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opposé aux propositions mises en avant par les commissaires dans lesquels le parti de Saint-Pierre avoit mis sa confiance. Vous voyez donc, messieurs, que ces faits ne présentent aucune espece de certitude. Vous avez décrété qu'il seroit envoyé quatre commissaires pour prendre des informations; vous leur avez remis des pouvoirs très-étendus et notamment la réquisition des forces; ils ont déjà reçu toutes les pieces pour et contre; ils ont au plus haut degré, et les députés du commerce et des colonies en sont convenus, la confiance des deux partis opposés. Vous n'avez donc rien à faire avant d'avoir reçu d'autres perquisitions. En général on ne peut faire des décrets tous les huit jours sur des événemens qui se passent à deux mille lieues de nous. Il faut prendre des mesures puissantes, des mesures décisives et puis les exécuter. Quoique les comités ne soient pas chargés de l'exécution des décrets, je dois dire que non-seulement depuis que le décret est rendu, mais dès que nous avons eu connoissance des troubles, c'est-à-dire, trois semaines auparavant, nous n'avons cessé de presser les agens du pouvoir exécutif de remplir les mesures nécessaires. Divers obtacles se sont succédés et ont malheureusement retardé cette exécution; mais annoncer aujourd'hui de nouveaux rapports, c'est seulement donner ou de nouveaux prétextes, ou de nouveaux motifs de retarder les armemens qui sont prêts à partir. Je demande donc que l'assemblée veuille bien, d'après ces considérations, nous dispenser quant à présent, de lui présenter aucune nouvelle mesure qui ne pourroit que nuire.

M. le Chapelier: Les faits que vient d'annoncer M. le rapporteur sont exacts à l'exception cependant qu'il a omis de dire que tous les députés de Saint-Domingue desirent qu'on y envoie des commissaires pour pacifier les esprits et sur-tout pour empêcher que l'assemblée coloniale, si elle est formée, ne prenne des résolutions qui contrarient le projet d'instruction auquel nous travaillons, que M. Barnave doit rédiger et qu'il doit vous proposer au nom du comité. Il est essentiel de s'en occuper promptement; car je vous observe que les nouvelles de Saint-Domingue annoncent en ce moment que le parti le plus fort., comme c'est toujours l'usage, persécute beaucoup d'individus sous prétexte des troubles. Il est donc nécessaire d'y envoyer des commissaires qui puissent arrêter ces procédures judiciaires. Je vous demende que nous puissions proposer nos mesures sous huit jours.

L'assemblée nationale ajourne à mardi au soir et leve a éance à 3 heures,

Séance du mardi soir, 25 janvier 1791

Lecture d'adresses, de celle des amis de la constitution de Marseille,qui prient l'assemblée nationale de décréter comme article constitutionnel, que nos rois ne pourront désormais se choisir une épouse que dans le sein de la nation. ( On applaudit).

M. le garde des sceaux envoie une lettre du roi, conçue

en ces termes :

Je vous prie, M. le président, d'informer l'assemblée nationale que j'ai remis à M. de Lessart le département de l'intérieur dont j'avois chargé par interim.

M. de Montmorin. M. le président : Voici une lettre de M. d'Agier, président du tribunal provisoire:

Le tribunal provisoire créé le 5 décembre dernier, croit, en terminant ses travaux, être obligé d'en rendre compte au pouvoir qui l'a constitué. Vous trouverez ci-joint, M. le président, le relevé des procès et des accusés que nous avons jugé. Je vous supplie d'en mettre l'apperçu sous les yeux du corps législatif; le nombre n'en est pas à beaucoup près aussi considérable que nous l'eussions desiré, sur-tout par comparaison à ce qui reste; mais les fêtes si multipliées qui ont interrompu le cours de nos séances, les justes égards dus à la défense des accusés, et la circonspection dont nous croyons devoir user en prononçant sur de si grands intérêts, ne nous ont pas permis d'en expédier d'avantage,

