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leurs substituts en cette partie est de leur droit, parce que c'est toujours à eux de répondre des jugemens qui se rendent en leur nom. La nation peut, il est vrai, leur donner des assesseurs, et le doit lorsqu'ils ne jugent pas eux-mêmes: ainsi le tribunal de la couronne, où préside, non le roi, mais le grand-chancelier, est sous l'inspection de la nation, et c'est avec raison que les diétines en nomment les autres membres. Si le roi jugeait en personne, j'estime qu'il aurait le droit de juger seul. En tout état de cause son intérêt serait toujours d'être juste, et jamais des jugemens iniques ne furent une bonne voie pour parvenir à l'usurpation.

A l'égard des autres dignités, tant de la couronne que des palatinats, qui ne sont que des titres honorifiques et donnent plus d'éclat que de crédit, on ne peut mieux faire que de lui en laisser la pleine disposition; qu'il puisse honorer le mérite et flatter la vanité, mais qu'il ne puisse conférer la puissance.

La majesté du trône doit être entretenue avec splendeur : mais il importe que de toute la dépense nécessaire à cet effet on en laisse faire au roi le moins qu'il est possible. Il serait à désirer que tous les officiers du roi

fussent

fussent aux gages de la république et non pas aux siens, et qu'on réduisît en même rapport tous les revenus royaux, afin de diminuer autant qu'il se peut le maniement des deniers par les mains du roi.

On a proposé de rendre la couronne héréditaire. Assurez-vous qu'au moment que cette loi sera portée, la Pologne peut dire adieu pour jamais à sa liberté. On pense y pourvoirsuffisamment en bornant la puissance royale. On ne voit pas que ces bornes posées par les lois seront franchies à traits de temps par des usurpations graduelles, et qu'un systême adopté et suivi sans interruption par une famille royale doit l'emporter à la longue sur une législation qui par sa nature tend sans cesse au relâchement. Si le roi ne peut corrompre les grands par des grâces, il peut toujours les corrompre par des promesses dont ses successeurs sont garans; et comme les plans formés par la famille royale sc perpétuent avec elle, on prendra bien plus de confiance en ses engagemens, l'on comptera bien plus sur leur accomplissement que quand la couronne élective montre la fin des projets du monarque avec celle de sa vie. La Pologne est libre, parc. Politique. Тоще ІІ.

S

et

que chaque règne est précédé d'un intervalle où la nation rentrée dans tous ses droits, et reprenant une vigueur nouvelle, coupe le progrès des abus et des usurpations, où la législation se remonte et reprend son premier ressort. Que deviendront les pacta conventa l'égide de la Pologne, quand une famille établie sur le trône à perpétuité le remplira sans intervalle, et ne laissera à la nation, entre la mort du père et le couronnement du fils, qu'une vaine ombre de liberté sans effet, qu'anéantira bientôt la simagrée du serment fait par tous les rois à leur sacre et par tous oublié pour jamais l'instant d'après ? Vous avez vu le Danemarck, vous voyez l'Angleterre, et vous allez voir la Suède profitez de ces exemples pour apprendre une fois pour toutes que, quelques précautions qu'on puisse entasser, hérédité dans le trône, et liberté dans la nation seront à jamais des choses incompatibles.

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Les Polonais ont toujours eu du penchant à transmettre la couronne du père au fils, ou aux plus proches par voie d'héritage, quoique toujours par droit d'élection. Cette inclination, s'ils continuent à la suivre, les

menera tôt ou tard au malheur de rendre la couronne héréditaire, et il ne faut pas qu'ils espèrent lutter aussi long-temps de cette manière contre la puissance royale, que les membres de l'empire germanique out lutte contre celle de l'empereur, parc■ que la Pologne n'a point en elle-même de contre-poids suffisant pour maintenir un roi héréditaire dans la subordination légale. Malgré la puissance de plusieurs membres de l'empire, sans l'élection accidentelle de Charles VII, les capitulations impériales ne seraient déjà plus qu'un vain formulaire comme elles l'étaient au commencement de ce siècle; les pacta conventa deviendront bien plus vains encore, quand la famille royale aura eu le temps de s'affermir et de mettre toutes les autres au-dessous d'elle, Pour dire en un mot mon sentiment sur cet article, je pense qu'une couronne élective, avec le plus absolu pouvoir, vaudrait encore mieux pour la Pologne qu'une couronne héréditaire avec un pouvoir presque nul.

Au-lieu de cette fatale loi qui rendrait la couronne héréditaire, j'en proposerais une bien contraire qui, si elle était admise, maintiendrait la liberté de la Pologue. Ce

serait d'ordonner par une loi fondamentale que jamais la couronne ne passerait du père au fils, et que tout fils d'un roi de Pologne serait pour toujours exclus du trône. Je dis que je proposerais cette loi si elle était nécessaire mais occupé d'un projet qui ferait le même effet sans elle, je renvoie à sa place l'explication de ce projet, et supposant que par son effet les fils seront exclus du trône de leur père, au-moins immédiatement, je crois voir que la liberté bien assurée ne sera pas le seul avantage qui résultera de cette exclusion. Il en naîtra un autre encore très-considérable; c'est en ôtant tout espoir aux rois d'usurper et transmettre à leurs enfans un pouvoir arbitraire, de porter toute leur activité vers la gloire et la prospérité de l'Etat, la seule voie qui reste ouverte à leur ambition. C'est ainsi que le chef de la nation en deviendra, non plus l'ennemi-né, mais le premier citoyen. C'est ainsi qu'il fera sa grande affaire d'illustrer son règue par des établissemens utiles qui le rendent cher à son peuple, respectable à ses voisins, qui fassent bénir après lui sa mémoire, et c'est ainsi que, hors les moyens de nuire et de séduire qu'il ne faut jamais lui laisser, il conviendra d'aug

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