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qui étoient accablez de gens de guerre fe delivroient par là de 1685. ces importuns logemens. J'ai vu un acte de reunion conçu en ces propres termes: Je reconnois & confeffe l'Eglife Catholique, Apoftolique & Romaine comme elle étoit du tems des Apôtres: & je renonce & abjure toutes les erreurs qui fe font gliffées depuis ce tems-là. Cette declaration avoit été paffée par quelque particulier de la Province de Bourbonnois: & cela fut pris pour une fuffifante abjuration de la Religion Reformée. Mais le Cler- Dont le gé fe laffa bien-tôt de ces victoires imparfaites. Il ne croyoit pas fe laffe Clergé faire fouffrir aux confciences une affez cruelle contrainte, en laif- bien-tot. fant aux malheureux qu'il perfecutoit la trifte confolation de n'avoir fait qu'une abjuration generale ou équivoque. Il voulut les forcer enfin par degrez à faire une profeffion toute entiere de la doctrine Romaine, & à jurer de croire tous les articles dans lefquels elle differe de la Reformée. C'eft-à-dire que le parjure envelopé de ceux qui fe rangeoient à la Communion Catholique, en fignant un formulaire qui ne contenoit expreffément ni d'abjuration de la Religion Reformée, ni d'engagement formel aux erreurs contraires, ne donnoir pas un air affez triomphant à l'empire que le Clergé ufurpe fur les confciences. Pour contenter ce vafte orgueil, par lequel il aspire à dominer fur le cœur, dont il n'y a que Dieu qui foit legitimement le maître, il vouloit forcer la bouche à dementir folennellement la confcience: & en faifant jurer aux convertis article par article une doctrine qu'ils deteftoient, leur faire prononcer autant de parjures que de paroles. Il fit donc alterer feulement en quelques lieux la profeffion de Foi que le Pape Pie IV. avoit fait dreffer après le Concile de Trente; & voulut qu'elle fût signée par tous ceux qui deviendroient fa conquête. Ainfi au lieu que cette ancienne profession cxcIII. de Foi porte ces mots, Je crois conftamment qu'il y a un Purga- Formu toire &c. & qu'on doit honorer & invoquer les Saints & les Sain- neral. tes &c. je tiens fermement qu'on doit avoir & retenir les images de JESUS-CHRIST, & de fa bienheureuse mere, perpetuellement Vierge, & des autres Saints & Saintes &c. on avoit fubftitué des termes plus doux, qui n'emportoient pas, ce femble, une indifpenfable neceffité de croire ces articles: & on obligeoit feulement le Profelyte à fe fervir de ces mots, Je confeffe qu'il y a un Purgatoire &c. j'avoue qu'on doit honorer les Saints & PPPPP 2

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laire ge

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1685. les Saintes &c. comme auffi qu'on doit avoir & retenir les imaAvec de ges &c. Il ne fut pas poflible au Clergé de fe difpenfer de ces of petits changemens, parce qu'il y avoit déjà long tems qu'il avoit femens. commencé à reculer fur ces trois articles; & que les Miffionnaires mêmes avoient pris le party de foutenir que l'Eglife Catholi que n'impofoit pas de joug fur ces points; & qu'elle n'exigeoit pas de croire ces chofes, mais feulement de ne condamner point ceux qui les croyoient, & de ne regarder pas comme fuperftitieufes les pratiques fondées fur cette doctrine. En un mot ces difputes étoient comme abandonnées par tous les Catholiques qui se piquoient de bon fens; & ils ne parloient prefque jamais à perfonne pour le convertir, fans convenir avec lui que le Purgatoire étoit une invention des Moines; qu'on pouvoit être bon Chrêtien fans invoquer les Saints; qu'on pouvoit fans choquer la Religion ne faire jamais la moindre inclination devant les images. Quelques-uns alloient même jufqu'à dire qu'ils n'avoient jamais adreffé de priere aux Saints; & qu'ils n'avoient jamais eu de devotion pour les images: qu'on les laiffoit au peuple qui en étoit entêté, mais que les honnêtes gens favoient bien fe mettre au deffus de ces amusemens du vulgaire. L'Evêque de Meaux dans fon Expofition de la doctrine Catholique, s'étoit approché de ce relâchement de fes confreres autant qu'il avoit ofé le faire: & dans l'avertiffement qu'il avoit mis à la tête de la feconde édition, il avoit laiffé échapper ces mots, où fes amis même trouvoient un peu trop de hardieffe, Nous ne fervons point les images: à Dieu ne plaife. Après cela il n'y avoit pas d'apparence de fe dedire groffierement; & puis qu'on avoit tant de fois promis quartier aux Reformez la-deffus, pour leur rendre ces abus plus tolerables, il n'auroit pas été de la prudence de leur faire jurer ces articles, en des termes qui les pouvoient faire paffer pour trèsInter- importans & très-neceffaires. Il y a même de l'apparence que le de Nonce. Clergé auroit porté fa complaifance plus loin, file Nonce du Pape étant averti que l'Affemblée generale, ou plûtôt l'Archevêque de Paris fous fon nom, & par l'avis des Jefuïtes, vouloit dreffer une profeffion de Foi nouvelle, plus propre à contenter les convertis que celle de Pie, ne fût intervenu au nom de fon maître, & n'eût fait des remontrances au Roi fur l'autorité que le Clergé vouloit se donner de dreffer des formulaires de doctri-.

