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n'y avoient rien trouvé d'injurieux; qu'il étoit clair que l'auteur avoit voulu dire, qu'autant que le roi de Prusse étoit au-dessus des princes qui font leurs délices des bouffons des nains, autant les hommes de lettres de dessus des nains et des bouf,

sa cour sont au

fons.

et

«M. de la Beaumelle demanda à M. de Maupertuis si le roi étoit irrité contre lui; M. de Maupertuis répondit qu'il ne le croyoit pas ; mais qu'il lui avoit paru que ceux qui table à étoient étoient assez mal à leur aise en voyant l'emportement de M. deVoltaire, qui appuyoit toujours sur ce qu'on les comparoit à des bouffons et à des mains comparaison que le roi, dans le fond pouvoit trouver assez juste. M. de Maupertuis dit encore à M. de la Beaumelle, que s'il craignoit que le roi ne fût prévenu contre lui, il lui conseilloit de lui envoyer son livre comme le seul moyen de le désabuser. M. de la Beau- · melle suivit ce conseil. Il envoya son livre avec une lettre au roi, M. de Voltaire qui en fut informé, prit de si justes mesures, que ni de livre ni la lettre ne parvinrent au roi. » M. de Voltaire ne cessa de tracasser la Beaumelle et chercha à le noircir dans l'esprit du monarque. Le siecle de Louis XIV parut. La Beaumelle dit que c'étoit un livre plein de pauvretés, fautes et d'esprit; il en fit une édition avec des notes critiques que Voltaire n'a jamais pu lui pardonner, Ces deux auteurs n'ont depuis ce temps cessé de faire connoître qu'ils étoient remplis l'un pour l'autre de la plus belle haine. Fréron a été empressé de conserver après la mort même de la Beaumelle, le venin des traits qu'il trempoit depuis long-temps pour les lançen un jour coutre son ennemi.

de

LE DIX-HUITIEME SIECLE

Satyre à M. Fréron, Par M. Gilbert.

L'ardeur de se montrer et non pas de médire
Arma la vérité du vers de la Satyre.

B. Art, P.
C'est vainement, Fréron, qu'en tes sages écrits
Dévouant nos Cotins à de justes mépris,

Tu prétends, du bon goût retarder la ruine;
C'en est fait sur ces bords, où le vice domine,
Plus puissante renaît l'hydre des sots rimeurs,
Er la chute des arts suit la perte des mœurs.

Par l'erreur et l'orgueil nommé philosophie,
Un monstre, chaque jour, croît et se fortifie,
Qui, d'honneurs usurpés, parmi nous revêtu,
Etouffe les talens et détruit la vertu :

C'est en nous dégradant, qu'il brigue nos louanges, Précipité par lui du Ciel dépeuplé d'Anges,

Dieu n'est plus, l'ame expire, et Roi des animaux, L'homme voit ses sujets devenir ses égaux:

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Ce monstre toutefois n'a point un air farouche,
Et le nom des vertus est toujours dans sa bouche.
D'abora, foible pygmée et novateur discret,
Pour mieux braver les loix, caché dans le secret.
Il prêchoit, ignoré, ses maximes fatales :
Bientôt géant nourri d'intrigues, de cabales,
Il osa du public affrontant les regards,

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Marcher sur l'Hélicon, Juge et Dieu de nos Arts;
Fermer à ses rivaux le temple de mémoire
Ouvert aux seuls auteurs, apôtres de sa gloire
Humilier les Rois, et tyran des mortels,
S'asseoir sur les débris du trône et des autels.

Jeune homme, il vous sied bien d'insulter la sagesse Atraquer ses enfans! quelle scélératesse!

Vous croyez donc en Dieu? De quel siecle êtes-vous 3
Du moins de votre honneur si vous êtes jaloux,
Gardez-vous de le dire, et respectez vos maîtres :
Croire en Dieu fut un tort permis à nos ancêtres,
Mais dans notre âge! allons, il faut vous corriger,
Eclairez-vous, jeune homme, au lieu de nous juger:
Pensez: (à vos progrès ce défaut seul s'oppose :)
Si vous saviez penser, vous feriez quelque chose:
Sur-tout point de satyre: oh, c'est un genre affreux!

