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Elle déclare qu'elle se repose avec la plus haute confiance sur les principes de morale, d'honneur; sur la magnanimité des puissances alliées, et sur leur respect pour l'indépendance de la nation, si positivement exprimé dans leurs manifestes.

Elle déclare que le gouvernement de la France, quel qu'en puisse être le chef, doit réunir les vœux de la nation, légalement émis, et se coordonner avec les autres gouvernemens, pour devenir un lien commun et la garantie de la paix entre la France et l'Eu

rope.

Elle déclare qu'un monarque ne peut offrir des garanties réelles, s'il ne jure d'observer une constitution délibérée par la représentation nationale et acceptée par le peuple. Ainsi, tout gouvernement qui n'aurait d'autres titres que des acclamations et les volontés d'un parti, ou qui serait imposé par la force; tout gouvernement qui n'adopterait pas les couleurs nationales et ne garantirait point:

La liberté des citoyens;

L'égalité des droits civils et politiques;

La liberté de la presse;

La liberté des cultes;

Le système représentatif;

Le libre consentement des levées d'hommes et

d'impôts;

La responsabilité des ministres;

L'irrévocabilité des ventes de biens nationaux de

toute origine.

L'inviolabilité des propriétés ;

L'abolition de la dîme, de la noblesse ancienne et nouvelle, héréditaire, de la féodalité;

L'abolition de toute confiscation des biens; L'entier oubli des opinions et des votes politiques émis jusqu'à ce jour;

L'institution de la Légion-d'Honneur;

Les récompenses dues aux officiers et aux soldats;
Les secours dûs à leurs veuves;
L'institution du jury;
L'inamovibilité des juges;

Le paiement de la dette publique;

N'aurait qu'une existence éphémère et n'assurerait point la tranquillité de la France ni de l'Europe.

Que si les bases énoncées dans cette déclaration pouvaient être méconnues ou violées, les représentans du peuple français, s'acquittant aujourd'hui d'un devoir sacré, protestent d'avance à la face du monde entier, contre la violence et l'usurpation. Ils confient le maintien des dispositions qu'ils proclament à tous les bons Français, à tous les cœurs généreux, à tous les esprits éclairés, à tous les hommes jaloux de leur liberté, enfin aux générations futures!

Signé: LANJUINAIS, président;

BEDOCH, DUMOLARD et CLÉMENT DU
DOUBS, secrétaires.

Lorsque, le 8, la chambre fut envahie, et que ses membres en trouvèrent les portes fermées, Lafayette les invita à se rendre chez lui, et de là plus de deux

cents députés allèrent chez le président Lanjuinais signer la protestation suivante.

Protestation contre la fermeture des portes de la

Chambre.

Journée du 8 juillet 1815, dix heures du matin. « Dans la séance du jour d'hier, sur le message par lequel la commission du gouvernement annonçait qu'elle cessait ses fonctions, la Chambre des Représentans passa à l'ordre du jour. Elle continua ensuite ses délibérations sur les dispositions du projet d'acte constitutionnel dont la rédaction lui fut expressément recommandée par le peuple français ; et lorsqu'elle suspendit sa séance, elle s'ajourna à ce jour, 8 juillet, à huit heures du matin.

>> En conséquence de cet ajournement, les membres de la Chambre des Représentans se sont rendus au lieu ordinaire de leurs séances. Mais les portes du palais étant fermées, les avenues gardées par la force armée, et les officiers qui la commandaient ayant annoncé qu'ils avaient l'ordre formel de refuser l'entrée du palais,

>> Les soussignés, membres de la Chambre, se sont réunis chez M. Lanjuinais, président, et là ils ont dressé et signé individuellement le présent procèsverbal pour constater les faits ci-dessus. »

A Paris, les jour et an ci-dessus.

(Suivent les signatures.)

Le comité, chargé de présenter la déclaration aux puissances, n'ayant pu s'en acquitter, Lafayette l'adressa au comte Capo d'Istria; la lettre qui contenait

cet envoi, ainsi que son adhésion, finissait par ces mots : «Avez-vous eu la bonté de parler d'une femme >> malheureuse (1) dont la mère a eu pour moi, pen>> dant ma captivité, des procédés que je ne puis ou-» blier, dussé-je être aujourd'hui appelé bonapar>> tiste par les puissans ennemis de Napoléon, quoi>> que ni eux, ni leurs ambassadeurs, ni leurs enfans, »> ne m'aient jamais rencontré chez lui? »

Il retourna ensuite dans sa retraite de Lagrange, qu'il ne quitta un moment que pour aller porter, dans un banquet américain, son toast à la mémoire des soldats américains et français, morts en défendant leur patrie contre l'invasion étrangère.

La nomination de Lafayette, élu à la Chambre des Députés, pendant le congrès d'Aix-la-Chapelle, y fit une grande sensation. Durant le cours de ses travaux législatifs comme député, d'abord de la Sarthe, et ensuite de l'arrondissement de Meaux, il défendit avec constance et sans déguisement les principes de toute sa vie. En combattant, en 1819, la résolution de la Chambre des pairs contre la loi des élections, déjà si étroite et si bornée, il demanda « que le jury re» couvrât toutes ses formes protectrices, que le rap>> pel des bannis mît fin aux mesures de proscription.»> Il appela le régime municipal d'alors « un arbitraire » avoué, une féodalité déguisée; » il dit « que l'institu>>tion des gardes nationales avait pu seule résoudre le

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problème de l'alliance de la liberté, dans un grand >> Etat continental, avec la sûreté de son territoire et (1) La Reine Hortense.

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» de son indépendance, » et il déclara « que l'invasion >> étrangère, en 92, avait seule pu assurer le triomphe de l'anarchie; fatale alliance,» ajouta-t-il, « de >> l'anarchie, de l'oligarchie et du despotisme déjà ré>> vélée par quelques-uns de ses complices, et » que les révélations de l'histoire flétriront de » plus en plus. » Le tumulte de la séance du 17 mai ayant empêché d'entendre les diverses opinions qui y furent exprimées sur le rappel des bannis, il publia la sienne. En parlant, la même année, sur le budget, il établit « que le principal » objet des sociétés était d'être gouvernées le mieux » et au meilleur marché possible » ; il réclama la plus étroite spécialité dans les articles du budget; il demanda aussi qu'on n'employât que « des Français, >> et des Français, tant qu'il en reste, ayant combattu >> sous les drapeaux de la patrie »; enfin il rappela sur la garde nationale les trois conditions essentielles de la loi de 91, « armement de la nation, subordination de la >> force armée à l'autorité civile, et nomination des >> officiers par les citoyens. C'est de cette institution, >> dit-il, que sont sorties ces héroïqnes armées, pro>> duit du patriotisme national et de l'égalité civique, >> dont les glorieux débris, rentrés dans leurs foyers,

donnent aujourd'hui l'exemple des vertus domes>>tiques et de tous les sentimens propres aux bons >>> citoyens. >>On trouve dans son discours cette pensée remarquable : « L'assemblée constituante trouva im» possible de rien réformer sans tout changer. Si les >> reconstructions furent imparfaites, les principes gé

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