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>> raient quelques négociations. La situation politi» que a changé depuis; l'horizon diplomatique s'est >> rembruni; on se précautionne des deux côtés; >> mais il est superflu de s'arrêter à ces circonstances, puisque, dans aucun cas, d'après la teneur de vos >> lettres, vous n'auriez voulu prendre ce parti. Je >> ne vous en parle que pour me reporter à ce que » j'avais eu l'honneur de vous dire à Burdenton.

» C'est dans la sincérité de mon cœur que j'ai >> voulu avoir cette explication avec vous. Je ne vous >> dirai pas que tout se soit passé comme je l'aurais >> dicté. Vous savez que, dans les affaires intérieures, >> comme dans celles du dehors, personne ne voit >> tout se faire à son gré. Votre incomparable frère, >> avec sa puissance, son caractère et son génie, l'é

prouvait lui-même, et vous, son meilleur ami, en >> aviez votre part; mais je n'ai voulu rien taire de >> ce que j'ai fait en pleine liberté d'esprit et de vo>> lonté, aimant mieux mériter par ma franchise la >> conservation de votre amitié, que de la détruire >> par une apologie moins sincère.

>> Recevez, mon cher comte, l'hommage du res» pect, de la reconnaissance et de l'affection que je >> vous ai voués.

>>> LAFAYETTE. ››

Tels sont les motifs qui tinrent Lafayette éloigné des trois systèmes dans chacun desquels les partis essayèrent en vain de l'engager.

CHAPITRE VII.

Lafayette prend deux grandes mesures.

L'Hôtel-de-Ville et

la Chambre des députés, au 2 août.-Lafayette insiste pour que tout reste provisoire. Ordre du jour. - Visite du duc d'Orléans à l'Hôtel-de-Ville. Opposition à la lieu

tenance - générale.

cette opposition.

Efforts de Lafayette pour apaiser

Le trône populaire et les institutions réCharles X veut se retirer dans la Vendée. -Expédition de Rambouillet.

publicaines.

Lafayette attendait que les représentans du pays prissent, au nom du peuple, une initiative que nul n'avait le droit de prendre avant lui. Cependant, son arrivée au pouvoir fut marquée par deux grandes mesures que la France n'eût assurément obtenues ni du gouvernement, ni de la législature, si elles eussent été préalablement soumises à leurs décisions. Il se hata de faire proclamer solennellement, et comme préliminaire obligé de toute combinaison ultérieure, le dogme de la souveraineté du peuple, que Napoléon et les Bourbons avaient rangé, depuis trente ans, au nombre des chimères politiques et même des mauvaises pensées. Il érigea en principe et mit en pratique l'armement de la nation entière, villes et campagnes, nommant elle-même ses officiers; principe qui datait de 89, mais que le despotisme des trente-deux dernières années avait également re

poussé comme la plus dangereuse des institutions, la plus incompatible avec l'ordre public et le maintien du pouvoir. L'accueil que l'énonciation de ces doctrines avait reçu à la tribune, toutes les fois que Lafayette avait osé les y professer, lui avait fait sentir la nécessité de les établir en droit et de les mettre en action, avant que personne, Chambre ou Roi, eût la parole pour les combattre ou les modifier. Et, en effet, qui peut douter aujourd'hui que si l'on eût soumis ces deux institutions capitales méthodiquement au conseil du Roi, ou aux délibérations de la législature, elles n'y eussent été mutilées? N'est-il pas évident, surtout, que le projet de composer la garde nationale, de l'universalité des citoyens, et de l'investir du droit d'élire ses propres officiers, aurait été impitoyablement repoussé par l'ordre du jour? Cela est si vrai que Lafayette eut souvent à combattre pour la conservation du principe qu'il avait mis en vigueur, et que, dans une circonstance peu éloignée des premiers jours de la révolution, il fut obligé de démentir, par un ordre du jour, une publication du gouvernement, qui tendait à réduire l'armement des gardes nationales aux villes de trois mille âmes et au-dessus.

Je reviens à ce qui se passait le 2 août à la Chambre des députés et à l'Hôtel-de-Ville.

Les membres présens à Paris avaient donc élevé le duc d'Orléans à la lieutenance-générale du royaume. Une députation de la Chambre se transporta à l'Hôtel-de-Ville, pour informer Lafayette de cette déci

sion législative, à laquelle il n'hésita point à donner son assentiment, en exprimant toutefois sa conviction intime que tout ce qui venait de se faire ne devait être que provisoire, et qu'il n'y avait de définitif que la victoire du peuple et sa souveraineté. Cette opinion fut nettement reproduite dans l'ordre du jour qu'il publia le 2 août, et dans lequel il disait :

<< Dans la glorieuse crise où l'énergie parisienne >> a reconquis nos droits, tout reste encore provisoire; » il n'y a de définitif que la souveraineté de ces droits » nationaux et l'éternel souvenir de la grande semaine » du peuple. »

La proposition de la lieutenance-générale avait été transmise au duc d'Orléans le vendredi soir. Le prince, rentré le même jour au Palais-Royal, se hâta d'envoyer complimenter l'Hôtel-de-Ville et le général Lafayette. Le samedi matin il lui fit annoncer sa visite.

Cependant, la nomination du duc d'Orléans avait rencontré une vive opposition parmi les combattans de juillet. On n'articulait aucun grief contre ce prince; mais sa qualité de Bourbon était l'objet d'une invincible répugnance, pour la plus grande partie des citoyens dont le sang avait coulé dans les trois jours. Ce nom, contre lequel s'élevaient les cadavres qui couvraient encore la place de Grève, nourrissait d'odieux souvenirs et une vive irritation, lorsque le Jieutenant-général du royaume arriva à l'Hôtel-deVille, où il put entendre quelques cris de Vive le duc d'Orléans! couverts par les cris mille fois répé

:

tés de : Vive la Liberté! Vive Lafayette! Cette opposition se renouvela avec plus de force au moment où le prince entra dans la salle du Trône; les jeunes gens, encore couverts de sueur et de poussière, répondaient aux cris de Vive le duc d'Orléans! que faisaient entendre les députés, par le cri très-significatif de Vive Lafayette! Des proclamations qui parlaient du prince avec éloge avaient été déchirées, et les agens qui les affichaient arrêtés et maltraités par le peuple. La place de l'Hôtel-de-Ville était couverte d'une foule immense parmi laquelle on criait beaucoup: Plus de Bourbons! On attendait avec impatience. l'accueil que Lafayette allait faire au lieutenant-général, tous les yeux étaient fixés sur ces deux personnages; un député, M. Viennet, lut la déclaration de la Chambre, qui n'excita aucune sensation; mais lorque Lafayette, tendant la main au duc d'Orléans, lui remit un drapeau tricolore, et le conduisit à une des croisées de l'Hôtel-deVille, l'enthousiasme se réveilla, et des cris moins rares de Vive le duc d'Orléans! se mêlèrent aux cris universels de Vive Lafayette! Cependant les circonstances devenaient graves; dans l'intérieur de l'Hôtelde-Ville et sous les yeux mêmes du prince, le mécontentement s'exprimait en termes non équivoques; un général (1), ouvrant une croisée, et montrant le peuple à Son Altesse Royale, alla même jusqu'à lui

(1) Le général Dubourg poursuivi depuis avec acharnement par le ministère public de Louis-Philippe.

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