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précédemment dans notre prospectus, que pour distraire nos lecteurs des images funestes dont cet ouvrage ne sera que trop rempli, et tempérer le bien le mal; nous essaierons de tracer l'histoire des princes de la maison de Bourbon pendant leur long exil, et depuis les funestes catastrophes qui les ont forcés d'abandonner la terre de leurs augustes aïeux.

par

MÉMOIRES

POUR SERVIR

A L'HISTOIRE DE FRANCE,

Pendant le Gouvernement de NAPOLÉON BUONAPARTE, et l'absence de la MAISON DE Bourbon.

CHAPITRE PREMIER.

De la Corse.

LA Corse est une île de la Méditerranée, située entre les quarante-unième et cinquante-cinquième degrés de latitude septentrionale, le vingt-sixième et le vingt-septième degrés de longitude. Elle a, au nord, le golfe de Gênes; au midi, la Sardaigne, dont elle n'est séparée que par un détroit de trois lieues, parsemé d'îles et de rochers. La mer de Toscane la baigne à l'est; celle de Provence, à l'ouest. Sa longueur est de trente-huit à trente-neuf de nos lieues ordinaires ; sa largeur, de quinze à seize.

Elle est coupée, dans toute son étendue, par une double chaîne de montagnes, qui se croisent et la séparent naturellement en quatre

parties. Les Grecs la connoissoient sous le nom de Cyrnos. On ignore à quelle époque et pour quoi elle a pris celui de Corsica.

ile

Isidore de Séville prétend, à la vérité, qu'une femme de Ligurie, ayant vu revenir de Corse une vache bien grasse, passa aussitôt dans cette pour y établir ses troupeaux; et comme cette femme s'appeloit Corsa-Bubula, elle ne manqua pas de donner à Cyrnos le nom de Corsica. Mais Isidore de Séville est un conteur d'historiettes, qui ne mérite aucune attention.

Les hautes montagnes et les rochers dont l'ile de Corse est hérissée lui donnent un aspect inculte et sauvage. Cependant l'air y est sain et les eaux salubres; on y trouve des bains d'eaux minérales qui peuvent être très-utiles à la santé. Les vins y sont excellens, et pourroient rivaliser avec les meilleurs d'Italie, si l'on savoit mieux les faire; mais les œuvres de M. Chaptal y sont encore peu connues. La Corse jouit à peu près de la même température que la Provence; à peine y connoît-on les orages. On y trouve des bois d'orangers, de limoniers, de citronniers; l'amandier, le figuier, le palmier, le jujubier, y sont très-communs. La terre y est couverte de buis, de myrtes, de lauriers, de grenadiers, d'arbousiers, dont les fleurs parfument l'air. Les arbres les plus communs en Corse sont la

chêne-vert, le hêtre, et surtout le châtaignier, végétal d'une ressource immense, qui seul suffiroit à la nourriture de tous les habitans. L'olivier de Corse est beaucoup plus gros, plus élevé que celui de Provence ou de Languedoc; mais l'huile n'y est pas aussi parfaite. Les mûriers que l'on y a plantés ont pris un accroissement rapide, et sont devenus une nouvelle source de richesses.

Les bestiaux sont plus petits en Corse que dans le reste de l'Europe, et les vaches y sont rares, faute de pâturage; mais les chèvres y sont très-nombreuses. La laine des moutons est longue, dure et rude comme du poil; tous ont la laine noire; à peine dans les troupeaux les plus considérables trouveroit-on un mouton blanc. On attribue ces effets au séjour qu'ils font sur les montagnes et à la nature des plantes dont ils se nourrissent. Le miel abonde dans l'ile, et l'on y recueille une quantité considérable de cire. Elle a un grand nombre de ports propres à faciliter le commerce ; celui de Porto-Vecchio est le plus vaste et le plus sûr. L'air des vallons et des plaines passe pour malsain; mais il deviendroit facilement salubre, si l'on s'occupoit davantage de l'écoulement des eaux et du dessé chement des marais.

On prétend qu'il n'y a point d'animaux

venimeux. On y trouve néanmoins des scorpions, et une espèce de petite araignée, marquée de diverses couleurs, dont la morsure est fort dangereuse. Son effet est de produire un engourdissement et un froid subit, quelquefois suivi de la mort. Ce fait, attesté par le médecin Frediani, auroit besoin d'être vérifié.

Les loups sont inconnus en Corse; les renards y sont nombreux et entreprenans; le gibier y est très-abondant. Les bois, les rochers, les montagnes, recèlent une quantité prodigieuse de ramiers, de grives et surtout de merles, dont les gastronomes corses font un cas particulier.

Les belles nuits d'été sont en Corse, comme en Italie, éclairées par cette jolie mouche phosphorique qu'on nomme luciola, et dont le vol brillant jette partout une lumière vive, éclatante et mobile. Dix à douze lucioles suffiroient pour tenir lieu de bougies dans un apparte

ment.

On fait monter la population de l'île à trois cent mille habitans. Ses principales villes sont Bastia, Ajaccio, Torte, Calvi, Bonifaccio, San-Fiorenzo. Bastia est la capitale ; mais Ajaccio la surpasse pour la beauté du site, la forme et l'élégance des habitations : c'est la ville que

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