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>> vous faites au temps passé, à mes braves compagnons » d'armes et aux vicissitudes de ma vie entière; pour >> le tableau touchant que vous tracez des bénédic>>tions répandues par plusieurs générations du peu>> ple américain sur les derniers jours d'un vétéran » profondément ému; pour vos remarques affec>> tueuses sur ce triste moment de séparation, sur » mon pays natal, qui, je puis le dire, est rempli >> d'attachement pour la nation américaine, et, enfin, » sur l'espoir qui m'est si nécessaire, de revoir ce >> pays qui depuis un demi-siècle a daigné me traiter » comme l'un de ses enfans? Je me bornerai, en >> mettant de côté toute répétition superflue, comme je l'ai déjà fait devant vous, monsieur, et devant >> cette respectable assemblée, à confirmer haute>>ment chacun des sentimens que j'ai eu tous les

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jours l'occasion d'exprimer en public, depuis le >> moment où votre vénérable prédécesseur, mon >> vieux frère d'armes et mon ami, m'a transmis >> l'honorable invitation du congrès, jusqu'à ce mo>>ment où vous, monsieur, dont les liaisons amicales >> avec moi datent de votre première jeunesse, vous >> allez me confier, pour traverser l'Atlantique, à la >> protection de l'héroïque pavillon national qui flotte » sur ce vaisseau magnifique dont le nom n'est pas » une des moins flatteuses faveurs que j'ai reçues en >> si grand nombre dans ce pays.

>> Dieu répande ses bénédictions sur vous, Mon» sieur, et sur tous ceux qui nous entourent; qu'il » les répande sur le peuple américain, sur chacun

» des États de l'Union et sur tout le Gouvernement >> fédéral; recevez cet adieu patriotique d'un cœur >> plein de reconnaissance, qui restera tel jusqu'au >> moment où il cessera de battre ! »

Cette scène d'adieu fut très-touchante ; il en fut de même de la séparation sur le rivage, et des derniers vœux que lui firent entendre les troupes nombreuses qui l'escortaient, ainsi que la population entière de Washington et des villes voisines.

Lafayette, après une heureuse navigation, débarqua au Havre dont la population le reçut comme elle l'avait reçu à l'époque de son départ, avec le plus vif enthousiasme. Il en fut de même à Rouen, malgré l'intervention des autorités et une charge de gendarmerie; singuliers contrastes avec ce qui venait de se passer de l'autre côté de l'Océan! Il fut accueilli avec une vive affection par ses voisins de La Grange, retraite agricole où il vit entouré de sa famille et des souvenirs des États-Unis. Appelé aux funérailles de Manuel, il prononça un discours sur sa tombe. Le député de Meaux à la chambre septennale étant mort, Lafayette fut nommé à sa place, mais la dissolution de la Chambre nécessita une nouvelle élection dont il fit partie. Pendant le cours de la session de 1828, il prononça plusieurs discours remarquables. En parlant sur l'ensemble du budget, le 23 juin, il disait : Pendant que les nations avancent, les

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>> Gouvernemens tendent à rétrograder

Un

» luxe de sommités administratives, s'appuyant sur >> des administrations factices qui elles-mêmes ne

