Page images
PDF
EPUB

États-Unis; son passage dans les villes et les campagnes présenta le spectacle d'une fête continuelle (1): on lui demanda d'assister à un traité avec les sauvages, sur lesquels on connaissait son influence. Reçu en cérémonie dans la salle du congrès, il répondit par un discours dont les derniers mots furent : « Puissent » la prospérité et le bonheur des États-Unis attester » les avantages de leur gouvernement! Puisse ce » temple immense que nous venons d'élever à la li» berté présenter à jamais une leçon aux oppresseurs, » un exemple aux opprimés, un refuge pour les droits » du genre humain, et un objet de jouissance pour les » mánes de ses fondateurs ! »—L'État de Virginie, en plaçant le buste de Lafayette dans son Capitole, fit présent d'un buste semblable à la ville de Paris qui l'installa dans la grande salle de l'Hôtel-de-Ville, devenue depuis la salle des électeurs de 1789.

En 1785, Lafayette alla visiter les cours et les armées d'Allemagne, et, quoiqu'il y apportât l'esprit et les professions de républicanisme qui le singularisaient à la cour de France, et qui n'empêchaient pas alors qu'il ne fût traité avec distinction et bienveillance, il fut reçu partout de la manière la plus flatteuse, particulièrement par Joseph II, et surtout par le Grand-Frédéric qu'il accompagna dans ses revues. C'est-là qu'il vit de l'artillerie à cheval, et qu'il se promit d'introduire cette arme en France aussitôt qu'il le pourrait.

(1) Voyez les publications du temps, et spécialement le 3 volume du Cultivateur américain, par M. de Crevecœur.

Rentré dans sa patrie il s'occupa avec Malesherbes du sort des protestans, dans l'intérêt desquels, dès 85, il avait fait un voyage à Nîmes; et, de l'aveu du ministre maréchal de Castries, il consacra une somme considérable à l'essai de l'affranchissement graduel des noirs. Ces hommes, achetés à Cayenne pour être rendus à la liberté, furent, malgré les réclamations de madame de Lafayette, vendus comme esclaves par le parti qui triompha au 10 août 1792.

Lafayette avait secondé l'ambassadeur Jefferson dans la formation d'une ligue contre les Barbaresques, ligue que les cours de Versailles et de Londres déjouèrent, en prenant ces pirates sous leur protection.

la

Plus tard, lorsque la Hollande fut menacée par Prusse, on voit dans l'ouvrage de M. de Ségur, et par une lettre de M. de Saint-Priest, que Lafayette allait être appelé par les patriotes bataves, si la lâcheté du ministère français n'avait précipité leur ruine. L'indignation que Lafayette témoigna dans cette circonstance fut la même que celle qu'il a récemment manifestée à la tribune, lorsque le gouvernement actuel s'est conduit envers l'invasion autrichienne de l'Italie, comme celui de l'archevêque de Sens l'avait fait à l'égard de l'invasion prussienne en Hollande. Ce dévouement ne fut point oublié par les Hollandais qui, pendant la longue et cruelle proscription de Lafayette, ne cessèrent de lui témoigner l'affection et la gratitude les plus vives.

En 1787, il fit partie de l'Assemblée des Notables; il y dénonça plusieurs abus, proposa la sup

pression des lettres de cachet et des prisons d'État, obtint un arrêté favorable à l'état civil des protestans, et fit, seul, la demande formelle de la convocation d'une Assemblée nationale. Quoi! lui dit le comte d'Artois, «< vous faites la motion des États-Généraux? » Oui, répondit-il, et même mieux que cela. »

[ocr errors]

Lafayette fut membre de l'assemblée provinciale d'Auvergne ; il fut le premier, comme propriétaire en Bretagne, à signer les protestations de cette province contre des actes arbitraires. A la seconde assemblée des notables, il insista vivement pour obtenir la double représentation des communes.