vention

ne,

ne, autres que celui que toute l'Eglife Catholique avoit reçu de- 1685. puis le Concile de Trente. Cette petite traverse fit de la peine, foit parce qu'elle venoit d'un Pape que le Roi n'aimoit pas; foit parce qu'on craignoit qu'elle ne retardât l'ouvrage des converfions. Mais il fallut complaire au Pape, de qui on connoiffoit l'efprit inflexible: & comme on croyoit dangereux de faire voir de la divifion entre le Clergé de France & le fouverain Pontife, fur le fujet d'un formulaire de doctrine, dans le tems qu'on travailloit à reduire tous les François à l'unité, il fut trouvé bon de fe tenir à la profeflion de Foi accoutumée. Ainfi le Clergé fe refolut à n'adoucir rien, & commença dès lors à fe vanter que pour reduire les Reformez, il n'éteindroit pas même un des cierges dont on pare les autels. On vit l'effai de cette rigueur à Bourdeaux, où plufieurs ayant capitulé avec l'Intendant, & figné un formulaire dont ils étoient convenus avec lui, ne laifferent pas d'être obligez, quinze jours après, à figner la profession de Foi ordinaire. Le courage même croiffant au Clergé à propor- Le Clertion de fes conquêtes, il demandoit de jour en jour aux conver- de la foigé abuse tis de plus grandes marques de foumiffion. D'abord il fe con- bleffe des tenta de la fignature du chef de la famille peu après il voulut Refor que les maris repondiffent de leurs femmes: & en fuite il obligea les peres, pour le decharger des gens de guerre, à mener leurs enfans avec eux aux exercices de la Religion Catholique. Après la revocation de l'Edit, le mal empira encore. Un Miniftre attendant à Rouën, dans l'antichambre de Marillac, la signature d'un paffeport, pendant que les Cuirafliers ravageoient tout dans cette ville, vit en une heure de tems changer les ordres trois fois. D'abord auffi-tôt qu'un foldat amenoit fon hôte à l'Intendant, fur la fimple declaration de vouloir être Catholique, on le dechargeoit du logement. Peu après on voulut un çertifi cat d'abjuration figné du Curé de la paroiffe: & enfin on demanda qu'il fût exprimé dans le certificat que ceux qui avoient femme ou enfans, les avoient menez avec eux, ou avoient promis de les reduire à la Religion Catholique. Cependant il y avoit encore des gens diftinguez pour qui on avoit des égards; & à qui quand ils avoient le tems de faire leurs conditions, on accordoit des traitez particuliers tels qu'ils les vouloient. Les Convertif feurs ne fe mettoient pas en peine de faire des hypocrites & PPPPP 3

des

mez.

8

1685. des impies; & fe joüoient fans fcrupule de la Religion par des équivoques, pourveu qu'ils fiffent des converfions. Il y eut mê me des occafions où les Officiers qui avoient le commandement des Troupes n'en vouloient croire ni les Curez, ni les Evêques, lors que ceux-ci étoient d'avis au moins de fauver quelques apparences. Les gens de guerre leur repondoient qu'ils avoient leurs ordres; & qu'ils étoient obligez de fuivre ce qu'on leur mandoit de la Cour.

Maniere

entre

ceux qui

impunis.

