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Ils vont ensemble au travers de la nuit,
Et l'amant tient le fil qui le conduit.
Mais la terreur augmente sur la scene
Et le danger s'accroît. Lise frémit,
C'étoit la porte, et puis c'étoit le pêne,
Puis le plancher et puis enfin le lit.

Qui va, qui vient? eh! l'hôtesse ! eh! l'hôtesse
Redisoit-elle encor en ce moment,
Toujours cédant à sa double foiblesse,
Et s'arrangeant aux bras de son amant.
Mais admirez l'effet du sentiment,
Et du plaisir Voici Lise qui crie;
Ah! si j'osois répéter ces cris-là....
Ces ah! mon cœur ! et puis ces simples ah!
Quand les amours redoublent leur furie,
L'heureux amant qui veut filer plus doux,
Craint à son tour, et dans cette détresse ;
Il lui répete: ch! 1 hôtesse, ch l'hôtesse !
Ah! repond Lise en criant : je m'en f....
Ce mot, Messieurs, contient tant de morale,
Que j'ai passé par-dessus le scandale.

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De Versailles, le 20 Juillet 1775.

M. de St. Paul, chargé des affaires d'Angleterre, a écrit et parlé avec beaucoup de hauteur à M. de Vergennes sur l'envoi des six bataillons que le roi fait passer aux colonies. Ce ministre a répondu sur le même ton. Il est certain que la France ne veut point la guerre; mais les Anglois en voyant beaucoup de troupes en Amérique, on a cru avec raison qu'il étoit prudent de mettre les colonies à l'abri de toute invasion, si nos voisins, après avoir soumis les Américains, vouloient faire usage des forces qu'ils rassemblent dans le nouveau monde.

Tous les arts ne cessent de nous fatiguer de leurs productions pour célébrer le sacre de Louis XVI. Un M. de Serigni a voulu le faire connoître d'une maniere plus imposante en le

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mettant sur la scene et faisant jouer à la co médie Françoise une piece de sa façon, inti tulée, Le couronnement du Thélémaque; mais le roi en a défendu la représentation. Des éloges pendant ma vie sont suspects a-t-il dit, me louera après ma mort, si je l'ai mérité

et cela suffit.

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on

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M. de Giac, maître des requêtes, qui a fait tant de bruit pour avoir épousé Madame la duchesse de Chaulnes a enfin été obligé de se défaire de sa charge de surintendant des finances domaines et affaires de la reine. Il l'a vendu à M. Berthier, maître des requêtes et fils de M. de Sauvigny, intendant de Paris. Peu à peu justice se fait. Le public attend avec impatience celle que rendra la cour des pairs dans le procès du maréchal de Richelieu. Les personnes impartiales croient qu'il peut y avoir des billets faux, mais qu'ils ne le sont pas tous, et que quand même le vieux maréchal gagneroit son procès, il lui en coûtera au moins un million en dommages et intérêts envers plusieurs personnes qu'il a fait arrêter, et qui remises aujourd'hui en liberté, vont se réunir pour l'attaquer.

chez un

Il y a quelques jours que M. le maréchal de Nicolaï étant allé dîner à la campagne M. de la Chesnaye, et se trouvant dans le sallon un peu avant le moment de se mettre à table un homme d'une grande taille y entra, couchant en joue l'assemblée " avec un fusil qu'il tenoit à la main, et menaça de tuer le premier qui remueroit et même tout le monde si on ne lui donnoit douze mille francs. Le maréchal lui représenta qu'il feroit mal de tirer, parce qu'il ne pouvoit tuer qu'une personne, et que autres le feroient repentir de ce procédé ; que

les

d'ailleurs on n'avoit pas 12000 liv. en poche, mais qu'on alloit se cotiser et lui faire la plus forte somme qu'on pourroit. Pendant la négociation arriverent deux domestiques qui saisirent l'homme par derriere et s'en rendirent maîtres après une longue défense: on a su que c'étoit un paysan du voisinage, fort honnête homme à qui la misere et le désespoir de ne pouvoir soutenir sa famille, avoient fait tourner la tête.

De Paris, le 22 Juillet 1775.

On dit que le clergé prépare de représentations sur ce qu'on veut le forcer à recevoir à ces assemblées deux commissaires du roi ; il regarde comme une chose flétrissante que l'on se croie obligé de prendre ces précautions avec un corps chez qui les principes d'attachement de soumission et de fidélité envers le roi sont fortifiés par ceux de la religion. Il est vrai que ces lisieres ne doivent pas faire plaisir à leurs grandeurs.

