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d'éternels procès les consument; et avec la folle idée de vouloir tout prévoir, ils ont fait de leurs lois un dédale immense où la mémoire et la raison se perdent égaYement.

Il faut faire trois codes. L'un politique, l'autre civil, et l'autre criminel. Tous trois clairs, courts et précis autant qu'il sera possible. Ces codes seront enseignés, nonseulement dans les universités, mais dans tous les colléges, et l'on n'a pas besoin d'autre corps de droit. Toutes les règles du droit naturel sont mieux gravées dans les cœurs des hommes que dans tout le fatras de Justinien. Rendez-les seulement honnêtes et vertueux, et je vous réponds qu'ils sauront assez de droit; mais il faut que tous les citoyens, et sur-tout les hommes publics, soient instruits des lois positives de leur pays, et des règles particulières sur lesquelles ils sont gouvernés. Ils les trouveront dans ces codes qu'ils doivent étudier, et tous les nobles avant d'être inscrits dans le livre d'or qui doit leur ouvrir l'entrée d'une diétine, doivent soutenir sur ces codes, et en particulier sur le premier, un examen qui ne soit pas une simple formalité, et sur le

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quel, s'ils ne sont pas suffisamment instruits, ils seront renvoyés jusqu'à ce qu'ils le soient mieux. A l'égard du droit romain et des coutumes tout cela, s'il existe, doit être ôté des écoles et des tribunaux. On n'y doit connaître d'autre autorité que les lois de l'Etat; elles doivent être uniformes dans toutes les provinces pour tarir une source de procès, et les questions qui n'y seront pas décidées doivent l'être par le bon sens et l'intégrité des juges. Comptez que quand la magistrature ne sera pour ceux qui l'exercent qu'un état d'épreuve pour monter plus haut, cette autorité n'aura pas en eux l'abus qu'on en pourrait craindre, ou que si cet abus a lieu, il sera toujours moindre que celui de ces foules de lois qui souvent se contredisent, dont le nombre rend les procès éternels, et dont le conflit rend également les jugemens arbitraires.

Ce que je dis ici des juges doit s'entendre à plus forte raison des avocats. Cet état, si respectable en lui-même, se dégrade et s'avilit sitôt qu'il devient un métier. L'avocat doit être le premier juge de son client et le plus sévère son emploi doit être, comme il était à Rome et comme il est encore à Genève,

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le premier pas pour arriver aux magistratures; et en effet les avocats sont fort considérés à Genève, et méritent de l'être. Ce sont des postulans pour le conseil, trèsattentifs à ne rien faire qui leur attire l'improbation publique. Je voudrais que toutes les fonctions publiques menassent ainsi de l'une à l'autre, afin que nul ne s'arrangeant pour rester dans la sienne, ne s'en fît un métier lucratif et ne se mît au-dessus du jugement des hommes. Ce moyen remplirait parfaitement le vœu de faire passer les enfans des citoyens opulens par l'état d'avocat ainsi rendu honorable et passager. Je déveJopperai mieux cette idée dans un moment.

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Je dois dire ici en passant, puisque cela me vient à l'esprit, qu'il est contre le système d'égalité dans l'ordre équestre d'y établir des substitutions et des majorats. Il faut que la législation tende toujours à diminuer la grande inégalité de fortune et de pouvoir, qui met trop de distance entre les seigneurs et les simples nobles, et qu'un progrès naturel tend toujours à augmenter. A l'égard du cens par lequel on fixerait la quantité de terre qu'un noble doit posséder pour être admis aux diétines, voyant à cela

du bien et du mal, et ne connaissant pas assez le pays pour comparer les effets, je n'ose absolument décider cette question. Sans contredit, il serait à désirer qu'un citoyen, ayant voix dans un palatinat, y possédât quelques terres, mais je n'aimerais pas trop qu'on en fixât la quantité: en comptant les possessions pour beaucoup de chose, faut-il donc tout-à-fait compter les hommes pour rien? Eh quoi! parce qu'un gentilhomme aura peu ou point de terre, cesse-t-il pour cela d'être libre et noble, et sa pauvreté seule est-elle un crime assez grave pour lui faire perdre son droit de citoyen ?

en

Au reste, il ne faut jamais souffrir qu'aueune loi tombe en désuétude. Fût-elle indifférente, fût-elle mauvaise, il faut l'abroger formellement ои la maintenir vigueur. Cette maxime, qui est fondamentale, obligera de passer en revue toutes les anciennes lois, d'en abroger beaucoup, et de donner la sanction la plus sévère à celles qu'on voudra conserver. On regarde en France comme une maxime d'Etat de fermer les yeux sur beaucoup de choses: 'est à quoi le despotisme oblige toujours;

mais dans un gouvernement libre, c'est le moyen d'énerver la législation et d'ébranler la constitution. Peu de lois, mais bien dirigées, et sur-tout bien observées. Tous les abus qui ne sont pas défendus sont encore sans conséquence; mais qui dit une loi dans un Etat libre dit une chose

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devant laquelle tout citoyen tremble, le roi tout le premier. En un mot, souffrez tout plutôt que d'user le ressort des lois; car quand une fois ce ressort est usé, l'Etat est perdu sans ressource.

CHAPITRE X I.

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Système économique.

Le choix du système économique que doit adopter la Pologue dépend de l'objet qu'elle se propose en corrigeant sa constitution. Si Vous ne voulez que devenir bruyans, brillans, redoutables, et influer sur les autres peuples de l'Europe, vous avez leur exemple, appliquez-vous à l'imiter. Cultivez les sciences, les arts, le commerce, l'industrie; ayez des troupes réglées, des

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