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auche c'est vrai). Voyez avec quelle ardeur ils égarent les consciences, allarment la piété des simples, effrayent la timidité des foibles, et comme ils s'attachent à faire croire au peuple que la révolution et la religion ne peuvent subsister ensemble. Or le peuple finira par le croire; et balancé dans l'alternative d'être chrétien ou libre, il prendra le parti qui coûtera le moins à son besoin de respirer de ses anciens malheurs; et alors il ne voudra plus reconnoître ni adorer que le Dieu créateur de la nature et de la liberté; et alors tout ce qui lui retracera le Dieu de l'évangile lui sera odieux; il ne pourra plus que sacrifier sur l'autel de la patrie; il ne verra plus ses anciens temples que comme des monumens qui ne sauroient plus servir qu'à attester combien il fut longtems le jouet de l'oppression. Il ne pourra donc plus souffrir que son sang soit appliqué aux dépenses du culte; et voilà comment cette religion étoit destinée à s'anéantir dans le tombeau que lui creuseront ses propres ministres.

Ah! tremblons que cette supputation d'incrédulité ne se fonde sur quelque vraisemblance; ne croiroit-on pas que ceux qui se font une étude de décrier comme attentatoire à la religion le procédé que vos représentans ont suivi dans l'organisation du ministere ecclésiastique, ne croiroit-on pas, dis-je, qu'ils ont eu eux-mêmes ce projet impie, qu'ils prévoient le même dénouement, et qu'ils sont résolus à la perte da christianisme, pourvu qu'ils soient vengés et qu'ils aient épuisé tous les moyens de recouvrer leur puissance et de vous replonger dans la servitude. (Bruits tumultueux à droite. Applaudissemens à gauche. M. l'abbé Maury sort. Plusieurs membres du clergé le suivent).

O vous qui êtes de bonne foi avec le ciel et votre conscience, pasteurs, qui n'avez balancé jusqu'à ce jour à sceller de votre serment la constitution civile du clergé, que par l'appréhension sincere de vous rendre complices de l'usurpation; rappellez-vous ces tems anciens où la foi chrétienne réduite à concentrer toute sa majesté et tous ses trésors dans le silence et les ténebres des cavernes, tressailloit d'une joie si douce et si pure, lorsqu'on venoit annoncer à ses pontifes austeres la suspension du glaive de la persécution, lorsqu'on leur apprenoit la fin d'un regne cruel l'avènement d'un prince plus humain et plus sage, lorsqu'ils pouvoient sortir avec moins de frayeur des cavités profondes où ils avoient érigé leurs autels, pour aller consoler et affermir la piété de leurs humbles disciples, lorqu'ils pouvoient laisser sortir de dessous terre quelques étincelles du flambeau divin dont ils gardoient le précieux dépôt.

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Or, supposons qu'un de ces hommes vénérables sortant tout à coup de ces catacombes antiques où sa cendre est confondue avec celle de tant de martyrs, vienne aujourd'hui con templer au milieu de nous la gloire dont la religion s'y voit environnée et qu'il découvre d'un coup d'oeil ces temples, ces tours qui portent si haut dans les airs les éclatans attributs du christianisme, cette croix de l'évangile qui s'élance du sommet de tous les départemens de ce grand empire. Quel spectacle pour les regards de celui qui en descendant au tombeau n'avoit jamais vu la religion que dans les antres des forêts et des déserts! Quel, ravissemens, quels transports !

***

Calmez donc, ah ! calmez-vous, prêtres, ministres du Dieu de paix et de vérité: rougissez de vos exagérations incendiaires, et ne voyez plus notre ouvrage à travers vos passions; nous ne vous demandons pas de jurer contre la loi de votre cœur, mais nous vous demandons (c'est sonuer le tocsin, dit M. de Boisrouvrai); mais nous vous demandons au nom du Dieu saint qui doit nous juger tous, de ne pas confondre des opinions humaines et des traditions scholastiques, avec les regles inviolables et sacrées de l'évangile. S'il est contraire à la morale d'agir contre sa conscience, il ne T'est pas moins de se faire une conscience d'après des prin cipes faux et arbitraires.

