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institutions, ne l'oublions pas, ne peuvent avoir de valeur et de durée que quand elles sont en rapport direct avec les intérêts qu'elles doivent satisfaire et les situations qu'elles doivent réglementer. Sans cette condition primordiale, le législateur bâtit sur le sable et son œuvre s'écroule au milieu de l'anarchie et des ruines.

L'époque contemporaine a vu, du reste, les tristes résultats produits par l'organisation municipale de New York. Que de scandales, que de dilapidations financières Les institutions ne valent que par les hommes qui les appliquent, a-t-on dit. New-York en a fait la triste expérience à ses dépens, mais il y a lieu de croire que si la tutelle gouvernementale se fut exercée, nous n'aurions pas été les témoins attristés de ces abus du self-government municipal. Au mal qui était profond, on a voulu apporter remède. Une charte, en 1873, a réduit le nombre des aldermen, donné au maire le pouvoir de nommer les officiers municipaux avec le consentement du conseil municipal, et réorganisé les services des finances et de la police. Une autre charte, en 1874, a investi le maire du droit de choisir seul les agents communaux. Tous ces palliatifs ayant paru insuffisants, on a fusionné le gouvernement du comté et l'adminis tration de la ville de New-York. Il faut donc espérer que les autorités de l'État rempliront leurs fonctions avec plus de régularité que ne l'a fait le corps munici pal de la première des villes des États-Unis.

CHAPITRE III

ORGANISATION MUNICIPALE DE LA FRANCE

DEPUIS L'ANCIENNE MONARCHIE JUSQU'A NOS JOURS

I

RÉGIME MUNICIPAL DE L'ANCIENNE MONARCHIE.

L'origine des communes françaises qui existaient sous l'ancienne monarchie n'est pas uniforme. On sait, en effet, que les unes, dans le midi surtout, procédaient des municipes romains, dont l'histoire a pu constater la persistance sur notre sol pendant la durée des deux premières dynasties et le règne des premiers rois de la troisième ; que les autres ont pris naissance au XIIe siècle, quand les villes s'insurgèrent contre les seigneurs et en obtinrent la concession de chartes. Est-il besoin d'ajouter que toutes ces chartes n'étaient pas le fruit de la révolte triomphante; que, bien des fois, les seigneurs et les rois les octroyèrent spontanément ou moyennant finance? La politique royale favorisa la cause des communes pendant tout le cours des XII et XIIIe siècles. Son but était de miner la puissance des seigneurs et de faire échec à la féodalité. Mais au commencement du siècle

suivant, se produisirent les formidables prises d'armes des communes flamandes, qui tinrent tête à Philippele-Bel; puis, vint l'insurrection communale de Paris avec Etienne Marcel, durant la guerre de Cent-Ans. C'en fut assez pour que la royauté, sans cesser de combattre les institutions féodales, se montrât hostile aux communes. Il était, du reste, dans la nature des choses, que le pouvoir royal, cherchant à se fortifier et à s'étendre, absorbât peu à peu les communes qui constituaient autant de petites républiques. Leurs priviléges, qui avaient eu leur raison d'être pendant l'anarchie féodale, étaient trop considérables pour être maintenus sous un gouvernement centralisé. Finances, justice, législation, administration, tout était réglementé-par elles. A partir du xvre siècle, cette situation se modifia. Les communes tombèrent sous l'application des ordonnances générales, promulguées par les rois et, si elles conservèrent une certaine autonomie, du moins elles perdirent cette indépendance absolue qui faisait d'elles des états dans l'État.

Un édit de 1563, instituant les tribunaux de com merce, enlève la connaissance des litiges entre négociants aux magistrats municipaux. Les ordonnances de Moulins, de Blois et de Saint-Maur, font perdre aux municipalités leur juridiction civile et criminelle et les restreignent aux jugements de police. L'établissement des octrois est subordonné à l'autorisation du roi. Sous Louis XIV, un édit de 1659 prohibe l'aliénation des biens communaux sans le consentement royal. En 1662, une ordonnance, inspirée par Colbert, après une vérifi

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cation générale des dettes des communes, leur interdit d'en contracter de nouvelles sans y être autorisées par le gouvernement. Enfin, en 1688, les budgets des villes furent réglés d'avance par les intendants des provinces et les commissaires départis. Peu à peu aussi, l'admi nistration intérieure des communes, la voirie, les travaux concernant la salubrité, l'assainissement, la surveillance des constructions et des alignements passèrent dans le domaine du pouvoir central.

Les communes avaient pour chef un magistrat éléctif, consul, capitoul, maire ou premier échevin qui les administrait avec le concours d'une assemblée élue dont les membres s'appelaient, suivant les localités, jurés, jurats, assesseurs, conseillers, échevins, pairs-bourgeois, quarteniers. Sous Louis XIV, en 1692, on créa des charges de maires ou d'assesseurs, à la nomination du roi, dans toutes les villes, excepté à Lyon et à Paris. En 1702, des procureurs-syndics, nommés également par le pouvoir royal, furent institués dans toutes les villes qui n'avaient pas de chartes, pour y remplir les fonctions de maires. Un édit de 1704 supprima l'élection pour la moitié des places d'échevins, jurats, capitouls, consuls et autres officiers municipaux et les érigea en titres d'offices. Un certain nombre de villes rachetèrent leurs franchises. Le gouvernement dut reculer devant les protestations qui éclatèrent de toutes parts et restaurer l'ancien état de choses. Les offices furent supprimés, puis rétablis sous Louis XV. Après une nouvelle réaction, les édits de 1764 et 1765 organisèrent définitivement l'administration des villes et des bourgs.

La nomination du maire fut réservée au roi, qui dut le choisir sur une liste de trois candidats désignés par les notables. De cette époque date, dans notre droit public, la proclamation de ce principe que le chef de l'association communale, agent du pouvoir central, doit être nommé par le gouvernement dont il exécute les ordres. Sans doute, bien des réactions contraires se produiront sur ce point dans l'organisation de nos institutions communales, mais il n'est pas douteux qu'en considérant le double mandat du maire, qu'en comparant les fonctions du représentant de la commune avec celles du représentant du pouvoir, abstraction faite de toute question politique, on doit logiquement arriver à reconnaître qu'au gouvernement seul appartient la nomination des agents municipaux, maire et adjoints.

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