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quatre mille convives, Lafayette porta ce toast: « Bunkershill et la sainte résistance à l'oppression » qui a déjà affranchi l'hémisphère Américain. Le >> toast anniversaire, au Jubilé du prochain demi» siècle, sera à l'Europe affranchie. »

Je crois devoir rapporter ici le discours prononcé, le 10 janvier, par le président de la Chambre des Représentans de l'Union, en présence de cette Chambre dans l'enceinte de laquelle le sénat en corps avait aussi pris place, et au milieu d'un nombreux concours de spectateurs. Lafayette, ayant été solennellement introduit, par une députation de vingt-quatre membres, fut harangué en ces termes :

<< La Chambre des Représentans des États-Unis,» lui dit M. Clay avec l'éloquente et gracieuse dignité qui le distingue, mais avec une profonde et visible émotion, «< la Chambre des Représentans, animée de » ses propres sentimens et interprète de ceux de la >> Nation, ne pouvait m'imposer un devoir plus doux » à remplir que celui de vous présenter de cordiales >> félicitations sur votre récente arrivée dans ce pays. » Je me conforme aux désirs du congrès, en vous >> donnant l'assurance de la haute satisfaction qu'in

spire votre présence sur le premier théâtre de » votre gloire. Il ne se trouve, parmi les membres » qui composent ce corps, que peu d'hommes qui » aient pris part avec vous à la guerre de notre Ré»volution; mais tous ont appris, de l'impartiale » histoire, ou par de fidèles traditions, quels ont été » les périls, les souffrances, les sacrifices auxquels

>> vous vous êtes volontairement soumis, et les ser>> vices signalés que vous avez rendus, en Amérique >> et en Europe, à un peuple éloigné, presque in>> connu, et encore dans l'enfance. Tous sentent et >> reconnaissent l'étendue des obligations que vous » avez imposées à la Nation. Mais quels que soient l'importance et l'intérêt des relations qui vous ont, >> dans tous les temps, uni à nos États, elles ne mo>> tivent pas seules le respect et l'admiration de cette >> Chambre. La constante fermeté de votre caractère, >> votre imperturbable dévouement à la liberté fon

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dée sur l'ordre légal, pendant toutes les vicissitudes >> d'une vie longue et périlleuse, ont droit à notre >> profonde admiration. Pendant les convulsions ré»centes qui ont agité l'Europe, au milieu comme » après la cessation des orages politiques, le peuple » des États-Unis vous a toujours vu fidèle à vos

principes, debout et la tête levée dans tous les >> dangers, encourageant, de cette voix qui lui est si >> connue, les amis de la liberté; et, constant et intrépide défenseur, prêt encore à verser pour elle la >> dernière goutte d'un sang que vous aviez déjà si >> noblement et si généreusement répandu ici pour » la même cause.

>> Souvent on a formé le vain désir que la Provi>>dence permît au patriote de visiter son pays après >> sa mort, et d'y contempler les changemens aux>>> quels le temps a donné naissance. Le patriote >> américain des temps passés verrait aujourd'hui des >> forêts cultivées, des villes fondées, des monta

>> gnes aplanies, des canaux ouverts, de grandes routes » établies, d'immenses progrès faits dans les arts, dans >> les sciences, dans l'accroissement de la population.

» Général, votre visite actuelle offre l'heureux >> accomplissement de ce vou. Vous êtes ici au mi>> lieu de la postérité. Partout vous avez dû être

frappé du changement physique et moral qui s'est » opéré depuis que vous nous avez quittés; cette » cité elle-même, qui porte un nom qui vous est >> cher comme à nous, s'est récemment élevée du » sein de la forêt qui couvrait son territoire. Mais il >> est un point sur lequel vous ne trouverez aucun >> changement; c'est le sentiment de notre constant >> dévouement à la liberté, de notre vive et profonde >> reconnaissance pour l'ami que vous avez perdu, » le père de la patrie, pour vous, général, et pour >> vos illustres compagnons sur le théâtre de la >> guerre et dans les conseils, ainsi que pour les >> nombreux bienfaits dont nous jouissons, et pour >> le droit même que j'exerce dans ce moment en >> vous adressant la parole. Ce sentiment, si cher » aujourd'hui à plus de dix millions d'hommes, sera >> transmis sans être affaibli à la postérité la plus recu>>lée, en arrivant d'àge en âge aux générations innom>> brables qui sont destinées à peupler ce continent. >>

