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On se rappelle avec quel enthousiasme se répétoient alors les expériences aérostatiques de Charles et de Montgolfier. Des physiciens ayant élevé un ballon au Champ de Mars, en présence des élèves de l'Ecole Militaire, un jeune homme sollicita vivement la permission d'y monter, et n'ayant pu l'obtenir, se jeta avec colère sur le ballon et le perça de son épée. On a fait honneur de ce trait d'impatience et d'audace à Napoléon ; il ne lui appartient pas le coupable se nommoit Dupont ; il est mort, il y a trois ans, des fatigues de l'émigration, et dans un état voisin de l'aliénation mentale.

Outre son goût pour la solitude et les mathématiques, Napoléon professoit une admiration particulière pour l'histoire ancienne; il s'étudioit à imiter les manières, les actions et jusqu'au langage des hommes les plus célèbres de l'antiquité Il faisoit de Plutarque sa lecture favorite, il en portoit toujours un volume avec lui; il aimoit surtout les Spartiates, et affectoit de s'exprimer comme eux en phrases courtes et sentencieuses. Son amour pour les sciences exactes avoit nui à ses progrès dans les lettres. Il n'eut jamais qu'une connoissance très - imparfaite des langues anciennes parloit même assez mal la langue française; s'il écrivoit, son style étoit brusque, dénué de

et

grâce et d'harmonie. C'étoit un très-mauvais rhétoricien.

Mais il ne faut pas être rhétoricien pour commander un exercice à feu, l'éloquence du canon est plus persuasive que toutes les figures du langage. En 1781, Napoléon se présenta au concours pour l'arme de l'artillerie; et, sur trente-six concurrens, il obtint la douzième place.

En conséquence, il fut nommé sous-lientenant au service de France, et entra dans le régiment de la Fère. Un des professeurs de l'école militaire, M. l'Éguile, chargé de rédiger des notes sur chaque élève, avoit écrit à côté du nom de Buonaparte Corse de nation et de caractère ; il ira loin, si-les circonstances le favorisent. Les circonstances ne l'ont que trop favoriz sé (1).

(1) On a cité dans un recueil allemand, intitulé Annales de l'Europe, un certificat qui lui fut, dit-on", donné en sortant de Brienne. Ce certificat porte:

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« M. Buonaparte (Napoléon), né le 15 août 1769, » taille de quatre pieds dix pouces dix lignes, a fini sa quatrième année. A bonne constitution, santé excellente, caractère soumis, honnête et reconnoissant, toujours distingué par son application aux mathématiques. Il sait très-passablement son histoire et sa géographie; il est assez foible dans tous les exercices d'agré

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Ce fut peu de temps après qu'éclata la révolution. Buonaparte, né au milieu des combats soutenus par sa patrie pour la cause de la liberté, sembloit, par son caractère, ses habitudes et ses goûts, fait pour les circonstances où il se trouvoit.

On a su qu'à cette époque, il délibéra avec luimême, sur le parti qu'il avoit à prendre : la réconnoissance et l'honneur lui faisoient une loi de s'attacher à la cause du roi; l'ambition lui donna d'autres conseils. Si j'avois été général, » a-t-il dit depuis à ses amis, j'aurois em» brassé le parti de la cour; sous-lieutenant » j'ai dû embrasser celui de la révolution ».

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C'est-à-dire que, général, il auroit voulu défendre ce qu'il possédoit; sous-lieutenant, il voulut acquérir ce qu'il ne possédoit pas. C'est un trait digne de remarque dans la vie de Buonaparte, que jamais les impulsions du cœur

»ment et pour le latin, où il n'a fait que sa quatrième 3 classe sera un excellent marin».

Il est évident que cette note a été faite après coup. La date de la naissance est fausse; les éloges qu'on lui donne contrastent ridiculement avec son caractère; il est probable qu'il demanda ce certificat à l'un de ses anciens professeurs, à l'époque où il s'occupoit du projet de descendre en Angleterre ; il étoit alors nécessaire qu'il se donnât pour un marin.

et les principes du devoir ne furent pour rien dans ses déterminations, et qu'il se conduisit constamment par cette maxime, qu'il ne craignit pas de professer publiquement : Un homme d'état doit avoir son cœur dans sa tête.

En 1789, le général Paoli avoit été rappelé par un décret de l'assemblée constituante. Il vint en France et fut reçu, avec enthousiasme, par les patriotes qui lui décernèrent une couronne civique. Il embrassa tendrement le fils de cet ancien ami qui avoit combattu avec lui à San-Fiorenzo, en 1768. Ils s'embarquèrent ensemble pour la Corse: Paoli, plein de sentimens généreux pour sa patrie; Buonaparte, plein d'espoir de faire servir les événemens à l'ambition qui le dévoroit.

Paoli, avant de partir de Paris, avoit été présenté à Louis xvi par le marquis de la Fayette; il s'étoit rendu à la barre de l'assemblée nationale pour la remercier du décret qui le rendoit à sa patrie. Sa présence avoit singulièrement exalté les patriotes. Le club de 1789 voulut lui donner une fête; on y comptoit les grands acteurs politiques de cette époque, M. l'abbé Sieyes, M. Bailly, M. de la Fayette, etc. Le nombre des convives étoit de soixantedix-huit, le banquet fut splendide. On y chanta des couplets patriotiques de la compo

sition d'un de nos plus célèbres chansonniers. Après le festin et les chansons, le peuple qui entouroit la maison, sans songer à dîner, voulut voir Paoli, et le plaisir de le voir tint lieu de festin à ses admirateurs.

Il étoit impossible que Paoli, exalté par les idées patriotiques, ne cherchat point à les établir dans son ile. Sa présence donna de vives alarmes à ceux qui prévoyoient déjà l'excès des tourmentes révolutionnaires. Il rapportoit avec lui des idées très-favorables au gouvernement britannique, il vantoit beaucoup la constitution anglaise; on l'accusa de vouloir l'établir dans la Corse, et livrer l'ile à l'Angleterre. Il fut défendu vivement à l'assemblée nationale par les députés Salicetti et Butta-Fuoco. Mais bientôt, ses idées de liberté s'exaltant avec les travaux de l'assemblée constituante, sa présence devint une occasion de trouble pour sa patrie. L'île étoit partagée, comme la France, en aristocrates et en démocrates; et comme les démocrates sont toujours les plus entreprenans et les plus nombreux, les aristocrates avoient beaucoup à souffrir. On renouveloit à leur égard toutes les violences que l'on commettoit sur le continent. Napoléon Buonaparte se signaloit parmi les plus ardens démagogues. On poursuivoit les nobles, les prêtres,

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