La sentence du châtelet en faveur de M. le comte de Guines est imprimée en caracteres gigantesques et se trouve affichée à tous les coins des rues. Le. Sr. Tort s'y promene de son côté et ne manque pas de partisans même depuis sa défaite.

M. de Malesherbes est entré dès le moment de sa nomination, au conseil ; c'est depuis trèslong-temps le premier exemple d'un secrétaire d'état à qui on ait accordé cette prérogative; on les laissoit vieillir autrefois dans les affaires de leur département avant de les nommer

ministres.

Les efforts réunis de deux ennemis implacables qui ont fait le malheur de la vie de M. de Voltaire, viennent de produire un ouvrage qui

mettra sa sensibilité à une nouvelle épreuve. Il y a toujours des gens soigneux de préparer l'antidote des éloges dont les grands-hommes s'énivrent quelquefois : Fréron et la Beaumelle ont rendu ce service au patriarche de la littérature. La Beaumelle est mort avant que d'avoir publié le commentaire de la henriade auquel il travailloit depuis long-temps; l'autre antagoniste deVoltaire, qui lui a survécu, s'est chargé de mettre cet ouvrage au jour. 11 paroît à ce moment orné d'un frontispice où le médaillon du seigneur de Ferney est accompagné de ceux de ses détracteurs. On y trouve une grande quantité d'observations justes et de critiques fondées; mais l'acharnement des Zoïles ayant à peine fait grace à un seul vers; vous concevez qu'il y à une infinité de remarques futiles et qui décelent une partialité révoltante. D'ailleurs croit-on nous faire plaisir, et a-t-on un grand mérite en nous montrant que c'est à tort que nous avons admiré les critiques, les délices des gens de goût et d'esprit de toutes les nations?

J'ai assisté ces jours derniers à une fête d'une nature assez singuliere que donna à un de ses membres une société dont le plaisir fait le lien. Le héros qu'on a voulu célébrer se nomme Henri; on a supposé, qu'animé de desirs impuissans, le physique chez lui se refusoit à l'ardeur de l'imagination. Je ne sais si quelqu'une des femmes de la cotterie avoit de notions là-dessus ou si cette idée avoit été inspirée par le goût seul de la plaisanterie. Le jour du patron, on s'assembla dans une maison qu'on appelle, j'ignore pourquoi, la maison du diable. On y avoit dressé un petit théâtre; on y joua d'abord des parades; après que le beau Liandre et la chaste Zirzabelle eurent beaucoup fait rire les

pour

spectateurs deux jolies femmes et quelques hommes entrerent en scene et témoignerent leur embarras pour le choix d'un bouquet qui fut agré le à M. Henri. Quelqu'un feint que la maison du diable a été nommée ainsi, parce que dans le 16me. siecle, les gens qui s'occupoient de sorcelleries avoient choisi ce lieu leurs incantations: on y faisoit du bien ou du mal à ceux qu'on aimoit ou qu'on haïssoit, en le faisant à leur effigie avec quelques cérémonies. magiques. Les femmes sur ce récit conçoivent l'idée de rajeunir le pauvre Henri pour sa fête, en opérant sur son effigie: on apporte un grand mannequin revêtu des habits du héros de l'aventure, qu'on avoit su se procurer. Les aimables magiciennes font quelques sortileges, chantent des couplets; enfin les mouvemens du mannequin annoncent que le charme a réussi; on s'en réjouit on danse, et la piece finit. On dit qu'en effet, le bon Henri s'est bien trouvé de la recette; peut-être la reconnoissance due aux intentions de jolies petites sorcieres, a-t-elle été le meilleur talisman. La nuit s'est passée à sauter, à folâtrer et à faire des charades. Avez-vous " Monsieur, quelque idée de cet amusement? Une charade est une sorte de logogryphe impromptu dont le mot divisé doit sans décomposition fournir matiere à plusieurs petites énigines. Pour me faire mieux comprendre, je vous citerai, Monsieur, la fameuse charade de M. le chevalier de Bouflers. Il l'adressoit à une jolie femme. Vous avez ma premiere partie, si vous ne l'aviez pas ma seconde partie n'auroit pas été portée au degré de violence qui me conduira au tombeau si vous ne m'accordez mon tout. Le mot est compassion.

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Je ne puis penser à la maison du diable où sans doute on a prétendu qu'il revenoit des es

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