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tion dans. Celle des représentans fit ses choix la première. On lui persuada de nommer les deux pairs à charge de revanche: elle nomma Carnot et Fouché; Lafayette et Grenier furent ballottés; celui-ci l'emporta. On croyait, deux heures avant le scrutin, que Lafayette passerait le premier; il n'en fut pas ainsi; non que ses amis particuliers, cette fois comme dans l'affaire de la présidence, eussent éloigné de lui cet honneur : ils le portèrent, au contraire, avec empressement; mais beaucoup d'intérêts et de passions travaillèrent contre lui. L'influence que le parti royal pouvait avoir, si ce n'est au sein, du moins autour de la chambre, fut dirigée contre un homme pour lequel il avait récemment encore manifesté son animadversion (1), et qui ne pouvait entendre à aucune transaction, aux dépens de certains principes positifs. Beaucoup de républicains qui l'avaient proscrit, en l'appelant aristocrate et royaliste, couverts aujour

(1) Cette malveillance se reproduit d'une manière aussi âcre que mensongère dans une histoire de la Restauration récemment publiée et dont on reconnaît, à plusieurs signes évidens, que beaucoup de renseignemens ont été donnés par ces mêmes hommes qui intriguaient alors pour le compte de Louis XVIII, autour de la chambre des représentans et avec Fouché lui-même; de ces hommes qui poursuivaient de leur ingratitude et de leur haine ce même Napoléon dont ils avaient été les serviles valets; tandis qu'au contraire Lafayette s'était occupé d'assurer son passage aux États-Unis, et lui avait témoigné, dans cette circonstance, tous les sentimens compatibles avec ses devoirs patriotiques.

M. Galatin que l'Europe et particulièrement la France connaissent par ses travaux diplomatiques, et que l'Amérique compte, avec orgueil, au nombre des plus constans et plus ha

d'hui de titres et de cordons, lui reprochaient de conserver des inclinations et des intentions républicaines, et de n'être pas plus favorable à la nouvelle hérédité nobiliaire qu'il ne l'avait été à l'ancienne. On répandit le bruit qu'il refuserait; qu'il se réservait pour la garde nationale, pour l'ambassade : il n'eut que 142 voix. Si cette affectation à repousser les intérêts des partis lui fut défavorable, le duc d'Otrante, au contraire, se trouva porté par les bonapartistes qui le savaient en correspondance avec M. de Metternich, pour la régence; par les conventionnels qui se rappelaient d'anciennes liaisons, et surtout par les vœux ardens des royalistes qui comptaient exclusivement sur lui. La droiture républicaine de Carnot, ses rapports, dans cette dernière crise, avec Bonaparte, à la conversion duquel il croyait, et qu'il avait regardé, dans la sincérité de son patriotisme, comme le palladium de la liberté, lui avaient d'autant biles défenseurs de ses libertés, haranguant, en 1825, Lafayette au nom des habitans d' Union-Town, rendit un éclatant témoignage à sa générosité envers l'empereur Napoléon.

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Cependant, lui dit-il, le colosse tombe; et, tandis que les » flatteurs le trahissaient et l'abandonnaient, vous, qui lui » aviez résisté lorsqu'il était au faîte du pouvoir, vous vous rappelâtes, seulement alors, que vous dûtes à ses premières >> victoires d'être délivré des prisons d'Olmutz, et vous fûtes » un des premiers à proposer des moyens de salut qu'on >> cherchait alors à lui procurer et qui peut-être, sans un » étrange aveuglement de sa part (ses préventions contre les » idées républicaines), et la honteuse perfidie de faux amis, >> eussent pu le préserver du triste sort qui l'attendait. »

