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de la terreur. Des symptômes d'insurrection se manifestèrent dans une grande partie des provinces méridionales, et peu s'en fallut qu'on ne vît renaître cette guerre civile, dont les fureurs avoient ensanglanté la France quatre ans auparavant. Le directoire, effrayé de ces mouvemens, eut encore recours aux généraux de l'armée d'Italie. Il conféra le commandement des départemens méridionaux à Buonaparte, et donna ordre au général Bernadote de se rendre à Marseille. Napoléon étoit encore trop occupé pour pouvoir quitter l'Italie; mais il adressa aux soldats et aux habitans du midi une de ces proclamations menaçantes qu'il avoit coutume de répandre pour effrayer les peuples.

<< Soldats et citoyens, disoit-il, le directoire >> vous a mis sous mon commandement mili»taire. Cette tâche, pénible pour moi, sera » utile à votre tranquillité. Des hommes en>> nemis de la liberté cherchent en vain à >> vous égarer. Patriotes, républicains, rentrez >> dans vos foyers. Malheur à la commune qui >> ne vous protégera pas ! malheur aux corps >> constitués qui couvriroient de l'indulgence le » crime et l'assassinat !

» Généraux, officiers, soldats, protégez >> les républicains. Ne souffrez pas que les hom» mes couverts de crimes, qui ont livré Tou»lon aux Anglais, qui nous ont obligés à un

» siége long et pénible, qui ont dans un seul » jour incendié treize vaisseaux de guerre, ren>> trent et nous fassent la loi.

>> Administrateurs municipaux, juges de paix, >> nous serons vos bras, si vous êtes à la cons>>titution et à la liberté; nous serons vos enne>> mis, si vous n'êtes que les agens de Louis XVII » et de la cruelle réaction que soutient l'or de >> l'étranger ».

Il publia ensuite une adresse à l'armée d'Italie, pour l'instruire des événemens du 18 fructidor. Il félicitoit le directoire de son courage et de son triomphe, s'applaudissoit du châtiment des proscrits, et déclaroit qu'il s'honoreroit éternellement de la haine des traîtres, des tyrans et des esclaves.

L'armée répondit aux sentimens de son général, et s'empressa de les exprimer dans des adresses semblables, qu'on afficha avec ostentation dans toutes les communes de la république.

Ainsi fut terminée cette journée désastreuse que le directoire ne rougit pas d'appeler jour de justice et de clémence, pour laquelle on décréta une fête annuelle, que de lâches poëtes n'eurent pas honte de célébrer par des hymnes (1),

(1) En Hollande, la journée du 18 fructidor fut célébrée par des illuminations et des bals: M. N., ministre de France, en donna l'exemple.

et qui replongea la France dans toutes les calamités dont elle sortoit à peine, détruisit sou commerce, anéantit son crédit, prépara la banqueroute de l'état, enfanta la conscription et ralluma les feux mal éteints d'une guerre universelle.

A Cadix, on pavoisa les vaisseaux français qui étoient dans le port.

M. Tr...é disoit dans une ode au directoire :

« La royauté ! parole impie !
Quoi! nous reprendrions des fers!
Nous, l'exemple de l'univers !
Nous, l'effroi de la tyrannie!
Un traître a voulu des cordons !
Et nous aurions perdu nos braves!
Et les Héros seroient esclaves! etc.

Le général A. avoit donné, à Chaillot, un déjeuner splendide, où se trouvoient Rossignol, et quelques autres hommes de cette trempe; on y agita si l'on tueroit, ou si l'on se contenteroit d'arrêter les députés. On devoit, en cas de besoin, brûler la cervelle au général Pichegru.

CHAPITRE XXL

Négociations avec l'Angleterre ; réunion des plénipotentiaires à Lille; rupture des conférences; Buonaparte est désigné pour le commandement de l'armée d'Angleterre.

QUOIQUE le

sang eût cessé de couler en Italie, la paix n'étoit point encore décidément conclue avec l'Autriche. Le directoire reculoit sans cesse le moment heureux qui devoit opérer la réconciliation des deux peuples. Buonaparte, indigné de ces délais, impatient d'avancer le cours de ses destinées, se montroit aussi pressé de conclure, que le directoire sembloit disposé à différer (1). Ainsi, quels que fussent

(1) Voici ce qu'on lisoit textuellement dans le Moniteur, au sujet du traité de Léoben :

"

Souvent une fausse politique a été plus funeste que >> dix victoires n'ont été utiles. On se demande avec dou»leur, que signifie la cession de la Belgique ? N'étoit-elle » pas française avant que Buonaparte partît de Gènes? » Et que nous donne-t-on pour rendre les trois quarts de » l'Autriche ? Que veut dire l'établissement d'une république lombarde? N'existe-t-elle pas des long-temps? Pourquoi ne nous dit-on pas ses limites? Pourquoi nous

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les efforts du gouvernement, la paix devoit bientôt ramener en France une armée entreprenante et victorieuse, commandée par un général ambitieux et accoutumé à se faire obéir. L'Angleterre seule pouvoit encore occuper l'ardeur de nos soldats; depuis long-temps on l'entretenoit de l'idée d'une entreprise hardie qui mettroit le comble à sa gloire et à sa fortune, en arrachant à la Grande-Bretagne le sceptre des mers. L'armée prête à braver toutes les résistances, accoutumée à triompher de tous les obstacles, ne voyoit plus qu'avec impatience l'intervalle qui la séparoit de son ennemi. L'Irlande soulevée attendoit les Français. M. Pitt voyoit avec inquiétude l'orage se former dans le lointain, et, quoique capable de faire tête à tous les dangers, craignait néanmoins d'ex

» parle-t-on de celles de la France dans les endroits où le » roi de Bohème ne possède rien? Auroit-il conservé la prétention de stipuler pour d'autres que pour lui? Au>> rions - nous abandonné la sage maxime de ne faire » que des paix particulières ? La profonde sagacité de

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Buonaparte l'a-t-elle abandonné dans un moment si » décisif ? Sa position étoit-elle plus brillante que solide ? » A-t-il éprouvé quelque revers que nous ignorons ? L'esprit s'égare dans toutes ces questions ».

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(Moniteur, an 6, no. 24. J

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