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>> avantages mutuels de leurs rapports commerciaux. >> Aujourd'hui, messieurs, après une longue suc >> cession de brillant despotisme et d'espérances cons>>titutionnelles, je me trouve au milieu de vous dans >> un moment que j'appellerais critique, si je n'avais >> reconnu partout sur mon passage, si je ne voyais » dans cette puissante cité, cette fermeté calme et » même dédaigneuse d'un grand peuple qui connaît >> ses droits, sent sa force et sera fidèle à ses devoirs. >> Mais c'est surtout dans la circonstance actuelle que

j'aime à vous exprimer un dévouement auquel jus» qu'à mon dernier soupir votre appel ne sera jamais >> fait en vain. J'en joins, de tout mon cœur, l'hom>> mage à celui de ma profonde et vraiment inexpri>> mable reconnaissance, pour l'accueil dont la po>>pulation lyonnaise daigne m'honorer. >>

Après ce discours, dit le Précurseur, Lafayette monta dans une calèche découverte, disposée pour lui et attelée de quatre superbes chevaux, et le cortége se remit en marche pour Lyon dans l'ordre sui

vant :

1o Un piquet de jeunes gens à cheval;

2o Trois voitures de la députation;

3o La voiture du général entourée de la cohorte des jeunes gens à pied;

4o Le surplus des voitures de MM. de la Commis

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5o Une suite de voitures particulières, si nombreuse que la tête du cortége était déjà au pont Charles X, par lequel le général entra dans la ville, quand

les derniers équipages étaient à peine arrivés au milieu de la longue rue de la Guillotière.

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Une immense population, qu'on ne peut estimer à moins de soixante mille personnes, garnissait les cours, du côté des Brotteaux, et les quais, du côté de la ville. Le cortège pouvait à peine se frayer un passage à travers ces rangs épais; et de tous côtés des eris de vive Lafayette! retentissaient dans les airs. Ces cris étaient répétés par les personnes qui encombraient les fenêtres. Les dames aussi prirent part à la joie publique un grand nombre d'entr'elles élégamment paré, occupait les voitures formant le cortége et sa suite, ou bien agitait ses mouchoirs, aux croisées, sur le passage du général. Les mêmes acclamations, les mêmes manifestations de joie l'accompagnèrent jusqu'à l'hôtel du Nord, où il descendit. Là, il se montra au balcon, pour répondre à l'empressement de la foule qui, sur-le-champ, se dissipa paisiblement, afin de laisser prendre au noble vieillard le repos dont il avait besoin.

Une brillante sérénade occupa la soirée.

Les autorités de Lyon, dont les efforts et les proclamations n'avaient pu arrêter, ni même ralentir un seul instant ce mouvement universel, eurent recours à un autre moyen, qui ne fut guère plus heureux; elles imaginèrent de faire dépaver le pont sur lequel la foule devait passer. Mais il advint que le peuple fit tranquillement un détour, pour aller traverser un autre pont, qui depuis a pris le nom de Pont-Lafayette. Le lendemain, dans la matinée, le général reçut

la visite des principaux citoyens de la ville. Cette affluence de toutes les notabilités lyonnaises ne cessa pas un seul instant jusqu'au moment indiqué pour la promenade sur la Saône. A trois heures du soir, l'hôte de la cité monta avec sa famille dans la calèche qui lui avait été préparée. Une brillante et nombreuse cavalcade lui servait d'escorte, et le cortége se rendit sur le port Neuville, en traversant les flots d'un peuple immense qui le saluait de ses hommages. Deux grands bateaux avaient été préparés, pontés et décorés à la hâte pour le trajet. Une société choisie, parmi laquelle on remarquait un grand nombre de dames resplendissantes de toilette, y attendait le général.

Une multitude de petites barques, pavoisées de flammes de mille couleurs, entourait l'embarcation principale, et les quais des deux rives de la Saône retentissaient des acclamations du peuple qui les couvrait. Au sortir de la ville, la foule s'accrut encore par le concours des habitans des campagnes voisines. Mais c'est surtout aux abords de l'Ile-Barbe que le spectacle devint merveilleux. Sur les prairies de l'Ile, comme sur les rivages, c'était une forêt vivante de têtes; au-dessus, le pont de Saint-Rambert, couvert d'une multitude pressée, formait un amphithéâtre animé; et, enfin, sur les collines pittoresques qui resserrent le lit de la Saône, et jusque sur leurs plates-formes les plus élevées, on voyait des groupes nombreux de spectateurs. Dans ce moment, le paquebot à vapeur de Châlons à Lyon vint à passer. Les voyageurs qui le remplissaient, étonnés de

cette scène extraordinaire, en connurent bientôt la cause. Par un mouvement spontané, en passant devant l'embarcation, ils se découvrirent et se joignirent de cœur à la fête, par le cri de vive Lafayette! qui, aussitôt répété par soixante mille bouches, retentit d'échos en échos (1). Le soir, une grande fête maçonnique fut donnée à Lafayette. Le lendemain, un banquet de cinq cents couverts lui fut offert dans la magnifique salle Gayet, où il ne parvint qu'à travers les flots d'une population nombreuse qui s'était portée sur son passage, malgré la pluie qui tombait par torrens.

M. Couderc, collègue du général, ayant porté ce

toast:

<< D'autres guerriers ont gagné des batailles; d'au>> tres ont prononcé d'éloquens discours : nul ne » l'a égalé dans les vertus civiques. »

Lafayette répondit:

« Je suis fier et heureux, Messieurs, que mon pas→ »sage dans cette grande et patriotique cité ait été » pour elle une occasion de plus de manifester sa >> constante haine de l'oppression, son amour de la >> véritable liberté, sa détermination de résister à » toutes les tentatives de l'incorrigibilité contre-ré>>volutionnaire.

» Plus de concessions, ont dit récemment les jour>> naux officiels de ce parti; étrange contre-sens sur » la nature des pouvoirs sociaux! Plus de conces

(1) Relation du Précurseur.

»sions, dit, à son tour, et à plus juste titre, le peuple >> français, lorsqu'il demande ces institutions silong>> temps attendues, qui seules peuvent garantir la >> jouissance de ceux, du moins, de nos imprescrip>>tibles droits que la Charte a reconnus.

» Messieurs, ajouta-t-il, on nous menace de pro>> jets hostiles; et comment les effectuerait-on? Se>> rait-ce par la Chambre des députés. Mais mon col» lègue et ami, votre respectable député qui est ici » à côté de moi, M. Couderc vous attestera, tous >> ceux de nos collègues qui siégent à ce banquet >> vous attesteront aussi, que dans un moment de >>> danger notre Chambre se montrera fidèle au pa>>triotisme et à l'honneur.

>> Voudrait-on dissoudre la Chambre ? Ce serait >> alors l'affaire des électeurs ; et certes, ils enverraient >> des députés dignes d'eux, de la nation et de la cir

>> constance.

>> Oserait-on, par de simples ordonnances, vicier les >> élections, exercer un pouvoir illégal? Mais sans » doute les partisans de telles mesures se rappelle»ront à temps que la force de tout gouvernement >> n'existe que dans les bras et dans la bourse de cha>> cun des citoyens qui composent la nation. La na>>tion française connaît ses droits; elle saura les dé>> fendre.

Espérons donc, Messieurs, que ces complots se>> ront dissipés; et, en attendant, veuillez agréer le >> toast suivant :

» Au département du Rhône et à la ville de Lyon,

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