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ques semaines après, présenta 70,000 gardes nationaux réunis sous le drapeau; et puis ces 20,000 hommes du département de Seine-et-Oise que le Roi et Lafayette vinrent inspecter à Versailles, tous soldats et citoyens, tous demandant et inspirant la confiance, qui les oubliera jamais? Avec quelle assurance le trône de juillet ne pouvait-il pas, alors, promettre et commander la paix! La paix! c'était aux rois de l'Europe de la demander; à Louis-Philippe de la donner.

Quinze jours après la chute d'un roi parjure qui, à pareille heure, faisait égorger son peuple, une armée immense s'était levée pour la liberté, l'ordre et l'indépendance, et derrière ces phalanges civiques, 100,000 valeureux ouvriers prêts à sauver la patrie, comme ils avaient sauvé la capitale; et dans tout le reste de la France, 3,000,000 de citoyens s'organisant à l'envi contre les ennemis de notre indépendance, de la liberté et de l'ordre public!! Oui, ce jour devait fermer le cours de nos longues vicissitudes; le nom de Roi était réhabilité en France par un prince qui tendait la main à tous les citoyens, et que tous les intérêts saluaient comme leur protecteur. Oui, au 29 août, un mois après l'expulsion de Charles X, la révolution, commencée quarante ans auparavant, pouvait se clore par le principe de la souveraineté populaire et de la monarchie citoyenne; on ne l'a point voulu la révolution est de nouveau en travail; la couronne et la liberté ont encore peur l'une de l'autre; la France ne grandit plus; elle se rapetisse.

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Qui, alors, en lisant les pièces suivantes, n'eût cru à une alliance indissoluble entre Louis-Philippe et Lafayette?

Ordre du jour du 30 août 1830.

«La belle revue d'hier, l'admirable apparence de >> l'armée citoyenne dont la rapide formation est en » harmonie avec la rapidité du triomphe de la liberté, >> la manière dont la garde nationale s'est présentée >> sous les armes et a défilé devant le Roi, ont excité >> l'enthousiasme de l'immense population qui nous >> entourait et les justes éloges des généraux que >> la victoire a depuis long-temps qualifiés comme » étant les meilleurs juges militaires. La présence de >> nos braves blessés de la grande semaine, et de >> plusieurs députations de nos frères d'armes des dé>>partemens, complétait les jouissances de cette mé» morable journée. Le général en chef se borne aujourd'hui à se féliciter avec ses camarades de la >> garde nationale parisienne, du superbe et patrio>>tique spectacle qu'elle a donné dans cette mémo» rable journée. Quelles expressions d'ailleurs pour» rait-il trouver après celles du discours prononcé » par le Roi en nous remettant les drapeaux, et » après la lettre dont il s'empresse de faire part à » ses frères d'armes? >>

Discours prononcé par le Roi en donnant les drapeaux.

<< Mes chers camarades,

>> C'est avec plaisir que je vous confie ces drapeaux,

>> et c'est avec une vive satisfaction que je les remets » à celui qui était, il y a quarante ans, à la tête de >> vos pères, dans cette même enceinte.

>> Ces couleurs ont marqué parmi nous l'aurore » de la liberté ; leur vue me rappelle avec délices mes >> premières armes. Symbole de la victoire contre les >> ennemis de l'État, que ces drapeaux soient, à l'in>>térieur, la sauve-garde de l'ordre public et de la li>> berté! Que ces glorieuses couleurs, confiées à vo» tre fidélité, soient notre signe de ralliement! >> Vive la France! »

Lettre du Roi au général Lafayette.

« Il me tarde d'abord, mon cher général, de sa>> voir comment vous vous trouvez après cette belle >> journée, car je crains que vous ne soyez bien fa» tigué; mais j'ai encore un autre objet qui me tient >> bien à cœur : c'est de vous demander d'être mon >> interprète auprès de cette glorieuse garde natio>> nale, dont vous êtes le patriarche, et de lui témoi>>gner toute l'admiration qu'elle m'inspire aujour» d'hui. Dites-lui que non-seulement elle a surpassé >> mon attente, mais qu'il n'est pas en mon pouvoir » de lui exprimer tout ce qu'elle m'a fait éprouver » de joie et de bonheur. Témoin de la fé lération de >> 1790, dans ce même Champ-de-Mars; témoin aussi » de ce grand élan de 1792, lorsque je vis arriver » à notre armée de Champagne quarante-huit ba>> taillons que la ville de Paris avait mis sur pied en » trois jours, et qui contribuèrent si éminemment

306 LAFAYETTE PENDANT LA RÉVOLUTION de 1830. » à repousser l'invasion que nous eûmes le bonheur » d'arrêter à Valmy, je puis faire la comparaison, et >> c'est avec transport que je vous dis que ce que je >> viens de voir est bien supérieur à ce qu'alors j'ai » trouvé si beau, et que nos ennemis trouvèrent si >> redoutable. Veuillez aussi, mon cher général, exprimer à la garde nationale combien j'ai joui de ce >> » qu'elle m'a témoigné, et combien mon cœur en » est pénétré.

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» Votre affectionné,

» LOUIS-PHILIPPE. »

Quantùm mutatus ab illo!

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Les nombreuses occupations que de si grands et si rapides résultats imposèrent à Lafayette avaient dû nécessairement détourner son attention de la formation du conseil du Roi. On l'accuse même, et peutêtre avec justice, d'avoir laissé tomber le pouvoir aux mains des doctrinaires et, en général, des hommes de la Restauration. Cette indifférence, devenue si fatale, s'explique par le caractère de Lafayette à qui l'autorité pesa toujours, et pour qui les affaires courantes n'eurent jamais d'attrait. Habitué à retrouver ses avantages dans les crises, il eut à toutes les époques le tort, grave chez un homme d'état, de prendre les intrigues en pitié et de dédaigner surtout celles dont il pouvait être personnellement l'objet. Cet éloignement pour les petites machinations de palais devint une faute capitale à l'issue d'une révolution qui s'était faite contre les hommes autant au moins que contre les choses. Cependant, si on fait abstraction de plusieurs

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