Qui vous a dit, parlez, Zoïle ténébreux,

Que des mœurs, parmi nous, la perte étoit certaine ;
Que les beaux arts couroient vers leur chûte prochaine?
Par-tout, même en Russie, on vante nos auteurs :
Comme l'humanité regne dans tous les cœurs!
Vous ne lisez donc pas le mercure de France ?

Il cite au moins, par mois, un trait de bienfaisance.
De la philosophie illustre défenseur,

Ainsi, plaignant mon sort, Damis, profond penseur,
Eclaire humainement mon aveugle ignorance;
De nos arts, de nos mœurs gatartit l'excellence:
Et sans, plus de raisons, si je réplique un mot,
Pour prouver que j'ai tort, il me déclare un sot.
Mais de ces sages vains confond ons l'imposture:
De leur regue fameux retraçons la peinture :
Et dussé-je mourir dans mon obscurité,
Du puits, sans m'effrayer, tirons la vérité.
Eh! quel temps fut jamais en vices plus fertile:
Quel siecle d'ignorance, en vertus plus stérile,
Que cet âge nommé siecle de la raison?
L'écrit le plus impie est un fort beau sermon.
Sur l'amour du prochain l'auteur crie avec zele,
Et l'on prêche les mœurs jusques dans la Pucelle:
J'en conviens: mais, ami, nos modestes aïeux
Parloient moins des vertus et les cultivoient mieux :
Quels demi-Dieux enfin nos jours ont-ils vu naître ?
Ces François si vantés, peux-tu les reconnoltre?
Jadis peuple héros, peuple femme en nos jours,
La vertu qu'ils avoient n'est plus qu'en leurs discours.
Suis les pas de nos grands énervés de molesse,
Ils se traînent à peine, en leur vieille jeunesse,
Courbés avec le temps, consumés de langueur,
Enfans efféminés de peres sans vigueur;

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Et cependant, nourris des leçons de nos sages,
Vous les voyez encore, armoureux et volages.
Chercher, la bourse en main, de beautés en beautés,
La mort qui les attend au sein des voluptés:
De leurs biens, prodigués par d'infames caprices,
Enrichir nos Lais dont ils gagnent les vices,
Tandis que l'honnête homme, à leur porte oublié,
N'en peut même obtenir une avare pitié:

Destinés en naissant aux combats, aux alarmes,
Formés dans un serrail au dar métier des armes :
Qu'ils promettent d'exploits tous ces héros futurs !
L'un sait, armé du fouet, conduire dans nos murs
Son char prompt et léger qu'un seul coursier promene;

l'autre, noble histrion, délirer sur la scene:
Sans doute c'est ainsi que Turenne et Villars
S'instruisoient dans la paix aux triomphes de Mars.
La plupart, indigens au milieu des richesses,
Dégradent leur naissance, force de bassesses :
Souvent, à pleines mains, d'Orval seme l'argent :
Par fois, faute de fonds, Monseigneur est marchand :
Et l'élégant Médor, pour éteindre ses dettes,
Met sa jeune tendresse aux gages des coquettes :
D'Orimond, pour suffire aux frais de son amour,
Adjuge au plus offrant les faveurs de la cour;
Que dirai-je d'Arcas? quand sa tête blanchie,
En tremblant, sur son sein se panche appesantie :
Quand son corps, vainement de parfums inondé :
Trahit les maux secrets dont il est obsédé :

Sultan goutteux, Arcas a, dit-on, vingt maîtresses:
C'est l'usage: et pour prix de leurs fausses caresses,
Cent louis qu'il emprunte, à chaque Iris portés,
Chez elle, tous les mois, arrivent, bien comptés :
Mais tout ce peuple, ami, de créanciers antiques,
Qui, le long du chemin répétant leurs suppliques,
Vont toujours voir Arcas qui n'est jamais chez lui, ........
Arcas, pour s'acquitter, leur promet son appui.

