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« A partir de ce moment, aucune réclamation n’a » été faite; et ces malheureuses femmes respiraient

pièces mêmes qu'elle savait devoir passer sous les des

bourreaux.

yeux

Au Puy, département de la Haute-Loire, ce 12 septembre 1792. " Monsieur,

»Je vous crois réellement fanatique de la liberté, et c'est dans ce moment » un honneur que je fais à bien peu de personnes. Je n'examine pas si ce fana»tisme, comme celui de la religion, agit ordinairement contre son objet, mais »je ne saurais me persuader qu'un ami zélé des noirs puisse être un suppôt de » la tyrannie, et je pense que si le but de votre parti vous passionne, souvent » ses moyens vous répugnent. Je suis sûre que vous estimez, je dirai presque » que vous respectez M. Lafayette comme un ami courageux et fidèle de » la liberté, lors même que vous le persécutez parce que des opinions con>> traires aux vôtres, sur la manière dont elle peut être affermie en France, >> soutenues par une conduite et un courage tel que le sien, et par une fidélité > inébranlable à ses sermens, peuvent s'opposer aux vues du parti que vous avez embrassé, et à votre nouvelle révolution. Je crois tout cela, et c'est pourquoi » je m'adresse à vous, dédaignant de m'adresser à d'autres. Si je me trompe, » mandez le moi, ce sera la dernière fois que je vous importunerai.

» Une lettre de cachet de M. Rolland, du 2 septembre, motivée sur un ar» rêté du comité de sûreté générale, du 19 août, m'a fait amener ici lundi dernier par un particulier, juge-de-paix de cette ville, qu'elle chargeait de » m'amener à Paris, avec mes enfans ( s'ils étaient rencontres avec moi), et >> après s'être concerté pour cela avec le département de la Haute-Loire, dans » l'étendue de la juridiction duquel se trouvait ma retraite. J'avoue, avec douleur, que le procureur général syndic du gouvernement, a eu la faiblesse

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» de donner au commissaire de M. Rolland une réquisition pour la force >> armée, et, avec reconnaissance, que ce commissaire et les troupes qui » l'accompagnaient ont eu toutes sortes de soins de nous, pendant la route. Ma fille aînée était avec moi, et loin de chercher à se cacher, elle a été charmée » que ces ordres lui fussent communs. Une tante de mon mari, pour laquelle je » suis restée loin de lui tout l'hiver dernier, a bien voulu m'accompagner ici.

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>> Lorsque M. Aulagnier (c'est le nom du commissaire) me demanda où »je voulais aller dans cette ville, je répondis que je voulais me placer sous la >> sauvegarde de la municipalité, et aller au département, auquel seul, dans la ville du Puy, il appartenait de donner des ordres à Chavaniac, lieu de mon

>> dans leurs chambres, qu'on peut appeler des ca>> chots, un air si infect par l'effet des exhalaisons d'un

>> domicile, attendu qu'il est du district de Brioude, canton de Paullaguet. Ce que je dis en arrivant au lieu des séances, et ce qui fut résolu entre le conseil ⚫général et le commissaire qui m'avait arrêtée, se trouve à peu près entièrement consigné au procès-verbal où j'ai exprimé mon vou, et fait mes de»mandes au département..... Ma tante désirait que je parlasse des fatigues du voyage, après tant d'épreuves que ma santé a souffertes, mais je n'ai pas » voulu donner de prétextes, ayant d'aussi bonnes raisons pour ne pas aller à » Paris. J'allais parler des dangers que pouvaient y faire craindre les événemens » du 2 septembre, mais, ayant demandé la date de la lettre de M. Rolland, et la voyant datée de ce jour même, j'ai voulu lui épargner des réflexions qui »l'eussent pu choquer, car je ne veux pas m'adresser à lui, mais je ne veux pas » lui dire des injures. Je me suis contentée de dire aux membres du département »que puisque j'étais sous leur sauvegarde, c'était à eux de prévoir et de prévenir les dangers que je pourrais avoir à redouter; ils vont écrire de concert » avec M. Aulagnier, et je m'en fie à leur prudence.

