg, paroisse ou communauté de campagne. Puis, elle aborda la discussion qui devait aboutir à la loi du 14 décembre 1789. Après avoir proclamé l'abolition de toutes les municipalités, quelles qu'en fussent les dénominations, elle ordonne le remplacement des corps municipaux par la voie dé l'élection, supprime les droits de présentation, nomination ou confirmation et les droits de présidence ou de présence aux assemblées communales attachés à la possession de certaines terres ou à l'exercice de certaines fonctions, et dispose qu'à l'avenir le chef du corps municipal portera le nom de maire. Ces préliminaires adoptés, la loi s'occupe successivement des élections aux assemblées communales, de la composition et des fonctions des corps municipaux.

Tout citoyen actif était électeur. On sait que, pour posséder ce titre, il fallait réunir diverses conditions : être français ou naturalisé, avoir la majorité de vingtcinq ans, être domicilié de fait dans la commune depuis un an, payer une contribution de la valeur locale de trois journées de travail, ne pas être en état de domesticité, de banqueroute, de faillite, ou d'insolvabilité comme débiteur. Dans les communautés ayant moins de 4,000 habitants, les citoyens actifs ne formaient qu'une assemblée; de 4,000 à 8,000 habitants, il y en avait deux; de 8,000 à 12,000, il y en avait trois et ainsi de suite. Ces assemblées se réunissaient par quartier et par arrondissement. Il leur était interdit de se former par métiers, professions et corporations. Ces dispositions sont bien en harmonie avec les idées de la constituante qui devait plus tard supprimer les corporations. Elles avaient, du reste, pour but d'affranchir la qualité de citoyen de toute connexité avec les intérêts professionnels, et de donner ainsi plus d'indépendance à l'exercice du droit de suffrage. Convoquées par le corps municipal huit jours à l'avance, les assemblées des citoyens actifs tenaient leurs séances en présence d'un électeur chargé d'exposer l'objet de la convocation. Dans la même ville, elles se réunissaient le même jour et à la même heure, nommaient un président et un secrétaire à la pluralité relative des suffrages, puis ensuite trois scrutateurs dans les mêmes conditions pour vérifier les votes et proclamer le résultat des élections. Dans ces deux cas, ces scrutins préliminaires étaient reçus et dépouillés par les trois plus anciens d'âge.

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