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lours de la royauté, mais respectant jusqu'à ces débris d'une vanité châtiée.

Voici l'ordre du jour que Lafayette publia à l'issue de cette expédition aventureuse :

Ordre du jour du 5 août.

<< Tant de prodiges ont signalé la dernière semaine, » que, lorsqu'il s'agit de courage et de dévouement, » on ne peut plus s'étonner de rien. Le général en >> chef croit néanmoins devoir exprimer la recon>> naissance publique et la sienne, pour la prompti>>tude et le zèle avec lesquels la garde nationale et >> les corps volontaires se sont précipités sur la route >> de Rambouillet, pour mettre fin à la dernière résis» tance de l'ex-famille royale. Il doit aussi des re>> mercîmens aux braves de Rouen, Louviers et » Elbeuf, qui, venant fraterniser avec nous, n'ont >> pas cru pouvoir mieux remplir cet objet qu'en >> s'unissant à l'armée d'expédition, sous les ordres » du général Pajol et du colonel Jacqueminot.

>> Au milieu des services rendus à la patrie par la >> population parisienne et les jeunes gens des écoles, » il n'est aucun bon citoyen qui ne soit pénétré d'ad» miration, de confiance, je dirai même de respect, » à la vue de ce glorieux uniforme de l'École poly>> technique, qui, dans ce moment de crise, a fait >> de chaque individu une puissance pour la conquête » de la liberté et le maintien de l'ordre public. Le » général en chef prie les élèves de l'École poly>> technique de désigner un de leurs camarades pour

284 LAFAYETTE PENDANT LA RÉVOLUTION DE 1830. >> rester auprès de lui en qualité d'aide-de-camp. >> Le colonel Poque, aide-de-camp du général en » chef, était envoyé depuis quatre jours, par la com>> mission provisoire et par lui, pour suivre le mou>>vement des troupes royales, et remplir une mission >> de patriotisme et de générosité. C'est, lorsqu'il at>>tendait le retour d'un parlementaire, qu'on a tiré » sur lui, et qu'il a été grièvement blessé. Une en» quête sévère aura lieu sur cet attentat. Le général >> en chef se borne dans ce moment à faire connaître >> la conduite intrépide, intelligente et généreuse >> du colonel Poque, et à rendre justice au jeune >> M. Dubois, qui a montré dans cette occasion une >>> intelligence et un courage remarquables, ainsi » qu'au brave brigadier de cuirassiers Pradier, et » quelques autres qui étaient près du colonel.

>> Les braves volontaires qui, sous les ordres de >> leur intrépide chef Joubert, ont tant fait dans les >> trois grandes journées, se sont encore distingués >> sous les ordres du même chef, vraiment digne » d'eux, par leur zèle dans l'expédition de Ram» bouillet.

» Nos frères d'armes de la patriotique ville du >> Havre s'étaient aussi mis en marche pour nous se>> courir; ils sont entrés hier dans la capitale, pour >> fraterniser avec nous.

>> LAFAYETTE. »>

CHAPITRE VIII.

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Une nouvelle irritation se manifeste à Paris. Ouverture de la session de 1830. - Lafayette sauve la Chambre. - Son influence morale inspire des ombrages au nouveau pouvoir.Il se prononce contre l'hérédité de la pairie.-Historique de la Charte-Bérard.-On veut que la vacance du trône ait pour principe l'abdication de Charles X et du Dauphin. Document secret et détails curieux à cet égard.

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Pendant l'expédition de Rambouillet, une nouvelle irritation se manifestait à Paris. La Charte, modifiée, par M. Bérard, était connue. Ce projet informe d'une constitution renouvelée du système qui venait de périr, était loin de justifier les espérances de la révolution, puisqu'elle consacrait les principaux abus de ce système, et qu'elle répudiait toute idée de sanction nationale. Il était question, en outre, de voter l'hérédité de la pairie; une indignation générale éclata parmi les hommes de juillet; on cria même à la trahison! C'était le 3 août, jour indiqué par le gouvernement de Charles X, pour la réunion des Chambres. Les députés attachaient un grand prix à ce que la session révolutionnaire s'ouvrît ce jour-là; elle s'ouvrit, en effet, et deux séances eurent lieu dans la même journée. Celle du soir commençait à

peine lorsqu'une foule tumultueuse se présenta aux portes de la Chambre, avec l'intention manifeste de la dissoudre par la force; l'exaspération des jeunes gens renaissait plus vive que jamais; les membres qui entraient dans la salle des séances entendaient éclater sur leur passage des récriminations très-menaçantes; enfin le tumulte était à son comble lorsque Lafayette arriva par la grande cour située à l'extré– mité opposée au lieu de la scène. Trouvant la Chambre dans une grande agitation et se préparant à résister avec courage à cette violation de sa liberté, il demanda où était l'émeute, et, se présentant aussitôt à cette foule qui faisait retentir l'air de ses plaintes et de ses cris: « Mes amis, dit-il aux mécontens, il >> était de mon devoir de prendre des mesures pour » défendre la Chambre des députés contre toute at>> taque dirigée contre son indépendance; je ne l'ai >> point fait, et j'ai eu tort. Mais je n'avais point pré» vu, après tout ce qui s'est passé pendant la révo

lution, la violence qu'on exerce aujourd'hui. Je » n'ai aucune force à vous opposer; mais si la liberté >> de la Chambre est violée, le déshonneur en re>> tombera sur moi qui suis chargé du maintien de >> l'ordre public. Je mets donc mon honneur en vos >> mains et je compte assez sur votre amitié pour être >> sûr que vous vous retirerez paisiblement. » A ces mots, la tempête se calma; et chacun s'écria: «Eh bien! oui, retirons-nous; vive Lafayette! » et la Chambre fut rendue à l'indépendance de ses délibérations.

Cependant ce ne fut point impunément que la voix

de Lafayette put seule, dans ce moment de crise, ce que toutes les autres influences réunies auraient tenté en vain. Cette puissance de popularité individuelle, qui lui valut alors tant d'éloges de haut et bas étage, devint le germe des ombrages et de la ridicule jalousie qui éclatèrent aussitôt que furent passés les dangers dont le procès des ministres menaçait le nouvel ordre de choses.

Avant la discussion publique de la nouvelle Charte, quelques députés avaient été appelés au Palais-Royal pour entendre la lecture de sa rédaction, à laquelle Lafayette n'avait point concouru. MM. Georges Lafayette, Victor de Tracy, Lafayette lui-même étaient présens. Cette lecture fut rapide, et, pour prévenir les commentaires, on eut grand soin de prétexter que la Chambre attendait. Cependant Lafayette fut frappé de l'ambiguité et de l'insuffisance de l'article relatif à l'abolition de la pairie, si vivement réclamée par l'Hôtel-de-Ville. Cette rédaction fut changée à la Chambre même, sur les instances de quelques députés, et à la suite des paroles sévères que Lafayette fit entendre à la tribune.

«Messieurs, dit-il, lorsque je viens énoncer une >> opinion contestée par beaucoup d'amis de la li>>berté, on ne me soupçonnera pas d'être entraîné >> par un sentiment d'effervescence, ou de courtiser >> une popularité que je ne préférai jamais à mes >> devoirs. Les sentimens républicains que j'ai mani» festés dans tous les temps et devant tous les >> pouvoirs ne m'ont pas empêché d'être le défen

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