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gine de faire accroire à l'enfant, sitôt qu'elle ouvrira les yeux, qu'il n'y a qu'elle, sa mere, et lui Liebman, qui existent sur la terre. Ce plan en effet est mis en exécution: Amélie est élevée dans l'idée qu'il n'y a d'autres créatures semblables à elle que sa mere et son amant, ce qui forme des situations neuves et singulieres. M. d'Arnaud, en écrivain qui connoît parfaitement le cœur humain nous montre Liebman ennuyé de son bonheur, et voulant réveiller son goût en découvrant à un de ses amis cette aventure qu'il tenoit cachée; cet ami, comme cela devoit nécessairement arriver enleve Amélie. Liebman court par-tout, cherchant sa maîtresse; il la trouve enfin, mais expirante; elle lui raconte les divers événemens qui les ont séparés. Liebman, tourmenté par la jalousie, est charmé d'avoir retrouvé Amélie, mais il a le cœur déchiré par des soupçons, et ne veut plus l'épouser. Sa maîtresse meurt, Liebman reconnoît son innocence et la douleur, peu de temps après, le plonge au tombeau. » Cette anecdote est pleine de ce sentiment, et de cette mélancolie si touchante qui caractérise les ouvrages de M. d'Arnaud; cet auteur y fait l'éloge de la nation Allemande, et lui témoigne hautement sa reconnoissance ce qui fait honneur à son cœur ainsi qu'à ses talens. Cet écrivain est d'autant plus estimable qu'en ce moment où dans la littérature même il y a de la fermentation et de l'animosité, il n'est d'aucun parti, d'aucune secte, et ne répond à aucune critique, ou plutôt à nul libelle car c'est le ton à la mode; nos gens de lettres et nos avocats sont en général deux troupes de dogues furieux qui aboient et déchi

rent.

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L'histoire des causes célebres et la collection

des mémoires curieux et singuliers qui ont amusé le public depuis trois ou quatre ans, formeront un ouvrage aussi considérable que ce qu'on avoit jusqu'alors rassemblé en ce genre. Il se prépare

un

nouveau procès qui servira encore d'aliment au goût qui s'accrédite de la lecture de ces sortes de productions. M. D*** mécontent des mœurs d'une épouse tendre, mais dont la tendresse avoit pour objet d'autres hommes que lui, sollicitoit une lettre de cachet pour la faire enfermer dans un couvent. Un beau jour cette femme disparoit; M. D*** persuadé que la crainte du châtiment qu'il lui destinoit l'a engagée à fuir, n'est pas étonné de son absence: il fait des recherches inutiles pour découvrir le lieu de sa retraite. Au bout de quelque temps 1 est assigné en séparation; malheureusement pour lui, il fournissoit assez de motifs pour décider les juges contre lui: d'ailleurs sa femme étoit sans fortune; aucune raison d'intérêt ne balançoit à ses yeux la satisfaction d'être délivré d'une compagne pour laquelle il avoit de l'aversion; il n'oppose qu'une foible résistance, la séparation est prononcée. Sur ces entrefaites il apprend la mort d'un oncle qu'il ne connoissoit pas et qui étoit venu jouir. à Cadix, de gros biens, qu'il avoit amassés dans l'Amérique Espagnole. M. D*** en étoit le seul héritier; retenu à Paris par des occupations importantes desquelles son état dépendoit, il ne peut aller lui-même recueillir cette succession; il remet sa procuration à un négociant de Cadix que lui indique un de nos premiers banquiers. Sa surprise fut extrême lorsqu'il en reçut cette lettre. « Votre procédé, Monsieur, » me paroît étrange, vous me chargez de re» couvremens que vous avez faits vous-même ; > il ne vous reste plus rien à prétendre de la succes