>>

» s'appuient sur rien ; des emplois sans nombre créés >> pour les employés, et les employés pour le patro>>nage; les sections de la France sacrifiées à un sys>> tême de centralisation dont la métropole, brillante » à tant d'égards, offre en même temps les déplora>>bles contrastes que notre honorable collègue, >> M. Charles Dupin, vous a dernièrement signalés ; >> les précieux trésors d'académies, de cours publics, >> d'écoles savantes, l'École polytechnique enfin, » jetant leur éclat sur une population à laquelle en >> même temps, comme on vient de l'observer, on re>> fuse les moyens d'apprendre à lire; et il est encore » en question de savoir s'il est bon que le peuple sa>> che lire; enfin, une surabondance inouïe de géné– >> raux, d'états-majors, de corps privilégiés, de corps » étrangers, peu de soldats, et une nation, jadis ar» mée toute entière, long-temps victorieuse de l'Eu>> rope coalisée contre son indépendance, aujourd'hui » désorganisée et désarmée comme pourrait l'être un >> peuple conquis: croit-on, Messieurs, qu'il suffise » de légers amendemens de commissions, de quel» ques critiques de tribune, pour retremper et re>> composer une existence sociale qu'on pourrait >> appeler le monde renversé de l'ordre constitution>> nel! Mes observations, Messieurs, n'ont rien d'a» mer; elles sont faites en conscience, individuelle» ment, et aussi dans l'intérêt de tous ceux qui, en » s'adjugeant l'entreprise des affaires d'un grand peuple, doivent chercher du moins à lui persuader >> qu'il ne les ferait pas mieux lui-même..

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>> Toute dette est sacrée : quelques-unes sont » en suspens. Par exemple, tandis que les puissances » européennes étaient largement indemnisées de >> leurs prétentions (les rentes anglaises (1) même au >> triple des créanciers français), il eût suffi aux États>> Unis d'une démarche hostile, ou seulement d'une >> communauté de réclamations pour voir acquitter >> leurs créances. Elles ne sont pas encore liquidées, >> faute d'avoir voulu s'inscrire au nombre des ennemis » de la France, laquelle était bien alors en France, » quoiqu'on en ait dit quelquefois à cette tribune (2).»

Puis il exprime le regret qu'on n'ait pas dès l'ori gine adopté les formes de comptabilité de la liste civile d'Angleterre. Il répète ses vœux pour l'abolition de la peine de mort, « que l'incertitude des jugemens » humains rend si effrayante, et qui doit surtout effrayer nos générations auxquelles la fureur des » partis a laissé tant d'irréparables douleurs ; ainsi >> que pour l'abolition de la peine de la marque récla>>>mée de toutes parts.

» Un de mes honorables amis, dit-il, vous a parlé >> de la magistrature gratuite des juges de paix anglais. Je ne l'envie point à nos voisins, et je ne crois >> pas que ces grands propriétaires soient les plus pro>> pres à prononcer souverainement sur les petits dé

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(1) On sait que les Anglais ne voulurent point se soumettre à la réduction du tiers consolidé, et qu'ils exigèrent le remboursement intégral de leurs rentes.

(2) Allusion à la phrase, récemment répétée par un ministre, que la France était alors où était le Roi.

>> lits qui se commettent autour d'eux; mais je m'unis » à tous les vœux pour le rétablissement du principe » d'élection temporaire dans les justices de paix.

>> J'aime à trouver dans la dernière discussion sur » le jury l'engagement de s'occuper pour la session prochaine de l'application de cette procédure à >>> tous les délits de la presse.

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Il rappelle ce qu'il avait dit en 1819 : « Il y aurait » un véritable profit à ce que chaque ministère cher>> chat en toute sévérité de conscience ce qu'il faut » pour que le service soit fait et bien fait, et vous » proposât, sur tout le reste, des traitemens aussi » généreux, aussi complets qu'on le voudra, pour >> le bien-être des employés actuels, pourvu que les >> administrations fussent dégagées de tout service >> parasite, et les enfans élevés pour un travail plus >> productif que cette industrie de places qui nuit >> aux progrès de toutes les industries et à l'indépendance d'une foule de citoyens. >>

Il trouve les spécialités plus larges que celles des budgets anglais; « et cependant ce n'est pas là un » gouvernement à bon marché; pour me servir de l'expression qu'on m'a si souvent reprochée, et » que je suis loin de renier.

>>> La question politique est de savoir si le gouverne>> ment se traînera sur de vieilles traditions diploma» tiques, ou si, dégagé des influences et des rémi>> niscences du dehors, il voudra prendre la place qui >> nous convient à la tête de la civilisation européenne; >> place qui, à mon avis, est toujours restée vacante

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