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semblée du peuple; mais peut-être l'historique de la police romaine à cet égard expliquera-t-il plus sensiblement toutes les maximes que je pourrais établir. Il n'est pas indigne d'un lecteur judicieux de voir un peu en détail comment se traitaicut les affaires publiques et particulières dans un conseil de deux cents mille hommes.

CHAPITRE IV.

Des comices romains.

Nous n'avons nuls monumens bien assurés

des premiers temps de Rome; il y a même grande apparence que la plupart des choses qu'on en débite sout des fables; (i) et en général la partie la plus instructive des annales des peuples, qui est l'histoire de leur établissement, est celle qui nous manque le plus. L'expérience nous apprend tous

(i) Le nom de Rome, qu'on prétend venir de Romulus, est grec et signifie force; le nom de Numa est grec aussi, et signifie loi. Quelle apparence que les deux premiers rois de cente ville aient porté d'avance des noms si bien relatifs à ce qu'ils ont fait ?

naissent les

les jours de quelles causes
révolutions des empires; mais comme il
ne se forme plus de peuple, nous n'avons
guère que des conjectures pour expliquer
comment ils se sont formés.

Les usages qu'on trouve établis attestent au moins qu'il y eut une origine à ces usages. Des traditions qui remontent à ces origines, celles qu'appuyent les plus grandes autorités, et que de plus fortes raisons confirment T doivent passer pour les plus certaines. Voilà les maximes que j'ai tâché de suivre en recherchant comment le plus libre et le plus puissant peuple de la terre exerçait son pouvoir suprême.

Après la fondation de Rome la république naissante, c'est-à-dire l'armée du fondateur, composée d'Albaius, de Sabius, et d'étrangers, fut divisée en trois classes, qui de cette division prirent le nom de Tribus. Chacune de ces tribus fut subdivisée en dix curies, et chaque curie en décurics, à la tête desquelles on mit des chefs appelés Curions et Décurions.

Outre cela on tira de chaque tribu un corps de cent cavaliers ou chevaliers, appelé Centurie: par où l'on voit que ces divisions,

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peu nécessaires dans un bourg, n'étaient d'abord que militaires. Mais il semble qu'un instinct de grandeur portait la petite ville de Rome à se donner d'avance une police convenable à la capitale du monde.

De ce premier partage résulta bientôt un inconvénient. C'est que la tribu des Albains (k) et celle des Sabins (7) restant toujours au même état, tandis que celle des étrangers (m) croissait sans cesse par le concours perpétuel de ceux-ci, cette dernière ne tarda pas à surpasser les deux autres. Le remède que Servius trouva à ce dangereux abus fut de changer la division à celle des races qu'il abolit, d'en substituer une autre tirée des lieux de la ville occupés par chaque tribu. Au lieu de trois tribus il en fit quatre, chacune desquelles occupait une des collines de Rome et en portait le nom. Ainsi remédiant à l'inégalité présente il la prévint encore pour l'avenir; et afin que cette division ne fût pas seulement de lieux mais d'hommes, il défendit aux habitans

(k) Ramnenses.
(1) Tatienses.
(m) Luceres.

d'un quartier de passer dans un autre, ce qui empêcha les races de se confondre.

Il doubla aussi les trois anciennes centuries de cavalerie et y en ajouta douze autres, mais toujours sous les anciens noms; moyen simple et judicieux par lequel il acheva de distinguer le corps des chevaliers de celui du peuple, sans faire murmurer ce dernier.

A ces quatre tribus urbaines, Servius en ajouta quinze autres appelées tribus rustiques, parce qu'elles étaient formées des habitans de la campagne, partagés en autant de cantons. Dans la suite on en fit autant de nouvelles, et le peuple romain se trouva enfin divisé en trente-cinq tribus; nombre auquel elles restèrent fixées jusqu'à la fin de la république.

De cette distinction des tribus de la ville et des tribus de la campagne résulta un effet digue d'être observé, parce qu'il n'y en a point d'autre exemple, et que Rome lui dut à-la-fois la conservation de ses mœurs et l'accroissement de son empire. On croirait que les tribus urbaines s'arrogèrent bientôt la puissance et les honneurs, et ne tardèrent pas d'avilir les tribus rustiques; ce fut tout

le contraire. On connaît le goût des pres miers Romains pour la vie champêtre. Ce goût leur venait du sage instituteur qui unit à la liberté les travaux rustiques et militaires, et relégua, pour ainsi dire, à la ville, les arts, les métiers, l'intrigue, la fortune et l'esclavage.

Ainsi tout ce que Rome avait d'illustre vivant aux champs et cultivant les terres, on s'accontuna à ne chercher que là les souticus de la république. Cet état étant celui des plus dignes praticiens fut honoré de tout le monde ; la vie simple et laborieuse des villageois fut préférée à la vie oisive et lâche des bourgeois de Rome; tel n'eût été qu'un malheureux prolétaire à la ville, qui, laboureur aux champs, devint un

citoyen respecté. Ce n'est pas sans raison, disait Varron, que nos magnanimes ancêtres établirent au village la pépinière de ces robustes et vaillans hommes qui les défendaient en temps de guerre, et les nourrissaient en temps de paix. Pline dit positivement que les tribus des champs étaient honorées à cause des homines qui les composaient; au lieu qu'on transférait par ignominie dans celles de la ville les lâches

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