veau

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sion de Monsieur votre oncle; mes services vous étant inutiles, vous ne devez pas les réclamer ». M. D*** confondu, écrit de nouproteste qu'il n'a pas quitté Paris et supplie l'Espagnol de l'aider à pénétrer un mystere inconcevable pour lui. Il demande les plus grands détails de ce qui s'est passé à la mort de son oncle et les éclaircissemens les plus circonstanciés sur ce prétendu lui qui a usurpé la succession. Tel est le résultat des informations et des renseignemens qu'a donnés un vieux valet de chambre du défunt. Le bon Américain sentant sa fin approcher avoit écrit à M. D*** pour lui témoigner son desir de voir et d'embrasser son unique héritier avant de descendre au tombeau. Peu de temps après étoit arrivé à Cadix un homme se disant M. D*** qui sous quelques prétextes d'affaires avoit engagé le mourant à mettre toute sa fortune sous le nom de Madame D*** à qui en effet i avoit tout légué. La succession consistoit principalement en effets mobiliaires, le soi-disant M. D*** s'étoit emparé de tout, et étoit reparti sur le champ. Ces nouvelles furent un coup de foudre pour M. D*** qui découvrit bientôt à Paris que sa femme avoit intercepté la lettre du vieux oncle, qu'habillée en homme et munie des papiers qu'elle avoit su se procurer chez son mari, elle avoit été jouer à Cadix le rôle de M. D*** et s'étoit comme on vient de le dire approprié ainsi la succession. M. D *** veut plaider pour faire casser le testament. Ses moyens sont que l'oncle ne s'est porté à le déshériter que par une indigne supercherie, que le bonhomme croyoit remplir les vues de son héritier en léguant tout à sa femme, et que la volonté du testateur a été constamment de lui laisser tous ses biens.

On voit bien que les lettres de cachet, et les entraves de la censure intimident les littérateurs. Plus de productions, soit ingénieuses soit intéressantes. Nos théâtres ne présentent que des nouveautés qui sont vieilles dès le pre mier jour; il n'y a que les treteaux de l'Ambigu-comique (spectacle forain établi par le Sr. Audinot) où l'on offre avec une critique amere, le tableau de nos filles entretenues. La méchante plaisanterie que je vous ai fait connoître, et qui a couru sous le titre de Liste des curiosités de la foire a été mise en action, et est présentée avec très-peu de retranchemens sur ce théâtre. La demoiselle Duthé a sonné le tocsin contre le témér ire Audinot arrivée à son spectacle, lorsqu'elle sut qu'on jouoit cette piece, elle se retira brusquement, et ses compagnes suivirent son exemple.

ENIGM E.

Mon pere vit dans le carnage,
Ma mere a fait jaser souvent ;
Ma sœur honnête, douce et sage
Vaut mille fois mieux que nous trois,
Et n'a personne sous ses loix.

Je fuis la grandeur, l'opulence,

Je visite peu les palais;

C'est dans les champs que je me plais;

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Je suis colere, un rien m'offense:
Je suis bon, facile, indulgent;
Je suis léger comme le vent,
Et je me pique de constance.
Je suis timide, circonspect:
Hardi, violent, plein d'audace;
Je peste, je gronde, et menace
En parlant toujours de respect.
Je suis gai jusqu'à la folie,
Et souvent des plus grands plaisirs
Je passe à la mélancolie.
Impétueux dans mes desirs,
Quelquefois, suivant l'occurrence;
Je sais m'armer de patience;

A

Je suis aveugle, clair-voyant;
Je ne vois rien; rien ne m'échappe,
J'éclate et parle sans raison:
Je cherche l'ombre, le mystere ;
Je suis un baume salutaire :
Je suis un dangereux poison;
Je suis le pere de la vie :
J'enfante de mortels combats;
J'aime la paix & l'harmonie,
Et je trouble tout ici - bas;
Je suis trompeur, plein d'artifice
Et cependant simple, ingénu
J'inspire l'honneur, la vertu,
Je souffle le crime et le vice;
De tous les biens, de tous les maux
Je suis le bizarre assemblage ;
Je suis pour fir en deux mots
Sans vous amuser davantage
Le sujet de tous vos discours
Et le vrai Phénix de nos jours.

Il vous sera facile de deviner que le mot de cette Enigme est . . . .

l'Amour.

De Versailles, le 27 Juin 1775.

On vient de me communiquer une lettre écrite de Spa, par une personne de la plus grande distinction. Comme elle m'a paru jetter beaucoup de jour sur la situation politique du midi, j'en ai fait un extrait que je vous envoie.

« Vous avez raison, Monsieur, de croire qu'on apprend quelquefois de bonnes choses dans ce pays-ci. Les Anglois qui y fourmillent et dont les correspondances me paroissent assez exactes, viennent d'apprendre que le grand armement de l'Espagne a pour objet la destruction des Ba rbaresques, projettée autrefois par Charles-Quint. On n'a pas pu connoître la destination de cette flotte dont l'Angleterre et le Portugal prenoient beaucoup d'ombrage, qu'en forçant de nuit la porte du bureau des

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