Il est satisfaisant pour nous de pouvoir annoncer à l'assemblée nationale que le public toujours nombreux à nos séances, a montré dans tous les instans le respect le plus profond pour la loi et ses organes. Une seule fois le silence a été interrompu par des applaudissemens, à l'occasion d'un jugement remarquable. Je n'ai eu besoin que de lire l'article 13 de la loi du 23 octobre 1789 : il n'a pas fallu y recourir une seconde fois. Quoique nos procédés et nos jugemens aient obtenu de l'auditoire un consentement marqué, ces dispositions nous montrent qu'en général le peuple est beaucoup moins ennemi de l'ordre que ses détracteurs voudroient le faire croire. (On applaudit). Il se soumet à la loi, dès qu'elle lui est connue, de même qu'aux magistrats qu'il a jugés dignes de sa confiance; et ce peuple, vous daignerez l'observer, ce peuple le plus souvent présent à notre audience, n'étoit pas composé de ceux à qui l'éducation a

appris à contenir leurs premiers mouvemens; c'étoit le simple peuple, sans instruction, sans autres lumieres que celles du bon sens et de la nature, tant il est vrai que la raison et la loi ont des droits imprescriptibles sur les cœurs de tous les hommes. (On applaudit ).

Nous avons donné aux législateurs une grande marque de dévouement et de respect en commençant, d'après l'ordre que nous avons reçu, les fonctions de la judicature par ce qu'elles ont de plus rebutant, de plus douloureux et de plus pénible. Une nouvelle carriere et des travaux plus varies nous appellent maintenant : nous allons nous y livrer avec un nouveau courage; heureux si par une constante application à faire fleurir les loix et à maintenir la paix publique, nous pouvons contribuer à avancer le grand ouvrage de la constitution, dont l'achevement fait tout l'objet de nos desirs. Je suis, etc. Signé Agier, président du tribunal pro

visoire.

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· M. Laville-aux-Bois, secrétaire: Selon l'état joint à la lettre, il y a eu 64 prisonniers de jugés.

M. Chassey: Le comité ecclésiastique m'a chargé de vous rendre compte de l'affaire suivante : Aussi-tôt que la loi du 26 décembre a été connue dans la ville d'Amiens, le dépar tement de la Somme a pris les mesures ordonnées pour faire passer aux districts et municipalités. La municipalité d'Amiens a fait une proclamation, ensuite de laquelle une quantité d'ecclésiastiques fonctionnaires publics se sont annoncés, le 14 de ce mois, pour prêter le serment; mais, mes sieurs, par un accord que je ne saurois trop caractériser, si la chose ne se présentoit d'elle-même, ils ont fait imprimer un écrit, où, après différens motifs de protestation, ils mettent en titre Formule du serment prononcé par M. le curé de S. Remy et ses vicaires; et il faut vous dire que croyant leur ruse découverte, c'est-à-dire, leur dessein de faire croire qu'un tel serment avoit été accepté par la municipalité, ils ont changé à la main le mot prononcé, pour mettre à noncer. Voici cette formule:

pro

« On nous demande de prononcer, par un serment, que nous aimons notre nation, que nous sommes soumis à la foi, et fideles à notre roi. Eh! mes freres, ce sentiment n'est-il pas celui de tout François? ne coule-t-il pas dans ses veines avec son sang? ne l'apporte-t-il pas en naissant dans son cœur? nous en avez-vous jamais inspiré d'autre depuis que nous avons l'honneur d'être chargés du soin de vos ames? Oui, nous osons vous appeler ici en témoignage, et nous sommes certains que vous ne nous démentirez pas nous n'avous jamais

cessé de vous prêcher le patriotisme, ce véritable amour de la nation, consacré par cette charité divine qui de tous les citoyens ne fait qu'un coeur et qu'une ame, et leur fait partager les biens qui en découlent. Nous vous avons toujours dit d'être soumis aux loix; d'aimer, de respecter votre roi; de payer exactement le tribut; de ne pas chercher à frauder les impôts, sous peine d'être regardés comme mauvais citoyens, comme n'aimant pas votre patrie. Si nous réclamòns aujourd'hui les droits de la religion dans le sein de laquelle nous avons eu le bonheur de naître, et dont nous avons l'honneur d'être ministres, les intérêts de l'une et de l'autre ne sont-ils pas liés inséparablement par leur divin auteur? La puissance spirituelle et la puissance temporelle ne sont-elles pas une Emanation du pouvoir absolu de l'Etre suprême, sans lequel aucune puissance ne sauroit exister? En nous renfermant dans les bornes de ces deux puissances, on ne nous accusera donc pas de manquer à la nation, à la loi et au roi, puisque nous ne leur serons jamais plus fideles que lorsque la religion consacrera notre obéissance, et qu'elle en sera le plus ferme appui. Voici donc mon serment:

