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>> bulent, et honorer l'esclavage par le nom d'a» mour de l'ordre et de la paix? Non il faut pré>> venir les troubles par des moyens plus analo» gues à la liberté. Si l'on aime véritablement la » paix, ce ne sont point les lois martiales qu'il faut >>> présenter au peuple : elles donneraient de nouveaux » moyens d'amener des troubles. Tout cet empire est >> couvert de citoyens armés par la liberté; ils re>> pousseront les brigands pour défendre leurs foyers. >> Rendons au peuple ses véritables droits; protégeons >> les principes patriotiques attaqués dans tant d'en>> droits divers; ne souffrons pas que des soldats » armés aillent opprimer les bons citoyens sous le » prétexte de les défendre; ne remettons pas le sort » de la Révolution dans les mains des chefs mili>> taires; faisons sortir des villes ces soldats armés qui >> effrayent le patriotisme pour détruire la liberté ! »

Le fanatisme éclairait Robespierre et l'éblouissait à la fois dans ce discours pour le triomphe de sa cause. Dans la lutte ouverte entre l'ancien régime et le nouveau, il craignait plus l'ordre préservé par la main d'un roi que les excès commis par la main du peuple. Entre ces deux dangers, il avait fait son choix; décidé à tout, et même au crime, pour faire prévaloir et régner la démocratie absolue, il était aussi coupable mais plus conséquent que Barnave, qui voulait un roi sans royauté et une paix publique sans force pour la maintenir.

XXXIII.

Clermont-Tonnerre le réfuta avec l'autorité de la conscience, de la morale et de la politique. Pur d'adulation aux rois quand ils avaient des courtisans, l'orateur du centre déteste éloquemment les adulateurs du peuple. « Que craignez-vous? » s'écria-t-il en finissant. « Que la force publique soit toujours plus puissante que les scélérats! Elle ne sera jamais plus forte que nous, plus puissante que l'opinion. Péthion, aussi téméraire que Barnave, mais moins amer que Robespierre, soutint que la loi martiale était suffisante, bien que la loi martiale, sous l'empire de laquelle tous ces excès se continuaient, ne donnât ni énergie aux magistrats municipaux ni force armée aux répressions.

Mirabeau réfléchissait depuis huit jours sur l'expédient qu'il saisirait pour retremper, dans cette discussion, son patriotisme compromis le premier jour. Il feignit de voir la dictature dans les mesures d'ordre et de force réclamées par la liberté elle-même.

Il prépara un projet mixte et illusoire qui donnait aux troupes l'autorisation de marcher en cas d'attroupements et de violences, mais qui donnait en même temps aux municipalités le droit d'arrêter leur marche et de leur interdire le territoire de leurs communes, prétexte de parole qui n'était utile qu'à sa popularité.

» On a voulu, » dit-il, « entraîner une assemblée » législative dans la plus étrange des erreurs. De quoi » s'agit-il? De faits mal expliqués, mal éclaircis. On » soupçonne, plus qu'on ne sait, que l'ancienne mu» nicipalité de Béziers n'a pas rempli ses devoirs. En >> fait d'attroupements, toutes les circonstances mé» ritent votre attention; il vous était facile de prévoir » que, par la loi martiale, vous avez donné lieu à » un délit de grande importance, si cette loi n'était >> pas exactement, pas fidèlement exécutée.

» En effet, une municipalité qui n'use pas des >> pouvoirs qui lui sont donnés dans une circons>>tance importante commet un grand crime. Il fallait » qualifier le crime, indiquer la peine et le tribunal; >> il ne fallait que cela. Au lieu de se réduire à une » question aussi simple, on nous a dit que la ré» publique est en danger. J'entends, et je serai en>> tendu par tout homme qui écoutera avec réflexion, j'entends la chose publique. On nous fait un ta>> bleau effrayant des malheurs de la France; on a >> prétendu que l'Etat était bouleversé, que la mo>>narchie était tellement en péril, qu'il fallait re>> courir à de grandes ressources: on a demandé la » dictature. La dictature, dans un pays de vingt» quatre millions d'âmes! la dictature à un seul, » dans un pays qui travaille à sa constitution! dans » un pays dont les représentants sont assemblés, la » dictature d'un seul! Le plus ou moins de sang

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>> qui doit couler ne doit pas être mis en ligne de » compte. Lisez, lisez ces lignes de sang dans les » lettres du général d'Alton à l'empereur, voilà le » code des dictateurs; voilà ce qu'on n'a pas rougi » de proposer. On a voulu renouveler les proclama» tions dictatoriales des mois de juin et de juillet. >> Enfin, on enlumine les propositions des mots tant » de fois répétés, des vertus d'un monarque vrai»ment vertueux, ces mots tant de fois répétés, mais » répétés avec justice.

» Je regarde déjà la monarchie comme dissoute. » La dictature passe les forces d'un seul, quels que >> soient son caractère, ses vertus, son talent, son

génie. Le désordre règne, dit-on; je le veux croire >> un moment. On l'attribue à l'oubli d'achever le pouvoir exécutif, comme si tout l'ouvrage de l'or»ganisation sociale n'y tendait pas ! Je voudrais qu'on » se demandât à soi-même ce que c'est que le pou>> voir exécutif. Vous ne faites rien qui n'y ait rap» port. Que ceux qui veulent empiéter sur vos travaux » répondent à ce dilemme bien simple: ou quelque >> partie de la constitution blesse le pouvoir exécutif: >> alors qu'on nous déclare en quoi; ou il faut achever » le pouvoir exécutif: alors que reste-t-il à faire? » Dites-le, et vous verrez s'il ne tient pas à tout » ce que vous devez faire encore. Si vous me dites: » Le pouvoir militaire manque au pouvoir exécutif, » je vous répondrai : Laissez-nous donc achever l'or

>> ganisation du pouvoir militaire; le pouvoir judiciaire: Laissez-nous donc achever l'organisation du » pouvoir judiciaire. Ainsi donc ne nous demandez >> pas ce que nous devons faire, si nous avons fait >> ce que nous avons pu. Il me semble qu'il est aisé » de revenir à la question, dont nous n'avons pu » nous écarter. Vous avez fait une loi martiale; vous >> en avez confié l'exécution aux officiers municipaux. » Il reste à établir le mode de leur responsabilité. » Il manque encore quelques dispositions. Eh bien! » il faut fixer le mode des proclamations. Il existe » des brigands: il faut faire une addition provisoire » pour ce cas seulement; mais il ne fallait pas em>> piéter sur notre travail; il ne fallait pas proposer >> une exécrable dictature. Je n'ajouterai rien à ce » qui a été dit; mais peut-être résumerai-je mieux >> les diverses opinions des préopinants. J'ai rédigé » le projet d'une loi additionnelle à la loi martiale. » Il lut ce plan.

XXXIV.

Le duc d'Aiguillon, du parti de Barnave et des Lameth, jura que les bons citoyens aimaient mieux voir périr toutes les propriétés que de voir la liberté en péril. « << Je dois cependant convenir, » ajouta-t-il pour faire contre-poids à son propre sophisme, que « les désordres de l'anarchie amèneraient infaillible

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