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s'adresser. De plus, il vaut mieux que chaque nonce ait à répondre pour lui seul à sa diétine, afin que nul ne s'excuse sur les autres, que l'innocent et le coupable ne soient pas confondus et que la justice distributive soit mieux observée. Il se présente bien des raisons contre cette forme qui relâcherait beaucoup le lien commun, et pourrait à chaque diète exposer l'Etat à se diviser. En rendant les nonces plus dépendans de leurs instructions et de leurs constituans, on gague àpeu-près le même avantage sans aucun inconvénient. Ceci suppose, il est vrai, que les suffrages ne se donnent point par scrutin, mais à haute voix, afin que la conduite et l'opinion de chaque nonce à la diète soient conuues, et qu'il en réponde en son propre et privé nom. Mais cette matière des suffrages étant une de celles que j'ai discutées avec lo plus de soin dans le Contrat social, il est superflu de me répéter ici.

Quant aux élections, on trouvera peutêtre d'abord quelque embarras à nommer àla-fois dans chaque diète tant de sénateurs députés, eten général aux élections d'un grand nombre sur un plus grand nombre qui reviendront quelquefois dans le projet que j'ai

à proposer; mais en recourant pour cet article au scrutin, l'on ôterait aisément cet embarras au moyen de cartons imprimés et numérotés qu'on distribuerait aux électeurs la veille de l'election, et qui contiendraient les noms de tous les candidats entre lesquels cette élection doit être faite. Le lendemain les électeurs viendraient à la file rapporter dans une corbeille tous leurs cartons, après avoir marqué, chacun dans le sien, ceux qu'il élit ou ceux qu'il exclut selon l'avis qui serait en tête des cartons. Le déchiffre ment de ces mêmes cartons se ferait tout de suite en présence de l'assemblée par le secrétaire de la diète, assisté de deux autres secrétaires ad actum, nommés sur-le-champ par le maréchal dans le nombre des nonces présens. Par cette méthode l'opération deviendrait si courte et si simple, que sans dispute et sans bruit tout le sénat se remplirait aisément dans une séance. Il est vrai qu'il faudrait encore une règle pour déterminer la liste des candidats; mais cet article aura sa place et ne sera pas oublié.

Reste à parler du roi qui préside à la diète, et qui doit être par sa place le suprême administrateur des lois.

CHAPITRE VIII.

C'EST

Du roi.

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un grand mal que le chef d'une nation soit l'ennemi-né de la liberté dont il devrait être le défenseur. Ce mal, à mon avis, n'est pas tellement inhérent à cette place qu'on ne pût l'en détacher, ou du moins l'amoindrir considérablement. Il n'y a point de tentation sans espoir. Rendez l'usurpation impossible à vos rois, vous leur en ôterez la fantaisie, et ils mettront à vous bien gouverner, et à vous défendre tous les efforts qu'ils font maintenant pour vous asservir. Les instituteurs de la Pologne, comme l'a remarqué M. le comte Wielhorski, ont bien songé à ôter aux rois les moyens de nuire, mais non pas celui de corrompre, et les grâces dont ils sont les distributeurs leur donnent abondamment ce moyen. La · difficulté est qu'en leur ôtant cette distribution l'on paraît leur tout ôter : c'est pourtant ce qu'il ne faut pas faire ; car autant vaudrait n'avoir point de roi, et je crois impossible à un aussi grand Etat que la

Pologne de s'en passer; c'est-à-dire, d'un chef suprême qui soit à vie. Or à moins que le chef d'une nation ne soit tout-à-fait nul, et par conséquent inutile, il faut bien qu'il puisse faire quelque chose, et si peu qu'il fasse, il faut nécessairement que ce soit du bien et du mal.

Maintenant tout le sénat est à la nomination du roi c'est trop. S'il n'a aucune part à cette nomination, ce n'est pas assez. Quoique la pairie en Angleterre soit aussi à la nomination du roi, elle en est bien moins dépendante, parce que cette pairie une fois donnée est héréditaire, au-lieu que les évêchés, palatinats et castellanies n'étant qu'à vie, retournent à la mort de chaque titulaire à la nomination du roi.

J'ai dit comment il me paraît que cette nomination devrait se faire, savoir les palatins et grands castellans à vie et par leurs diétines respectives. Les castellans du second rang à temps et par la diète. A l'égard des évêques, il me paraît difficile, à moins qu'on ne les fasse élire par leurs chapitres, d'en ôter la nomination au roi, et je crois qu'on peut la lui laisser, excepté toutefois celle de l'archevêque de Guesne qui appartient naturel

lement à la diète ; à moins qu'on n'en sépare la primatie, dont elle seule doit disposer. Quant aux ministres, sur-tout les grands généraux et grands trésoriers, quoique leur puissance qui fait contre-poids à celle du roi doive être diminuée en proportion de la sienne, il ne me paraît pas prudent de laisser au roi le droit de remplir ces places par ses créatures, et je voudrais au moins qu'il n'eût que le choix sur un petit nombre de sujets présentés par la diète. Je convieus que ne pouvant plus ôter ces places après les avoir données, il ne peut plus compter absolument sur ceux qui les remplissent: mais c'est assez du pouvoir qu'elles lui donnent sur les aspirans, sinon pour le mettre en état de changer la face du gouvernement, du moins pour lui en laisser l'espérance, et c'est sur-tout cette espérance qu'il importe de lui ôter à tout prix.

Pour le grand chancelier, il doit, ce me semble, être de nomination royale. Les rois sont les juges-nés de leurs peuples; c'est pour cette fonction, quoiqu'ils l'aient tous abandonnée, qu'ils ont été établis; elle ne peut leur être ôtée; et quand ils ne veulent pas la remplir cux-mêmes, la nomination de

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