Plus de foi, pius d'honneur. L'hymen n'est qu'une mode, Un lien de fortune, un veuvage cominode,

Où, chaque époux brûlé de contraires desirs,

Vit, sous le même nom, libre dans ses plaisirs.
Vois-tu parmi ces grands leurs compagnes hardies
Imiter leurs excès, par eux-mêmes applaudies:
Dans un corps délicat porter un cœur d'airain,
Opposer au mépris un front toujours serein,
Mêlant Forgueil au vice, au faste l'impudence,
Des plus viles Phrynés emprunter la licence.

Assise dans ce cirque où viennent tous les rangs
Souvent bâiller en loge, à des prix différens,
Cloris n'est que parée, et Cloris se croit belle:
En vêtemens légers l'or s'est changé pour elle:
Son front luit, étoilé de mille diamans,

Et mille autres enco e, effrontés ornemens,
Serpentent sur son sein, pendent à ses oreilles:
Les arts, pour l'embellir, ont uni leurs merveilles
Vingt familles enfin couleroient d'heureux jours,
Riches des seuls trésors perdus pour ses atours.
Malgré ce luxe affreux et sa fierté sévere,
Cloris, en le prétend; se montre populaire.

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Oui, déposant l'orgueil de ses douze quartiers,
Madame, en ses amours, déroge volontiers :
Indulgente beauté, Sapho la justifie,
Sapho qui, par bon ton, à la philosophie
Joint tous les goûts divers, tous les amusemens
Rit avec nos penseurs, pense avec ses ama is
Enfant sophiste, au fond coquette pédagogue,
Qui gouverne la mode, son gré met en vogu●
Nos petits vers lâchés par gros in-octavo
Ou ces drames pleureurs qu'on joue incognito,
Protege l'univers, et rompue aux affaires,
Fournit vingt financiers d'importans secrétaires :
Lit tout, et même sait par nos auteurs moraux
Qu'il n'est certainement un Dieu que pour les sots.
Parlerai-je d'Iris? Chacun la prône et l'aime;
C'est un cœur, mais un cœur.... c'est l'humanité même :
Si d'un pied étourdi quelque jeune éventé

Frappe, en courant, son chien qui jappe, épouvanté ;
La voilà qui se meurt de tendresse et d'alarmes :
Un papillon souffrant lui fait verser des larmes,
Il est vrai: mais aussi qu'à la mort condamné
Lally soit, en spectacle, à l'échafaud traîné:
Elle ira, la premiere, à cette horrible fête
Acheter le plaisir de voir tomber sa tête.

Enfin dans les hauts rangs je cherche des vertus :
J'y cherche un cœur honnête et je n'en trouve plus.
J'aurois pu te montrer nos Duchesses fameuses,
Tantôt d'un histrion amantes scandaleuses,
Fieres de ses soupirs obtenus à grand prix,
Elles-mêmes aux railleurs dénonçant leurs maris;
Tantôt, pour égayer leurs courses solitaires,
Imitant noblement ces grâces mercenaires
Qui, par couples nombreux, sur le déclin du jour,
Vont aux lieux fréquentés colporter leur amour:
Contens d'un héritier, dans les jours de leur force,
Les époux, très-amis, vivant dans le divorce:
Vainqueurs des préjugés, les peres bienfaisans
Du serrail de leurs fils eunuques complaisans:
Quelques Marquis, d'ailleurs doués de mœurs austeres
Polygmes galans et vieux célibatairės:
Plusieurs encor, vraiment philosophes parfaits,
En petite gomorre érigeant leurs palais.

Mais la corruption, à son comble portée, Dans le cercle des grands ne s'est point arrêtée : Elle infecte l'empire, et les mêmes travers Regnent également dans tous les rangs divers.

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