Page images
PDF
EPUB

Ce qui n'étoit qu'un souhait devint une prédiction. Tous les joûteurs crurent que le berger leur avoit jetté un sort, le grenadier sur-tout qui comptoit sur la victoire fut le plus piqué. A raison de son état il se crut obligé par honneur à la vengeance, et autorisé à punir un infàme sorcier. Il va le trouver et le roue de coups; celui-ci fait des menaces, le grenadier l'étend mort d'un coup de sabre. Le meurtrier est pris et la justice lui apprendra sans doute qu'il n'est pas plus permis de tuer un sorcier qu'un autre homme.

Je ne vous dirai rien de nos spectacles, car ils n'offrent rien d'intéressant. Pour le mariage de Madame Clotilde, on donnera la tragédie du Connétable de Bourbon, dont l'auteur est un militaire distingué. L'affaire de M. Mercier contre les comédiens paroît dormir. Il regne beaucoup de fermentation dans le corps des avocats, où M. Linguet trouve encore des partisans. Cette circonstance nourrit en lui l'espoir de recouvrer son état.

La forme sous laquelle le Sr. Costard présente les pensées du feu pape, m'a rappellé une feuille volante qui, il y a quelque temps, a passé de main en main dans nos sociétés. C'est un petit dictionnaire où vous trouverez quelques pensées heureuses.

A. B. C. Science de bien des gens qui s'en croient davantage.

Apparence. Rideau sous lequel on peut faire tout ce qu'on veut " mais qu'il est essentiel de tirer.

Bienfait. Bonheur pour les gens sensibles ; supplice pour les ingrats.

Bravoure. Premiere vertu du soldat, dernier. de l'officier.

Calcul. Chose la plus ennuyeuse et la plus

nécessaire.

Caractere. C'est se vanter que de parler du sien, tel qu'il soit.

Comédie. Prétendue école des mœurs qui no l'est que de l'esprit.

Créanciers. Honnêtes gens qui ont toujours tort et qui enseignent la politesse.

Espérance. Jolie marchande de vent dont le bon marché fait le débit.

Fortune. La fortune ne mérite point notre encens ni nos voeux; il en coûte beaucoup pour la fixer, et il faut trop d'art pour en savoir jouir. Un homme riche est-il heureux? je n'en crois rien, je le vois dans une agitation continuelle pour accroître et conserver son bien la satiété des plaisirs ne lui donne que des dégoûts et de l'ennui. Souvent la source de son opulence l'accable de remords, et si les temps viennent à changer, il tombera dans le plus honteux mépris. On peut desirer de l'aisance pour se procurer les agrémens et les commodités de la vie, mais il ne faut la tenir que des mains de la probité. L'honneur est le seul bien desirable, parce que indépendamment du droit qu'il nous donne à l'estime publique, c'est à lui seul qu'est réservé le précieux avantage de nous rendre contens de nous-mêmes et nous faire goûter ces plaisirs et cette paix intérieure auxquels rien ne peut équivaloir.

Genre-humain, Censeurs atrabilaires, qui déclamez sans cesse contre le genre-humain, cessez vos clameurs, ou donnez-nous des préceptes, et surtout des exemples qui nous rendent meilleurs. L'histoire, dites-vous, est l'affreux tableau des crimes continués dans tous les siecles: eh! que vous fait le passé ou l'avenir, jouissez du présent, contemplez et pra

dans lequel M. de Saintfoix a recueilli des palmes méritées. La maison de Beauharnois portoit autrefois le nom de Beau V...; la Reine Anne d'Autriche fut la premiere que cette dénomination choqua et qui donna lieu au changement qu'on y fit. Peu-à-peu, et depuis un siecle sur-tout, ceux qui portoient des noms auxquels on pouvoit attacher quelque idée désagréable, s'en imposerent d'autres. Les le Cochon se sont fait appeller le Cosson, les le Chat, le Cat etc. Nous avons cependant encore d'anciennes familles de le Cocu, le Vilain, Conmollet, etc. Madame Trial, actrice du théâtre Italien, a porté long-temps ce nom qui étoit celui de son premier mari.