Mais toute la complaifance de ceux qui travailloient à la redont on duction des Reformez, étoit pour ceux qui n'avoient pas le couprend de rage de refifter: & quand il y avoit quelqu'un qui ne fe rendoit reduire pas d'affez bonne grace à leurs follicitations, il n'y a point d'exrefiftent. tremité où ces barbares miniftres de la paffion du Clergé ne por taffent leurs violences. Il n'étoit defendu aux foldats que de tuër & de violer. Toutes les autres cruautez leur étoient non feule ment permises, mais commandées : & quand même il arrivoit que quelqu'un mouroit entre les mains de ces bourreaux, ou qu'ils attentoient brutalement à l'honneur des femmes, ils en étoient quittes pour des remontrances verbales, ou pour quelques jours Crimes de prifon. Deux Dragons ayant violé aux environs d'Agen une fille de quinze à seize ans, & ne pouvant après cela fe defaire de fa tante, qui les poursuivoit avec toutes les injures que le defespoir pouvoit lui mettre à la bouche, qui les prenoit à la gorge, leur fautoit aux yeux, leur dechiroit le vifage avec les ongles: & voyant d'ailleurs agonifer la fille, dont ils n'avoient pu vaincre la resistance, qu'après l'avoir prefque affommée, ils poignarderent cette vieille femme, & jetterent fon corps & celui de fa niece dans la riviere. Cette horrible action n'ayant pu demeurer cachée, on les arrêta, on leur fit leur procés, on les condamna: mais au lieu de les punir, on les traîna de Jurif diction en Jurifdiction, fous le pretexte d'appel, & enfin on les transfera dans les prifons du Parlement, où on se contenta de les tenir quelques mois. Enfin on les élargit, & ils en furent quittes pour la peur. Comme la plupart des Officiers avoient plus d'honneur que leurs foldats, on craignit à la Cour que leur prefence n'empêchât les converfions: & on donna des ordres fort exprés aux Intendans de ne les loger point avec leurs Troupes, principalement chez les Gentilshommes:

de

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de peur que par civilité ils ne reprimaffent l'infolence des 1685. Dragons.

Montau-.

On peut juger aisément par là que les foldats étant affûrez Reducqu'on ne leur feroit pas porter la peine de leurs cruautez, s'aban- tion de donnerent fans retenue à toute forte de licence Mais avant que ban. je face le detail de leurs barbares inventions, il faut dire quelque chofe de la maniere dont on fe prit à convertir les villes les plus importantes. Après la reduction du Bearn, on voulut conquerir Montauban, & les villes de Guyenne, comme Tonneins, Nerac, Clairac, Ste. Foi, Bergerac, & plufieurs autres qui étoient dans la dependance du Parlement ou de la Generalité. Le Marquis de Bouflers fe rendit à Montauban vers le quinziéme du mois d'Août, & fit d'abord en termes civils la propofition de fe convertir: mais la reponse qui lui fut faite ne l'ayant pas contenté, il fallut avoir recours à d'autres expediens. On lui avoit fait le portrait de ceux qui feroient les plus aifez à gagner. Il les engagea facilement par des promeffes & des paroles flatteuses à favoriser la reduction des autres; & à leur donner l'exemple d'une reünion volontaire. Les principaux de cette cabale furent le Marquis de Reiniers, le Baron de Villemade, & Satus Avocat celebre au Prefidial de Montauban. Quand on fut affûré d'eux, & de quelques autres qui promirent de les imiter, on fit une affemblée generale des Reformez, où le defir que le Roi avoit de les ramener dans la Communion Catholique fut propofé comme une raison decifive en matiere de controverfe. L'affemblée fut faite dans le Bureau de l'Election; & la parole fut portée par le President des Elûs, que la Berchere Intendant, appellé ailleurs pour faire le logement des Troupes, avoit commis en particulier pour y affifter en fa place. Une vingtaine de ces prevaricateurs qui étoient presens demanderent la permiffion de continuer l'assemblée, pour deliberer fur la propofition qui leur étoit faite, & pour s'éclaircir entre eux des motifs qui avoient oblige les Reformez à se separer de l'Eglife Romaine. Mais comme ils virent bien qu'une vingtaine de têtes ne fuffifoit pas pour autorifer une deliberation fi importante, qu'on vouloit faire paffer pour generale, ils demanderent auffi qu'on grofsît l'affemblée de tous les habitans qui voudroient y affifter. Tous ces gens gagnez fignerent leur requifition, & obtinrent aifément ce qu'ils demandoient.

Le

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