L'obligation de faire sa conscience est antérieure à l'obli gation de suivre sa conscience. Les plus grands malheurs pu blics ont été causés par des hommes qui ont eru obéir à Dieu ét sauver leurs ames. (On interrompt).

Et vous, adorateurs del a religion et de la patrie, François, peuple simple, fidèle et généreux, mais fier et réconnoissant, voulez-vou sapprécier les grands changemens qui viennent de régénérer ce vaste empire contemplez le con traste de votre état passé et de votre situation à venir.

Qu'étoit la France, il y a peu de mois ! Les sages y invoquoient la liberté, et la liberté étoit sourde à la voix des sages! Les chrétiens éclairés y demandoient où s'étoit réfugiée la religion de leurs pères; et la vraie religion de l'évangile ne se retrouvoit nulle part, ( Murmures à droite; applaudissemens à gauche)! Nous étions une nation sans patrie, un peuple sans gouvernement, une église sans caractère et sans régime.

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M. Camus: On ne peut pas entendre cela. Je demande l'ajournement, le renvoi au comité ecclésiastique, et la levée de la séance. Il y a là-dedans des abominations. (Grands murmures; tout le côté droit se leve, et un petit nombre de membres du côté gauche). Cette motion est adoptée.

ASSEMBLÉE NATIONALE

PERMANENTE,

ου

JOURNAL LOGOGRAPHIQUE.

(La lacune qui se trouve entre les pages 72 et 89 sera rem plie par l'instruction sur la contribution mobiliere).

Je reviens sur la séance d'hier comme je l'ai promis. Lecture faite du procès-verbal, M. Bouche demande quand enfin le procès-verbal in-4°. sera envoyé aux membres de l'assemblée. Il y a un siecle qu'on nous le promet : qu'on donne des ordres à l'imprimeur pour qu'il le délivre sur le champ. Par amendement on décrete qu'il sera accordé encore 15 jours à l'imprimeur. M. Camus annonce la vente de quelques biens nationaux, et l'on lit la liste des décrets acceptés et sanctionnés par le roi.

M. Beaumetz: Votre comité des pensions à renvoyé à celui des finances une affaire dont tout nous fait une loi de vous entretenir sans délai. Il est beau d'avoir à vous remettre sous les yeux un nouvel exemple de cette prédilection avec laquelle les hommes d'un mérite rare sont accoutumés à choisir la France pour leur patrie adoptive, et à considérer la capitale de ce bel empire comme la métropole de l'univers savant; mais la France, déja si bien traitée par la nature', offrira désormais au génie l'attrait le plus digne de lui; la liberté et l'estime inappréciable d'un peuple qui a secoué tous les préjugés, comme il a rompu toutes les servitudes. C'est de M. Delagrange que ncus avons à vous entretenir et à vous parler d'un traité entre lui et le gouvernement. Le nom de cet incomparable géomettre est au-dessus de tout éloge. M. Delagrange, né à Turin d'une famille françoise d'origine, fut attiré à Berlin par Frédéric II; il y jouissoit d'un traitement de Sooo liv. Après la mort du roi de Prusse, l'impératrice de Russie st le roi de Naples firent à M. Delagrange les offres les plus avantageuses pour le fixer dans leurs états. Il préféra le séjour de la France, et laissa pressentir ses intentions à notre ambassadeur. Le roi, instruit par son ministre des dispositions de l'illustre géometre, lui fit offrir Tome XX No. 7.

