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rique des campagnes de Napoléon en 1796 et 1797. Son portrait y est tracé sous le nom du consul Flaminius, devenu célèbre dans l'histoire romaine par sa cruauté et les dilapidations qu'il exerça dans la Grèce. L'auteur le considère comme homme de guerre et comme

homme d'état.

«Comme homme de guerre, dit-il, Flaminius étoit intrépide dans les combats, capable de soutenir des fatigues et des travaux qui semblent au-dessus de la nature humaine. Habile à tout prévoir même au sein des combats; sachant, du milieu des désastres, se créer des ressources imprévues, et s'élever audessus des infidélités de la fortune; concertant ses projets avec justesse, portant dans ses vues une rare perspicacité; d'un génie surprenant, soit pour saisir l'occasion favorable à ses desseins, soit pour pénétrer ceux de ses ennemis; cachant sa pensée avec artifice, plus artificieux quand il sembloit la découvrir; d'une fécondité inépuisable en expédiens; toujours disposé à tenter les entreprises les plus difficiles, quelquefois même l'impossible; ne laissant rien au hasard de ce qui pouvoit être dirigé par la prudence; prêt à tout hasarder quand la prudence lui sembloit inutile; cachant ses projets les plus importans sous le calme le plus serein; emporté quelquefois comme par une fièvre ardente vers

les tentatives les plus extraordinaires. Tel étoit Flaminius dans les camps et à la tête de ses armées.

>> Comme homme d'état, c'étoit un être d'une adresse, d'une profondeur d'astuce, d'une impénétrabilité merveilleuse; sans foi, sans religion, sans morale, sans principes, mais habile à se couvrir du manteau de ces vertus, quand elles pouvoient servir à ses desseins; dur par caractère, emporté, colère, mais maître de lui, capable de se composer, également propre à prendre les traits farouches d'un tyran, • et la douceur, la souplesse, la complaisance d'un flatteur; habile à reconnoître le moment de faire le bien, sans avoir dans le cœur les dispositions de le vouloir; laconique et grave dans son langage; impénétrable dans ses discours comme dans sa conduite; constamment assailli, constamment dominé par une suite rapide de vues, de désirs, de projets, tous tendans à l'accroissement de son pouvoir; prêt à sacrifier à ses intérêts l'amitié, la reconnoissance et jusqu'à la réputation de ses amis; employant la calomnie à trahir l'un, à supplanter l'autre, à discréditer celui-ci, à perdre celui-là, à écarter par tous les moyens possibles (1) tout ce qui pouvoit porter obstacle à

(1) M. Adams s'explique encore plus franchement que

son ambition; non moins adroit à parler aux hommes un langage conforme à leurs pensées, qu'à dissimuler ses propres sentimens ; sachant descendre dans toutes les profondeurs du cœur humain, et toucher les cordes les plus utiles à ses intérêts; ambitieux comme Alexandre, avare comme Pygmalion, perfide comme Lisandre, trompeur comme Pisistrate : voilà quel étoit Flaminius, voilà le libérateur des nations.

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Après avoir établi par les armes sa puissance ⚫ dans la Grèce, il entreprit de lui donner des lois, et, sans consulter ni les mœurs, ni les usages, ni les convenances des lieux, il imposa aux vaincus le code des lois romaines. Mais, pour assurer davantage sa conquête, il se réserva le choix des magistrats et des représentans du peuple. Alors, on vit sortir du chaos de la corruption tout ce que la société cachoit de plus vil et de plus corrompu. Les tribunaux, les conseils, les administrations en furent infestés. Pour se maintenir sur le théâtre où ils venoient d'être appelés, ces misérables, rebut de l'humanité, cherchèrent des appuis dans la plus vile populace, flattèrent les passions les

l'auteur italien: prêt, dit-il, à employer le fer ou le poison pour écarter tout ce qui pourroit porter obstacle à son ambition.

plus grossières, exaltèrent ses espérances, irritèrent ses ressentimens, et livrèrent leur patric à tous les désastres de la licence, de l'insubordination, à tous les excès qu'on peut attendre d'une multitude sans principes et sans lois.

» Cependant, afin de conserver encore quelque apparence de respect pour les mœurs et la vertu, Flaminius plaça, à côté de cette tourbe impie, des hommes d'une réputation intacte et d'une probité généralement reconnue. Association monstrueuse qui rappeloit le supplice de Mézence. En vain ces hommes de bien s'efforcèrent-ils d'inspirer quelque sagesse et quelque humanité à leurs indignes collègues, ils se virent bientôt forcés de condescendre à toutes leurs volontés.

» Dès-lors les orages de toutes les passions se grossissent et se déchaînent sur les malheureuses provinces de la Grèce. Plus de constitution, plus de lois; celle même des douze tables ne fut plus regardée que comme une simple théorie, qui n'étoit point encore applicable aux vaincus. Chaque jour vit naître une multitude de décisions arbitraires qu'on intituloit fastueusement: libres émanations de la volonté nationale. Dans cette effroyable confusion d'idées, le code des lois se réduisit à une informe mosaïque d'emprisonnemens, d'exils,

de confiscations, de proscriptions: l'art de gouverner ne fut plus que celui de détruire.

» Une multitude d'hommes ardens, de têtes volcanisées, se réunirent et formèrent des clubs de sophistes démagogues. Des orateurs ambulans se répandirent dans les places, dans les campagnes, dogmatisant avec emphase; semant leurs maximes anarchiques avec une jactance audacieuse; dénaturant et la langue et les idées; traitant de fanatiques, de royalistes, d'aristocrates, tous ceux qui conservoient encore quelque respect pour les lois, la morale et les souverains.

» Bientôt l'heure des martyrs arriva. Pour établir leur règne impie, les anarchistes avoient besoin de conspirations. Ils en inventèrent. On chercha les coupables dans les temples, au pied des autels, dans les palais; on pénétra la nuit dans l'asile inviolable du citoyen; l'époux fut arraché du lit de son épouse, le père des bras de ses enfans.

>> Ni la vieillesse, ni la vertu, ni la beauté, ni les larmes, rien ne put toucher ces tyrans impitoyables. Au milieu de ces désastres, Flaminius poursuivoit le cours de ses conquêtes et de ses rapines. Ses troupes occupoient toutes les provinces de la malheureuse Grèce. Il avoit établi dans chaque ville un préfet qui commandoit en souverain; les magistrats municipaux

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