Je soussigné, ministre de J. C., chargé d'enseigner aux hommes qui nous sont confiés ce qu'ils doivent à Dieu et aux puissances temporelles, obligé de leur donner l'exemple de la soumission à la loi, pour obéir à notre Seigneur J. C. qui nous ordonne de rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu Je jure de veiller avec soin sur les ames qui me sont confiées, d'obéir à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout mon pouvoir la constitution décrétée l'assemblée nationale et sanctionnée par le roi, exceptant formellement tout ce qui tient essentiellement à la foi, à la religion catholique, apostolique et romaine dans laquelle je suis résolu de vivre et de mourir. (On applaudit à droite, on improuve à gauche). Signé du curé et de ses vicaires.

par

Dans l'exemplaire que je viens de vous lire, il y a à prononcer. En voici un autre où on lit prononcé. (On demande à droite lecture de cette autre édition. Cela est inutile, criet-on à gauche). Vous voyez, messieurs, que par la tournnre et de l'imprimé et de la correction, on vouloit faire croire le serment ayant été effectivement prononcé et accepté par la municipalité d'An iens, tous les ecclésiastiques fonciionnaires publics de ce département pouvoient le prêter

que

ainsi.

Ceci, messieurs, est venn à la connoissance du département. Alors le directoire a appellé celui de district et la mu

nicipalité

nicipalité d'Amiens; et cette assemblée a pris un arrété le 17 janvier dernier dont voici la substance: on considere le serment dont il s'agit comme contraire aux décrets ; et en effet vous avez absolument décrété qu'il ne seroit fait aucune addition, aucune restriction, aucune composition avec le serment prescrit par vos décrets. Cependant vous observez vraisemblablement que la formule que je viens de vous lire se réfere presque totalement avec les sermens qui vous ont été présentés dans cette assemblée et que vous avez rejettés. Il est donc du devoir du district et du département de ne point admettre un serment pareil.

D'un autre côté comme la distribution avoit été faite avec une affectation extraordinaire, comme l'intitulé étoit trèsinsidieux, le département a considéré cette mesure comme une coalition, comme un projet tendant à s'opposer à l'exé→ cution de la loi; et en conséquenceil a arrêté que cet écrit seroit dénoncé à l'accusateur public du district d'Amiens, ponr être procédé comme il appartiendroit.

Mais instruit en même-tems que l'intention des ecclésias→ tiques étoit à défaut de recevoir leur serment, de profiter de l'espece d'équivoque qu'ils y trouvoient, pour cesser à l'instant leurs fonctions, alors le département, a pris d'autres mesures; il a ordonné à la municipalité de placer tels prêtres qu'elle trouveroit capables pour remplir momentanément les fonctions curiales. En conséquence la municipalité a choisi un ecclésiastique pour remplir autant qu'il etoit possible tout ce que les fideles avoient droit d'at tendre. Cette mesure, messieurs, étoit très-bonne à employer au moment où on auroit vu que les prêtres qui desservoient les paroisses auroient cessé leurs fonctions; mais sitôt qu'on auroit apperçu que ces mêmes ecclésias→ tiqnes ne les cessoient pas, la mesure ne devoit plus avoir lieu.

Jusques-là, messieurs, il n'y a rien à reprocher ni au département ni à la municipalité; mais voici l'incident qui amene l'affaire pardevant vous: l'ecclésiastique commis par la municipalité a pensé qu'il avoit des droits plus étendus; il a interprêté à sa maniere le décret du 27 décembre; il a pensé que dès que le fonctionnaire public avoit refusé le serment, il devoit être remplacé d'une maniere définitive, tandis que ce décret porte seulement que, lorsque l'ecclésiastique refuseroit le serment, il seroit sensé avoir renoucé, et qu'il seroit pourvu à son remplacement en la forme précédemment décrétée.

Voilà quelle a été l'erreur.
Tome XX. N°. 34.

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