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» que nous chérissons tous. Nous nous livrons » avec confiance à l'espoir que notre arrivée » sera pour vous un nouveau titre aux géné>> reux secours que vous avez déjà reçus de LL. >> MM. impériale et britannique.

>> Notre présence contribuera, sans doute, » autant que votre secours, à hâter la fin des » malheurs de la France, en montrant à nos sujets égarés, encore armés contre nous, la » différence de leur sort, sous les hommes qui >> les gouvernent, avec celui dont jouissent » des enfans qui entourent un bon père ».

Si Buonaparte eût eu plus de grandeur d'âme, le malheur de Louis xvIII eût été pour lui un objet de respect. C'étoit le frère de son bienfaiteur, c'étoit le descendant de plus de trente rois, l'héritier du sceptre de saint Louis, de Louis XII, de Henri iv, de Louis-le-Grand; il n'avoit jamais été connu que par la bonté de son cœur, l'étendue de ses connoissances, et l'élévation de son esprit; les infortunes de sa famille et les siennes le vendoient sacré. Mais le cœur de Buonaparte étoit incapable de s'ouvrir à ces nobles sentimens ; la victoire n'adoucit point son âme cruelle, il écrivit au directoire :

« J'arrive à Vérone pour en partir demain. >> Cette ville est grande et belle. J'y laisse une » bonne garnison pour me tenir maître des >> trois ponts qui sont ici sur l'Adige.

» Je n'ai pas caché aux habitans que si le roi » de France n'eût évacué leur ville avant mon >> passage du Pô, j'aurois mis le feu à une ville >> assez audacieuse pour se croire la capitale » de l'empire français.

» Les émigrés fuient de l'Italie, plus de >> quinze cents sont partis cinq jours avant no>>tre arrivée. Ils courent en Allemagne, por»ter leurs remords et leur misère.

» Je viens de voir l'amphithéâtre. Ce reste » du peuple romain est digne de lui. Je n'ai » pu m'empêcher de me trouver humilié de la >> mesquinerie de notre Champ-de-Mars. Ici » cent mille spectateurs sont assis, et enten>> droient facilement l'orateur qui leur parle» roit (1) ».

Le passage du Mincio, la retraite des Autrichiens, rendoient Buonaparte maître de l'Italie. Mantoue et la forteresse de Milan restoient seules à conquérir. Mais l'une de ces places ne pouvoit manquer de céder bientôt ; l'autre pouvoit braver long-temps tous les efforts de l'armée française.

(1) Buonaparte exagère dans cette occasion comme en beaucoup d'autres : l'amphithéâtre de Vérone ne contient que vingt-deux mille persounes.

CHAPITRE IX.

Siége de Mantoue; entrée des Français à Bologne, Ferrare, Urbin et Livourne.

TANDIS que

ANDIS que la présence du roi de France à l'armée des princes excitoit un enthousiasme général, et relevoit toutes les espérances des légions émigrées (1), Venise, effrayée de l'ap

(1) Malheureusement ces espérances né furent pas de longue durée. Le roi, arrivé à l'armée de Condé, prit l'uniforme, et reçut les hommages des différens corps ; il fit ensuite la revue des cantonnemens, et se porta jusque sur les rives du Rhin pour visiter les postes avancés. Beaucoup de soldats républicains s'avancèrent sur la rive opposée, sans armes, mais ayant derrière eux un piquet rangé en bataille et armé.

«Est-il vrai, demandoient-ils, que le roi soit arrivé? >> nous voudrions bien le voir ». Le roi fit mettre pied à » terre aux officiers qui l'accompagnoient, et resta seul à cheval, à portée de recevoir des hommages ou des insultes.

Le duc d'Enghien, qui commandoit l'avant-garde, fit observer au roi que la discipline ne permettoit pas de parler aux troupes de l'autre rive : Le mouvement de » mon cœur est plus fort que vos règlemens, reprit le » roi. Vous me mettrez aux arrêts demain; mais il faut

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proche des Français, était livrée à la plus vive agitation.

Elle s'étoit montrée fière et indépendante tant que le directoire français ne lui avoit inspiré aucun sujet d'alarme; elle avoit même déployé d'abord une sorte de grandeur et de dignité envers Louis xvIII. Le ministre des relations extérieures de France ayant témoigné au noble Quirini, ambassadeur vénitien, le déplaisir qu'éprouvoit la république française de voir le Prétendant séjourner à Vérone, le

que je leur parle aujourd'hui ». Puis s'adressant aux soldats d'une voix aussi forte que l'exigeoit la distance:

« Vous êtes curieux de voir le roi; eh bien! c'est moi » qui suis le vôtre, ou plutôt votre père. Oui, vous êtes » tous mes enfans. Je ne suis venu que pour mettre un » terme aux malheurs de notre patrie commune; ceux qui vous disent le contraire vous trompent; vos frères qui m'entourent partagent le bonheur que j'ai d'être avec eux et de me rapprocher de vous ».

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Les soldats républicains écoutèrent en silence; on voyoit qu'ils étoient émus. En ce moment, une voix de l'armée de Condé leur cria : « Puisque vous êtes bien aises » de le voir, criez vive le roi ». « Non, repartit le

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prince, ne dites rien, vous pourriez vous compromettre ». Et S. M. se retira. Quelques jours après, elle reçut de l'empereur d'Autriche l'invitation de quitter l'ar

mée.

sénat avoit répondu que la république vénitienne ne refusoit jamais l'hospitalité à personne; que l'ancien comité de salut public lui-même ne s'étoit point offensé de ce séjour, et qu'elle avoit lieu de croire que le directoire ne le céderoit pas en procédés au comité de salut public. Cette réponse avoit paru satisfaire. Mais lorsque Buonaparte eut franchi les rives du Pô, et que la terreur eut remplacé cette noble fierté qu'inspire la conscience d'une bonne action, le sénat perdit tout à coup cette contenance assurée, et ne songea plus qu'à prévenir par la soumission et la déférence les dangers dont il étoit menacé.

La prise de Vérone parut, un instant, lui rendre quelque énergie. M. Foscarini, provéditeur général, qui avoit eu la foiblesse d'y laisser entrer les Français, fut puni de destitution, et envoyé, comme simple représentant, à Bergame. On l'accusoit d'avoir d'abord indisposé les Français par sa hauteur, et compromis ensuite les intérêts de son pays par sa pusillanimité; qualités qui ne se rencontrent que trop souvent chez le même individu. Dans le premier moment d'indignation, le sénat donna ordre à M. Quirini, son ambassadeur à Paris, de demander satisfaction de cet outrage et de se retirer en cas de refus.

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