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de l'ambition des ministres et de l'adulation

des grands.

Le roi séant au lit de justice a dit :

« Messieurs, mon chancelier va vous expli» quer mes intentions. »>.

Le chancelier a dit au nom du roi ;

MESSIEURS!

« SA MAJESTÉ devoit croire que vous >> recevriez avec respect et avec soumission ? » une loi qui contient les véritables principes, » des principes avoués et défendus par nos » peres, et consacrés dans les monumens de >> notre histoire. >>

Quelle est cette loi? le roi s'en explique en

ces termes :

» Nous ne tenons notre couronne que de » Dieu. Le droit de faire des loix nous appar» tient à nous seul, sans dépendance et sans >> partage. >>

Edit de décembre 1770.

Le roi est sorti du lit de justice, vainqueur de la liberté. Ainsi les princes du sang, les pairs ecclésiastiques et laïques, les maréchaux de France, les gouverneurs, les lieutenansgénéraux des provinces, les marquis, les comtes, les parlementaires, les conseillers d'état, les maîtres des requêtes. c'est-à-dire 2 la conr pléniere de France a pâli, au lieu d'opposer les loix.

Un roi peut tout sur les peuples; mais les loix peuvent tout sur lui. Il ‘a une puissance absolue pour faire le bien, et les mains liées s'il vouloit faire le mal. Les loix lui confient les peuples comme le plus précieux de tous les dépôts, à condition qu'il sera le pere de ses sujets. Elles veulent qu'un seul homme

serve par sa sagesse et sa modération à la félicité de tant d'hommes, et non pas que tant d'hommes servent par leur misere et par leur servitude à flatter l'orgueil et la mollesse d'un ̧ seul homme..... Voilà ce qu'il falloit représenter au roi avec le grand Fénélon, plutôt que de l'enivrer du récit de son autorité. Le roi détrompé auroit décerné contre les séducteurs les peines dues à leur attentat.

La France est en proie au plus cruel despotisme. Qui voit-on s'ocuper de son salut! Les seigneurs ont protesté, les parlementaires ont écrit. Mais tous n'ont remonté qu'en gauchissant à la cause du mal. On a nié les conséquences, sans détruire le principe. Osons nier le principe, et livrons les conséquences à l'exécration publique.

« Nous ne tenons notre couronne que de » Dieu. Le droit de faire des loix nous appar» tient à nous seul, sans dépendance et sans >> partage ».

Tels sont les principes dont Louis XV ordonne à la nation de ne se point écarter. Ces principes répugneroient toujours, quand des milliers de François n'en moissonneroient pas les fruits dans l'exil et dans les cachots.

Louis XV et ses prédécesseurs tiennent leur couronne de la nation.

Le droit de faire des loix n'appartient point à Louis XV seul, non plus qu'il n'a appartenu à ses prédécesseurs seuls, sans dépendance et sans partage.

Ces propositions, que l'on traitera insidieusement de paradoxes, sont de nature à être démontrées. Renouvellons avant le souvenir de quelques vérités élémentaires et politiques.

L'homme est né libre. Aucun homme n'a

sur le vase: Clovis aura le calice, s'il tombe dans son lot.

L'inauguration des rois de France étoit une cérémonie purement civile. Le prince élevé sur un bouclier recevoit l'hommage de son armée. C'est ainsi que Pharamond fut proclamé roi par les suffrages des soldats et de la nation.

Fauteurs du despotisme, vous êtes forcés de convenir que jusqu'à Clovis inclusivement, (quel que fût le gouvernement, soit démocratie, soit aristocratie, soit monarchie,) la puissance législative et la puissance exécutive étoient exercées, celle-là par la nation, celle-ci par le prince et les grands; et que nos premiers rois qui ne parloient à la nation que dans des termes respectueux: Rogo vos, etc.... n'auroient pas dit impunément: Nous ne tenons notre couronne que de Dieu. Le droit de faire des loix nous appartient à nous seul, sans dépendance et sans partage.