[ocr errors]

Les traits d'esprit et ceux qui annoncent l'ineptie et la bêtise donnent également à rire : et réellement on riroit peu si on ne s'amusoit que des saillies ingénieuses. Jean-Jacques a eu bien raison de dire que le nombre des gens qui agissent et parlent sans penser, est le plus considérable. Je ne déciderai pas dans laquelle des deux grandes divisions morales du genre humain établies par M. Rousseau, doit être placé M. l'archevêque de Rheims; voici une réponse de lui qui peut le caractériser. Les longues et pénibles cérémonies du sacre étant finies, le Roi lui demanda s'il ne se trouvoit pas bien fatigué: Point du tout, Sire, répond le cardinal, foi, répond le monarque avec bonté, je le suis beaucoup, moi qui n'ai pas votre âge, et je vous plains. Votre Majesté est trop bonne, dit le vieux prélat, je me sens très-bien et je suis prêt à recommencer dès demain. Le bonhomme aura été sans doute au désespoir si on lui a fait appercevoir que ce discours n'étoit rien moins que flatteur pour celui qui l'écoutoit. Ce 1rélat pendant le cours de sa vie a employé

[ocr errors]

--- - ma

[ocr errors]

toutes ses facultés à faire de son mieux le métier de courtisan; Louis XV s'étoit un jour livré à une conversation gaillarde avec quelques seigneurs: M. de la Roche-Aymon entre lorsque le Roi disoit ces mots: oh cette besogne seroit au-dessus de mes forces! le Cardinal reprend sur le champ avec son ton adulateur : Sire, il n'est rien qui soit au-dessous de la puissance de V. M.; sa force égale sa prudence, et l'Etre suprême qui l'a comblé de ses dons.. Mais, Monseigneur, lui dit quelqu'un, savez-vous qu'il est question de filles? il parut un peu confus; je gagerois cependant qu'il n'eut pas de regret à son compliment.

[ocr errors]

Le peuple de nos campagnes n'est pas encore à beaucoup près exempt de la superstition qui a pris naissance dans les temps de barbarie ; la religion du bas peuple n'est que superstition, et celle-ci reste long-temps encore après que la religion est détruite. Vous savez que nos vils gardeurs de troupeaux " nos bergers qui sont bien différens de ceux de Fontenelle, passent dans le peuple pour être un peu sorciers. Les bons nageurs des environs de Paris firent une joûte, ces jours derniers sur la Seine, à une lieue de la ville: un d'entre eux soldat des grenadiers royaux étoit regardé comme invincible. Chemin faisant la troupe des joûteurs rencontre un vieux berger à la tête de son troupeau. La jeunesse hait les vieillards a dit encore Jean-Jacques que je suis en train de vous citer. Le berger est l'objet des railleries de la compagnie joyeuse; le bon-homme ne peut s'en venger qu'en leur disant d'un ton goguenard; allez, enfans, le ciel vous punira, il n'y en aura pas un de vous qui remporte le prix, et vous irez tous rendre visite aux poissons.

[ocr errors]

Question. Chose qu'il est difficile de faire

bonne, etc.

De Paris, le 13 Juillet 1775.

DEPUIS les troubles arrivés à l'occasion du pain, la police ne cesse de faire les perquisitions les plus exactes pour tâcher de découvrir quels en sont les auteurs. On prétend avoir trouvé sur un homme beaucoup de lettres, par lesquelles on excitoit les paysans à s'armer, à se trouver dans tel et tel endroit, à saccager tout, etc.... Cet homme, dit-on, étoit en relation avec M. de Maupeou, et déjà on voit celui ci porter sa tête sur un échafaud. Ce qu'il y a de plus vrai, c'est qu'un M. Langlois, président au conseil supérieur de Rouen, et l'une des créatures du chancelier, accusé d'avoir eu part aux troubles été arrêté et con duit à la Bastille, mais il vient d'en sortir ? ce qui prouve que les charges qui étoient contre lui, étoient peu fondées.

a 9

Depuis que l'on a permis d'écrire sur l'administration, les presses ne cessent de gémir, et l'on feroit, pour ainsi dire, une bibliotheque des ouvrages qui en sortent. Cependant les auteurs prennent des licences que la police a cru devoir réprimer. L'Ami des Loix et le Catéchisme du Citoyen ont été brûlés par la main du bourreau. Il paroit une autre brochure qui est fort courue et que l'on vend clandestinement et très-cher; elle est intitulée, le Sacre Royal, et aura vraisemblablement une suite, puisqu'on voit au frontispice tome premier. On n'y trouve toutefois que ce que tout le monde sait, qu'il y a un pacte entre les souverains et les peuples, et que les premiers ne peuvent y manquer, sans rendre aux seconds le droit qu'ils

« PreviousContinue »