⚫ par D

»J'ignore quelle sera leur réponse. Il est aisé de voir que, si elle est dictée la justice, elle me rendra ma liberté indéfinie; si elle est selon le vœu de ▪mon cœur, elle me permettra de me réunir à mon mari, qui me demande en »Angleterre, dès qu'il sera délivré de sa captivité, afin que nous allions ensem ■ble nous établir en Amérique, aussitôt que le voyage sera praticable; mais si l'on veut absolument me retenir en ôtage, on adoucirait ma prison en me per⚫mettant de la choisir à Chavaniac, sur ma parole et la responsabilité de la municipalité de mon village.

»Si vous voulez me servir, vous aurez la satisfaction d'avoir fait une bonne action en adoucissant le sort d'une personne injustement persécutée et qui, » vous le savez, n'a pas plus de moyens que d'envie de nuire.

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Au Puy, ce jeudi au soir, 4 octobre, veille de mon départ pour Chavaniac.

Je ne devrais plus vous écrire, Monsieur, après l'usage que vous faites de ■mes lettres, mais les sentimens de révolte qu'avaient fait naître dans mon » âme, et mon injuste captivité, et surtout la dure obligation de m'adresser aux ennemis de ce que j'aime, ceux mêmes que les calomnies rebattues que M. Rol> land m'a adressées n'ont pu manquer d'exciter dans mon cœur, sont tous sur

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>> égout et des latrines de la garnison, placés sous les >> fenêtres de Lafayette, que les soldats qui leur por

montés, depuis les nouvelles d'hier, par le sentiment des alarmes et de ma vive douleur de la captivité bien plus affreuse de celui qui mérite plus que » moi d'être libre, puisqu'il a bien plus travaillé que moi pour la liberté de ses >> concitoyens.

» Ne vous attendez donc plus à trouver dans mes expressions ni amertume, › ni même la fierté de l'innocence opprimée; je plaiderai ma cause avec l'uni-. » que désir de la gagner. J'ai déjà écrit à M. Rolland. Le dernier courrier, je » venais de lire dans votre gazette, dans laquelle seule je trouve des nouvelles de » mon mari, qu'on le séparait de MM. de Maubourg et Bureau de Puzy, et qu'on le transférait à Spandau. Son malheur, les risques de sa santé, tout ce que je >> crains encore... ce que j'ignore, tous ces maux à la fois ne sont pas réellement supportables pour inoi, fixée loin de lui. Et lorsque je pense quels services » peuvent rendre à la patrie toutes les tortures de mon cœur, je ne puis croire » qu'on persévère à me lier par les chaînes les plus pesantes : une parole que j'ai > offerte peut-être trop légèrement, mais qui est le prix de l'adoucissement que » fon accorde à ma prison, et la crainte d'exposer les administrations responsa»bles, lien non moins sacré pour moi. En vérité, Monsieur, c'est mettre beau>> coup trop d'importance à ma personne, et beaucoup trop peu à une vexation, » que de continuer à me retenir.

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Après tout ce que votre crédit a fait, après tout ce que vous osez depuis » quelque temps avec courage contre une faction meurtrière, je ne puis croire » que vous ne puissiez et ne vouliez obtenir du comité la révocation entière de » son arrêté. Il fut pris à une époque où il craignait que l'opinion de M. Lafayette » put soutenir encore quelques citoyens dans sa fidélité à la constitution; je ne puis croire que vous n'obteniez que l'ordre de M. Rolland, qui ne s'appuie » que sur cet arrêté, soit aussi révoqué, et que ma liberté me soit rendue toute entière. Il est impossible qu'un certificat de résidence dans les fers des ennemis » pour s'être dévoué à la cause de la liberté, ne vaille pas à la femme de M. La>>fayette les mêmes avantages que vaudrait à celle d'un artiste le certificat

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» qui répondrait qu'il voyage pour s'instruire de son art. Je ne parlerai pas de » la barbarie qu'il y a en général à garder des femmes comme otages; mais »je dirai qu'il est dans l'impuissance absolue de nuire ou de servir aucune cause; souffrez que je le répète, il a fallu l'y réduire pour qu'il ne servit plus la cause » de la liberté?