plus assuré une grande majorité, qu'il offrait l'espèce de garantie la plus recherchée dans ce moment: celle de ne donner l'inquiétude d'aucune liaison avec les anciens privilégiés. Le général Grenier, un des généraux les plus respectés de l'armée, fut le troisième élu. La chambre des pairs choisit le baron Quinette, ancien membre de la Convention, et le duc de Vicence, connu par sa loyale franchise avec l'empereur Napoléon. Quant à la présidence, le choix fut partagé entre Carnot et Fouché. La voix du duc d'Otrante décida, dit-on, la question qui devint très-importante par l'influence qu'il prit sur ses collègues, et par l'abandon qu'ils lui firent des négociations les plus décisives. On avait cru que la garde nationale nommerait son chef comme au commencement de la révolution, ou que ce choix serait déféré à l'assemblée. Ce chef eût été, dans l'un et l'autre cas, le général qui l'avait créée vingt-six ans auparavant. Le gouvernement préféra le nommer à l'ambassade. Une grande portion de la chambre y voyait, de bonne foi, de l'utilité. Le maréchal Masséna, qui avait sauvé la France à Zurich et à Gênes, fut nommé commandant de la garde nationale de Paris (1).

(1) Lorsque Masséna reçut les visites de la garde nationale, dont il venait d'être nommé commandant, il eut la bonne grâce de parler du désir qu'on avait eu de voir Lafayette à sa première place de 1789, et de dire qu'il chercherait à marcher sur ses traces. De son côté, Lafayette lui déclara qu'il serait toujours prêt à lui servir d'aide-de-camp. C'est ainsi que les hommes publics devraient se conduire, toutes les fois qu'il s'agit de l'intérêt de leur pays

C'est ainsi que, par l'influence de Fouché qui déjà était d'accord avec les ennemis, on éloigna Lafayette en l'envoyant traiter avec eux d'un armistice, et leur recommandant secrètement de le garder jusqu'après la capitulation. Dans cette négociation, les plénipotentiaires soutinrent les droits et l'honneur français, mais ils n'obtinrent pas la trève qu'ils demandaient.

L'ambassadeur anglais ayant élevé des doutes sur la légitimité d'une chambre convoquée par Bonaparte: « Je m'étonnerais, répondit Lafayette, qu'un » homme public de votre pays ne reconnût pas que >> le pouvoir d'une assemblée nationale dérive plutôt » de ceux qui élisent que de celui qui convoque.

>> Et puisque nous parlons de ces temps-là, ajouta » Lafayette, je prierai milord de se rappeler que >> dans cette même révolution, que j'appellerai glo>> rieuse aussi avec lui et avec tous les Anglais, la >> situation de l'armée et de Jacques II était un peu >> différente de celle de l'armée française relativement » à Louis XVIII. Il l'avait formée, il avait combattu » avec elle; elle lui devait de la reconnaissance, ce >> qui n'empêcha pas toutes ces troupes, et nommé>>ment le favori du Roi, votre grand Marlborough, » de déserter dans la nuit, non pour se réunir au drapeau national, mais pour aller rejoindre une >> armée, un prince, un drapeau étranger. >>

L'ambassadeur s'étant ensuite adressé à lui pour dire qu'on n'aurait la paix qu'en livrant Bonaparte aux alliés : « Je m'étonne, milord, répondit-il, que » pour proposer cette lâcheté au peuple français,

>> vous vous adressiez de préférence à un prisonnier » d'Olmütz. » Il s'était occupé, avant de partir, de faire donner deux frégates à Napoléon, pour le conduire aux États-Unis ; tout cela fut changé. Les plénipotentiaires, à leur retour, trouvèrent, comme l'intrigue l'avait voulu, la capitulation faite et l'armée éloignée. Ils arrivèrent à temps pour qu'en son nom, et au nom de ses collègues d'Argenson et Sébastiani, Lafayette adhérât, le 6, à la belle déclaration proclamée la veille par la chambre des représentans. Je crois devoir reproduire ici cette pièce importante.

Déclaration de la chambre des représentans, séance du 5 juillet 1815.

Les troupes des puissances alliées vont occuper la capitale.

La chambre des représentans n'en continuera pas moins de siéger au milieu des habitans de Paris, où la volonté expresse du peuple a appelé ses mandataires.

Mais, dans ces graves circonstances, la chambre des représentans se doit à elle-même, elle doit à la France, à l'Europe, une déclaration de ses sentimens et de ses principes.

Elle déclare donc qu'elle fait un appel solennel à la fidélité et au patriotisme de la garde nationale parisienne, chargée du dépôt de la représentation nationale.

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