Lafayette, après un court instant accordé à l'émotion générale et à la sienne, répondit par l'improvisation dont je donne ici la traduction (1).

(1) Je dois faire observer que tous ces discours prononcés par M. de Lafayette en anglais, ou plutôt en américain,

Monsieur le président et messieurs de la Cham»bre des Représentans, lorsque le peuple des Etats>> Unis et ses honorables Représentans au congrès, » ont daigné choisir, en ma personne, un vétéran » américain pour donner un témoignage de leur >> estime pour nos travaux réunis, et de leur atta>> chement aux principes pour lesquels nous avons >> eu l'honneur de combattre et de verser notre » sang, je suis heureux et fier de partager ces faveurs >> extraordinaires avec mes chers compagnons d'ar» mes et de révolution. Il y aurait néanmoins de l'in>> gratitude et peu de sincérité à ne pas reconnaître >> la part individuelle que vous m'accordez dans ces ›› marques de bienveillance, auxquelles mon cœur » répond par des émotions trop profondes pour que >> je puisse les exprimer.

>> Mes obligations envers les États-Unis, Monsieur, >> surpassent de beaucoup les services que j'ai pu leur >> rendre. Elles datent de l'époque où j'ai eu le bonheur >> d'être adopté par l'Amérique comme un de ses jeunes >> soldats, comme un fils bien-aimé. Pendant près » d'un demi-siècle, j'ai continué à recevoir les preu>>ves constantes de l'affection et de la confiance amé>> ricaine; et, à présent, Monsieur, grâce à l'invitation,

si précieuse pour moi, que j'ai reçue du congrès, jeme >> trouve accueilli par une série de touchantes récep>>tions dont une seule heure ferait plus que compen>> ser les travaux et les souffrances d'une vie entière. sont traduits par moi de cette langue qui est celle de sa jeunesse, et qu'il parle avec autant de facilité que sa langue natale.

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L'approbation donnée par le peuple américain » et ses Représentans, à la conduite que j'ai tenue >> dans les vicissitudes de la révolution européenne, » est la plus grande récompense que je puisse rece» voir. Certes, je puis me tenir ferme et la tête le» vée, lorsqu'en leur nom, et par vous, Monsieur » le président, il est solennellement déclaré que, dans >> chaque occasion, je suis resté fidèle à ces principes >> américains de liberté, d'égalité et de véritable or>>dre social auxquels je me suis dévoué dès ma jeu»nesse, et qui, jusqu'à mon dernier soupir, seront >> pour moi un devoir sacré.

>> Vous avez bien voulu faire allusion au bonheur >> particulier de ma situation, lorsqu'après une si >> longue absence, il m'a été réservé de voir les im>> menses progrès, les admirables communications, >> les prodigieuses créations dont nous trouvons un >> exemple dans cette cité, dont le nom même est un >> véritable palladium; en un mot, de voir toute la » prospérité de ces États-Unis qui, en même temps » qu'ils offrent à tout le continent américain une no>> ble garantie du complément de son indépendance, >> répandent sur toutes les parties du monde les » lumières d'une bien supérieure civilisation poli>> tique.

» Quel gage plus assuré de la persévérance na>>tionale dans l'amour de la liberté, que ces bienfaits » mêmes qui sont évidemment le résultat d'une ver>> tueuse résistance à l'oppression, et d'institutions >> fondées sur les droits de l'homme et sur le prin

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