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menter sa puissance en tout ce qui peut concourir au bien public. Il aura peu de force immédiate et directe pour agir par lui-même, mais il aura beaucoup d'autorité, de surveillance et d'inspection pour contenir chacun dans son devoir, et pour diriger le gouvernement à son véritable but, La présidence de la diète, du sénat et de tous les corps, un sévère examen de la conduite de tous les gens en place, un grand soin de maintenir la jus tice et l'intégrité dans tous les tribunaux, de conserver l'ordre et la tranquillité dans. l'Etat, de lui donner une bonne assiette audehors le commandement des armées en temps de guerre, les établissemens utiles en temps de paix, sont des devoirs qui tiennent particulièrement à son office de roi, et qui l'occuperont assez s'il veut les remplir par lui-même ; car les détails de l'administration étant confiés à des ministres établis pour cela, ce doit être un crime à un roi de Pologne de confier aucune partie de la sienne à des favoris. Qu'il fasse son métier en personne, ou qu'il y renonce. Article important sur lequel la nation ne doit jamais se relâcher.

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C'est sur de semblables principes qu'il faut établir l'équilibre et la pondération des pou

voirs qui composent la législation et l'administration. Ces pouvoirs, dans les mains de leurs dépositaires et dans la meilleure proportion possible, devraient être en raison directe de leur nombre et inverse du temps qu'ils restent en place. Les parties composantes de la diète suivront d'assez près ce meilleur rapport. La chambre des nonces, la plus nombreuse, sera aussi la plus puissante, ma ́s tous ses inembres changeront fréquemment. Le sénat moins nombreux aura une moindre part à la législation, mais une plus grande à la puissance exécutive, et ses membres participant à la constitution des deux extrêmes, seront partie à temps et partie à vie comme il convient à un corps intermédiaire. Le roi qui préside à tout continuera d'être à vie, et son pouvoir, toujours très-grand pour l'inspection, sera borné par la chambre des nonces quant à la législation, et par le sénat quant à l'administration. Mais pour maintenir l'égalité, principe de la constitution, rien n'y doit être héreditaire que la noblesse. Si la couronne était héréditaire, il faudrait, pour conserver l'équilibre, que la pairie ou l'ordre sénatorial le fut aussi comme en Angleterre. Alors l'ordre équestre abaissé

perdrait son pouvoir, la chambre des nonces n'ayant pas, comme celle des communes, celui d'ouvrir et fermer tous les ans le trésor public, et la constitution polonaise serait renversée de fond en comble.

CHAPITRE I X.

Causes particulières de l'anarchie.

LA diète bien proportionnée et bien pon

dérée ainsi dans toutes ses partics, sera la source d'une bonne législation et d'un bon gouvernement mais il faut pour cela que ses ordres soient respectés et suivis. Le mépris des lois, et l'anarchie où la Pologne a vécu jusqu'ici, ont des causes faciles à voir. J'en ai déjà ci-devant marqué la principale et j'en ai indiqué le remède. Les autres causes concourantes sont, 1°. le liberum veto, 2°. les confédérations, 3°. l'abus qu'ont fait les particuliers du droit qu'on leur a laissé d'avoir des gens de guerre à leur service.

Ce dernier abus est tel que si l'on ne commence pas par l'ôter, toutes les autres réformes sont inutiles. Tant que les particuliers auront

le pouvoir de résister à la force exécutive, ils croiront en avoir le droit, et tant qu'ils auront entr'eux de petites guerres, comment veut-on que l'Etat soit en paix? J'avoue que les places fortes ont besoin de gardes; mais pourquoi faut-il des places qui sont fortes seulement contre les citoyens et faibles contre l'ennemi ? J'ai peur que cette réforme ne souffre des difficultés; cependant je ne crois pas impossible de les vaincre, et pour peu qu'un citoyen puissant soit raisonnable, il consentira sans peine à n'avoir plus à lui de gens de guerre, quand aucun autre n'en

aura.

J'ai dessein de parler ci-après des établissemens militaires; ainsi je renvoie à cet article ce que j'aurais à dire dans celui-ci.

Le liberum veto n'est pas un droit vicieux en lui-même, mais sitôt qu'il passe sa borne, il devient le plus dangereux des abus: il était le garant de la liberté publique, il n'est plus que l'instrument de l'oppression. Il ne reste, pour ôter cet abus funeste, que d'en détruire la cause tout-à-fait. Mais il est dans le cœur de l'homme de tenir aux priviléges individuels plus qu'à des avantages plus grands et plus généraux. Il n'y a qu'un patriotisme

éclairé par l'expérience qui puisse apprendre à sacrifier à de plus grands biens un droit. brillant devenu pernicieux par son abus, et dont cet abus est désormais inséparable. Tous les Polonais doivent sentir vivement les maux que leur a fait souffrir ce malheureux droit. S'ils aiment l'ordre et la paix, ils n'ont aucun moyen d'établir chez eux l'un et l'autre, tant qu'ils y laisseront subsister ce droit, bon daus la formation du corps politique, ou quand il a toute sa perfection, mais absurde et funesto tant qu'il reste des changemens à faire, et il ⚫st impossible qu'il n'en reste pas toujours, sur-tout dans un grand Etat entouré de voisins puissans et ambitieux.

Le liberum veto serait moins déraisonnable, s'il tombait uniquement sur les points fondamentaux de la constitution: mais qu'il ait lieu généralement dans toutes les délibérations des diètes, c'est ce qui ne peut s'admettre en aucune façon. C'est un vice dans la constitution polonaise que la législation et l'administration n'y soient pas assez distinguées, et que la diète exerçant le pouvoir législatif y mêle des parties d'administration, fasse indifféremment des actes de souveraineté et de gouvernement, souvent même des

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