Député aux États-Généraux, Lafayette appuya la motion de Mirabeau demandant l'éloignement des troupes et en obtint l'adoption imédiate. Le 11 juillet, au milieu de l'assemblée, alors entourée de troupes et fortement menacée, il proposa sa fameuse déclaration des droits; la voici :

«La nature a fait les hommes libres et égaux ; les >> distinctions nécessaires à l'ordre social ne sont >> fondées que sur l'utilité générale.

>> Tout homme naît avec des droits inaliénables et >> imprescriptibles; tels sont la liberté de toutes >> ses opinions, le soin de son honneur et de sa vie, >> le droit de propriété, la disposition entière de sa >> personne, de son industrie, de toutes ses facultés, >> la communication de toutes ses pensées par tous » les moyens possibles, la recherche du bien-être et » la résistance à l'oppression.

» L'exercice des droits naturels n'a de bornes que

>> celles qui en assurent la jouissance aux autres mem»bres de la société.

» Nul homme ne peut être soumis qu'à des lois » consenties par lui ou ses représentans, antérieu>>rement promulguées et légalement appliquées.

» Le principe de toute souveraineté réside dans la » nation. Nul corps, nul individu ne peut avoir une >> autorité qui n'en émane expressément.

>> Tout gouvernement a pour but unique le bien >> commun. Cet intérêt exige que les pouvoirs légis>> latif, exécutif et judiciaire, soient distincts et dé>> finis, et que leur organisation assure la représen»tation libre des citoyens, la responsabilité des >> agens, et l'impartialité des juges.

» Les lois doivent être claires, précises, uni>> formes pour tous les citoyens.

>> Les subsides doivent être librement consentis

>> et proportionnellement répartis.

>> Et comme l'introduction des abus et le droit des » générations qui se succèdent nécessitent la révision » de tout établissement humain, il doit être pos»sible à la nation d'avoir, dans certains cas, une >> convocation extraordinaire de Députés, dont le seul >> objet soit d'examiner et corriger, s'il est nécessaire, » les vices de la constitution. >>

Cette déclaration, la première de toutes en Europe, et la plus simple, servit de base à celle de l'assemblée constituante. A la même époque, cette assemblée s'étant déclarée en permanence, créa un vice-président et nomma Lafayette. Il la présida en cette qualité

pendant les nuits du 13 et du 14 juillet, et fit décréter la responsabilité des conseillers de la couronne. Envoyé, le 15, à Paris, comme chef d'une députation de soixante membres, il y fut proclamé commandant général de la garde bourgeoise; le lendemain, il fit publier l'ordre de détruire la Bastille ; le 17, il reçut le Roi à la tête de près de deux cent mille hommes diversement armés (1). Après avoir arraché un grand nombre de victimes à la fureur populaire, mais désespéré de n'avoir pu sauver Foulon et Berthier, il donna sa démission. Les instances des citoyens, et surtout des électeurs et du vertueux Bailly, lui rendirent l'espoir d'arrêter les violences; il se dévoua de nouveau. Les soixante districts de Paris confirmèrent à l'unanimité sa nomination de commandant général et s'engagèrent, par des arrêtés spéciaux, à le seconder dans ses efforts pour la défense de la liberté et de l'ordre public.

(1) Lafayette, dit Toulongeon, en parlant de cette époque, Lafayette dont le nom et la réputation acquise en Amérique, étaient liés à la liberté même, Lafayette était à la tête de la garde nationale parisienne; il avait à la fois la confiance entière et l'estime publique dûes à de grandes qualités : celle de rallier les esprits, où plutôt les cœurs, lui était naturelle; un extérieur jeune et rassurant qui plaît à la multitude; des manières simples, populaires et attirantes : Il avait tout pour commencer et terminer une révolution, les qualités brillantes de l'activité militaire, et l'assurance tranquille du courage dans les émotions publiques, Lafayette eut suffi à tout, si tout se fut passé en action, și tout se fut fait au grand jour, mais les routes ténébreuses de l'intrigue lui étaient inconnues.

« PreviousContinue »