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J'avoue, monsieur, que je ne pourrai jamais croire que celui qui poursuit, ⚫ depuis tant d'années, l'abolition de l'esclavage des noirs, puisse refuser d'em

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>> taient à manger se bouchaient le nez en ouvrant >> leur porte.

>> Les trois prisonniers, Maubourg, Lafayette et >> Puzy, ont été enfermés pendant trois ans et cinq. >> mois dans le même corridor, sans se voir et sans » qu'on voulût leur donner la moindre nouvelle ré>> ciproque. >>

A l'époque de l'insurrection Lyonnaise, deux hommes d'opinion et de situation différentes, le publiciste d'Archenoloz, et le très-royaliste mais généreux Lally-Tollendal, imaginèrent de représenter aux puissances que l'arrivée de Lafayette à Lyon, en ralliant la nombreuse portion constitutionnelle de France, et avec son crédit sur la garde nationale, pourrait seule peut-être arrêter les massacres de la terreur : c'était mal les'connaître. «Lafayette, se dit-on, >> sans doute, comme en 92, sauverait ses amis et les

ployer son éloquence pour délivrer d'esclavage une femme qui ne demande d'autre liberté que celle d'aller s'enfermer dans les murs, ou du moins au> tour des murs de la citadelle de Spandau. M. Rolland veut bien m'assurer »qu'il est dans la persuasion que je ne puis ni ne veux nuire: alors il faut me délivrer; car, d'après les principes avoués par M. Rolland lui-même, on doit faire le bien de tous avec le moins de mal possible pour chacun. Ma li»berté n'en ferait à personne. Laissez les ennemis étrangers assouvir leur haîne contre un sincère ami de la liberté ; ne vous unissez pas à eux pour le persécu>ter dans ce qui lui est cher, et qu'au moins ils voient qu'il est dans notre pa»trie des représentans courageux du peuple qui abhorrent les crimes inutiles, » soutiennent l'innocence, au moins quand elle est faible et qu'elle souffre.

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» J'ose attendre de cette lettre une prompte réponse. Elle peut vous faire ju"ger que je suis bien malheureuse; mais aucune expression ne peut peindre l'é>tat violent de mon cœur, ni la reconnaissance que je devrais à mes libéra~ »teurs, tels maux qu'ils m'aient causés jusques-là.»>

Signe NOAILLES LAFAYETTE.

» nôtres, mais au profit de la liberté.» En effet tandis que Lyon, patriotiquement insurgée contre l'oppression, demandait à marcher en avant, la junte secrète ne voulait en faire qu'une place d'armes pour l'étranet les nobles et humaines démarches du comte de Lally et du respectable prussien Archenoloz ne produisirent que de nouvelles précautions contre l'évasion du prisonnier. Cette circonstance a été rappelée récemment par M. Prunelle, président de la commission de réception, dans sa harangue au général Lafayette, au nom de la population Lyonnaise.

Dans un billet de Lafayette, échappé à la vigilance de ses gardiens et publié depuis, nous trouvons le jugement suivant sur le prétendu républicanisme de la terreur, et sur la perfide diplomatie des monarques alliés. « Je ne parlerai point des affaires publiques; un >> homme mort depuis vingt-et-un mois les jugerait » mal; la liberté dont l'Europe sent le besoin, que » l'Angleterre perd à regret, que la France rappelle >> par des vœux secrets, n'en est pas moins assassinée >> par la double faction des comités jacobins et des >> cabinets coalisés; s'il est étrange de respecter des brigands parce qu'ils se disent patriotes, et de se >> croire libres parce qu'une vingtaine de mots répu»blicains a été cousue au plus infàme systême de >> tyrannie, il ne l'est pas moins de s'imaginer que » souveraineté nationale, placée entre cette nouvelle » usurpation et l'antique rébellion des despotes, » puisse gagner quelque chose au succès des alliés ; » et lors même que ceux-ci déguiseraient l'aristo

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