Sous les successeurs de Clovis qui avoient subjugué le conseil de la nation, les François négligerent de se rendre aux assemblées du champ de Mars. L'autorité dont le corps de la nation avoit joui, passa dans le conseil qui n'avoit possédé que la puissance exécutive. Ce despotisme naissant portoit sur le mépris des loix. Les grands. et le peuple ne se souleverent point: le peuple, parce qu'il ne connoissoit plus ses forces depuis les assemblées du champ de Mars; et les grands parce qu'ils gagnoient à l'innovation. Quand l'abus des mœurs feroit la loi politique, le gouvernement François offre successivement sous la premiere race, ou un despotisme, qui est l'usurpation du pouvoir souverain chie, pendant laquelle la force fût le seul droit en vigueur. Or dans lequel de ses états les rois

, ou une anar

ont-ils pu dire? Nous ne tenons notre couronne que de Dieu. Le droit de faire des loix nous appartient à nous soul, sans dépendance et sans partage.

On fait honneur au pape Etienne III de la maxime que les rois ne tiennent leur couronne que de Dieu. Ce pontife a même hasardé le brocard dans un temps où l'élection volontaire et récente de Pépin, tige de la seconde race > confondoit sa charlatanerie. La sainte ampoule ne figuroit point dans l'inauguration des rois de France, lorsque Pépin intéressa la religion à son couronnement, et transporta chez les François une coutume judaïque. Sacré d'abord par Boniface, évêque de Mayence, il fit réitérer la cérémonie par Etienne qui imploroit sa protection contre les Lombards. Le pontife sacra le pere et le fils qu'il appella les oints du Seigneur; et il dit aux François que Pépin qu'ils venoient d'élire librement sans l'entremise du ciel, ne tenoit sa couronne que de Dieu seul par l'intercession de saint Pierre et de saint Paul.

Le roman d'Etienne mériteroit à peine créance chez les Iroquois. Dieu abandone le gouvernement des peuples au droit naturel. C'est blesser ce droit que de dénier à des hommes qui se font un chef de leur égal, le pouvoir de lui demander compte de l'administration dont ils l'ont chargé pour le bien public. La religion chrétienne n'a rien changé à l'ordre politique des sociétés. Les évêques ont cru que le gouvernement étoit ou devoit être arbitraire, parce que le premier des François s'appelle roi. De-là la fable que le roi tient sa couronne de Dieu; qu'il n'est comptable qu'à Dieu de ses actions. Ces maximes sont le germe de la politique barbare des rois et de la dure servitude des peuples.

lieu commettre le dépôt du gouvernement à tout le peuple ou à la plus grande partie du peuple, en sorte qu'il y ait plus de citoyens magistrats, que de citoyens simples particuliers. On donne à cette forme de gouvernement le nom de démocratie.

Ou bien il peut resserrer le gouvernement entre les mains d'un petit nombre, en sorte qu'il y ait plus de simples citoyens que de magistrats; et cette forme porte le nom d'artistocratie.

Enfin, il peut concentrer le gouvernement dans les mains d'un prince ou magistrat unique, dont tous les autres tiennent leur pouvoir. Cette troisieme forme est la plus commune et s'appelle monarchie ou gouvernement royal. On appliquera facilement ces notions aux propositions avancées.

En France, le peuple a perdu toute idée de sa dignité et de ses droits: Louis XV voudroitil se faire un titre des attentats dont nos chroniques sont infectées? Les voies de fait ne donnent point de droit. La loi qui les condamne est violée, mais jamais détruite. Cette loi qui n'a pas été la regle des princes avares, sanguinaires, hautains, doit en servir au peuple françois, juge compétent de ses rois. Parcourons les âges de la monarchie, et concilions la puissance des princes avec la souveraineté de la nation.

L'histoire nous offre trois races; la premiere des Mérovingiens; la seconde des Carlovingiens ou Carliens; la troisieme des Capétiens. On compte jusqu'à Louis XV soixante-cinq rois sous ces races. Malgré que la plupart fussent dépravés, nous leur devons au moins cette justice, qu'aucun n'a dit : Nous ne tenons notre couronne

que de Dieu. Le droit de faire des loix nous appartient à nous seul, sans dépendance et sans partage.

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