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an traitement annuel de 6000 1., que M. Delagrange accepta A son arrivée, le roi lui fit remettre une somme de 4000 1. pour les frais de son déplacement; et le philosophe, non moins sensible à cette attention qu'il n'avoit sollicitée, que modéré dans ses desirs, répondit à l'ami qui lui apportoit l'ordonnance: Voilà qui est bien, mais il ne faut plus qu'on parle de moi. Votre comité des pensions a trouvé le mémoire de M. Delagrange parmi la foule de ceux qui lui ont été remis; mais il a distingué aussi-tôt, non-seulement le nom du pétitionnaire, mais encore la nature de l'engagement pris par l'état.. Il a regardé la pension de M. Delagrange comme un traitement donné à un savant pour des travaux actuels utiles à l'état, et il a pensé que, d'après l'article II du décret du 14 août dernier, c'étoit à votre comité des finances de vous faire le rapport de ceste affaire. Votre comité des finances a pensé qu'on ne pouvoit pas même confondre le traité fait avec M. Delagrange avec les simples graces pécuniaires accordées aux gens de lettres: celles-ci ne sont que des encouragemens accordés au génie et au talent pour les services qu'ils rendent à l'état, ou des récompenses des services qu'ils lui ont rendus. M. Delagrange, au contraire, est en droit de réclamer l'exécution d'un contrat synallagmatique, par lequel il reçoit, de la part de la nation, un traitement annuel de 6000 liv., et de la sienne, il est venu s'établir en France, renonçant au séjour de Berlin, aux avantages dont il y jouissoit, et à ceux que plusieurs couronnes se disputoient l'honneur de lui offrir. Aucun traité ne nous a paru plus sacré que celui-ci; aucun ne peut-être plus avantageux à la France, puisqu'en échange de ses dons, elle reçoit des lumieres, le plus grand bonheur qu'un homme puisse faire à ses semblables. Nous vous proposons le

décret suivant.

Il a été adopté en ces termes :

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DECRET.

L'assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances, décrete que Joseph-Louis Delagrange continuera de jouir, sa vie durant, d'un traitement annuel de six mille livres a lui accordé par le brevet en date du 20 juillet 1787 :charge son comité des finances de comprendre cette somme dans l'état des dépenses publiques. >>

M. le Brun, au nom du comité des finances: Il s'éleve quelques difficultés sur la signature des contrats de contribution. Je demande que la municipalité de Paris soit provisoirement autorisée à les signer.

L'assemblée nationale décrete conformément aux vues de M. le Brun.

M. Hurault: Messieurs, si vous avez la douleur de voir plu sieurs ecclésiastiques fonctionnaires publics se refuser ou montrer peu de zele å se soumettre à la loi du serment civique, vous avez d'une autre part lieu de vous féliciter sur l'empressement d'un graud nombre à obéir à votre décret; voici un procès-verbal qui nous a été adressé par la municipalité de Sezanne, département de la Marne, pour le communiquer à l'assemblée; elle y reconnoîtra l'empressement le plus patriotique du clergé de cette ville à se soumettte à ses décrets, notamment à celui du serment civique. Le procès-verbal annonce que dimanche dernier, 21 ecclésiastiques, M. le curẻ et ses vicaires à leur tête ont prêté le serment, M. Meslet curé, M. Seraine l'un des vicaires, M. Vitu principal du college, M. Moutier, fils de mon collegue chapelain de SaintNicolas l'ont fait précéder d'un discours analogue à la circonstance, où respiroient également la religion et le patriotisme. Avec eux étoient des chanoines et chapelains de SaintNicolas, des prêtres habitués, des religieux bernadins, bénédictins et autres. Je demande qu'en témoignage de satisfaction de cette nouvelle preuve de soumission, de zele et de patriotisme dont la ville de Sezanne donne l'exemple, l'assemblée ordonne qu'il en soit fait mention dans le procès-verbal. La motion est adoptée.

L'ordre du jour amene la discussion sur l'organisation de la marine.

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M. d'Albert: La France est la seule puissance à qui on ait osé proposer cette amalgame du service militaire et du commerce. Nos voisins qui s'y connoissent, ne l'ont point admise. Il est évident que les armateurs enleveront à la marine militaire les meilleurs marines, car l'intérêt est presque toujours le premier mobile des hommes. Par la même raison je ne voudrois admettre qu'une seule classe d'aspirans admissibles au concours.

Au reste, le plan d'organisation proposé par votre comité, doit être médité de nouveau. Ceux qui composent aujourd'hui ce comité, n'ont que des connoissances très-superficielles dans cette partie. Les gens du métier qui y avoient été admis; se sont retirés. On auroit dû, dans le comité de la marine, suivre les procédés du comité militaire. On y a appellé 70 officiers, lorsqu'il a été question de l'organisation de l'armée. Je crois devoir réclamer de la justice de l'assemblée, qu'elle ordonne à son comité de la marine d'appeller des hommes du métier pour les consulter, afin que matiere mieux murie et plus approfondie dans le comité, il

la

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