Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

à vous

journaux, je me bornerai, Monsieur rapporter deux des pensées du feu Pape que le Sr. Costard a réunies par ordre alphabétique.

« Conversation. Personne ne cause plus vo> lontiers que les gens d'étude quand ils sont » en train; on veut dire en une heure ce >> qu'on étouffe pendant dix.

[ocr errors]

François. Il me paroit que les François ne » sont pas si riches en expressions que les Ita» liens, mais qu'ils le sont davantage en pen» sées.... Je connois une multitude d'ou» vrages composés en Italie, où l'on est en» chanté des fleurs, des cascades, des points » de vue qui en font l'agrément, mais où l'on > ne trouve pas un seul fruit à cueillir; le » mal vient de ce que nous avons une langue » qui nous rend paresseux à penser; comme » elle est extrêmement belle et riche, nous croyons avoir assez fait lorsque nous l'employons avec art, et comme elle est sédui>> sante, elle nous entraine malgré nous, et » au-lieu d'ètre précis nous devenons diffus ».

כל

[ocr errors]

Le feu Pape a montré dans ses paroles comme dans sa conduite infiniment d'esprit on perd beaucoup, Monsieur, à la loi qu'il s'étoit faite de ne rien écrire; il étoit tellement persuadé qu'il y a déjà trop d'écrivains, qu'il craignit toujours d'en augmenter le nombre.

L'Epitre suivante qui vient de me tomber sous la main a été adressée par M. d'Arnaud à M M. les Echevins de la ville de Paris en 1757, et n'avoit point encore été imprimée.

Il fut un temps, ce temps hélas ! n'est plus :
Où n'ayant pas le sol, mais un cœur tendre,
Unc ame neuve, et dix-sept ans en sus,
L'art de donner du plaisir, et d'en prendre
L'art bien heureux de faire des cocus.
Avec Manon, simple et blanche fillette,

Je soupois seul; seul, je me suis trompé.
Ce Dieu charmant, qui me sert d'interprête,
L'amour aussi se prioit du soupé :

Un tiers parcil aisément se convie

Lorsque l'on veut ne se trouver que deux.
Il m'inspire cette vive folie

Qui rend sur tout aimable a deux beaux yeux;
Pour éloigner la raison que j'abhorre,
Avec le vin il étoit de moitié

;

De ces soupers, peut-être dûs encore;
(Las! le plaisir eft toujours mal payé).
C'est-la pourtant notre vrai nécessaire
Je n'ai besoin de détailler la chere:
Lorsque l'amour daigne en faire les frais,
Qu'on peut à table, au gré de ses souhaits,
Presser du pied une mule jolie,

On se nourrit de la pure ambroisie
Et du nectar on s'enivre à longs traits.
Présentement plus honoré, sans doute,
Mais moins heureux, cet aveu - là me coûte.
J'en suis fâché pour l'espece Seigneur
Qui se tracasse et tourmente sa vie
Pour attrapper un rayon de bonheur ;
Foible lueur vainement poursuivie ?
Je ne sais trop quel esprit scélérat,
Par un effet de sa sorcelerie,
Tient le bien-aise en guerre avec l'éclat.
J'ai le flatteur et le rare avantage
D'avoir ma place a ces soufers brillans,
Où la grandeur dans son vain étalage,
Vient de son faste accabler tous les sens;
Où dans le fein de la riche abondance
On mâche à vuide, et périt d'abstinence.
J'entends Marquis, Comtes et Ducs et Pairs
Gens bien appris, en toure chose experts a
Tenir propos de toutes les especcs
Nous emporter du théâtre à Mahon,
Puis revenir mettre Voltaire en pieces,
Et cependant Mesdames les Duchesses

Vantent Varlop (*) ct son courtois jargon,
Et de son vers dénaturant le son,

Proner sa Jeanne, et son mystique ânon:
Traitent à fond linoculation;

Puis en baillant ordonnent que bien vite

(*) Célebre inoculateur.

2

Un bel esprit, complaisant parasite,
Fasse sa charge, et coûte plaisamment.
On voudroit rire, on rit en grimaçant,
De la grimace en secret on s'irrite,
A son secours on appelle le vin.

Dieux ! quel bouquet! quel champagne divin!
Plein d'un esprit qui s'agite et fermente,
Et couronné d'une écume brillante,
Que de plaisirs, que de joie aujourd'hui
Il nous promet! la main impatiente
Vole au-devant, et l'œil rit à l'attente.
Mais l'ennui mousse, et s'avale avec lui.
Or je voudrois sans blesser la décence,
Dont s'applaudit la grave édilité,
Que par pitié pour ma foible existence,
Qui dans les sens met sa félicité,
Daignât sourire à mon humanité,
Et de ce front, armé de bienséance
Laissât sortir un rayon de gaîté.
Ainsi Caton, digne censeur de Rome,
Se colorant d'un air de volupté,

Se souvenoit par fois qu'il étoit homme.
Je voudrois donc que mon Caton François
Conformé en tout à son heureux modele,
Dans un souper long, quoique sans apprêts
Où les cinq sens seroient tous satisfaits,
Pât réunir et l'amitié fidelle

Et le plaisir l'un pour l'autre ils sont faits.
Votre réduit doit être leur chapelle.
Je menerois, sans escorte avec moi,
Ce compagnon dont je reçois la loi.

L'amour l'amour; chez qui? chez un Edile t
On ne voit point pareils Dieux à la ville,
Je le sais bien: ne vous fàchez pourtant,.
Digne échevin; cet espiegle d'enfant
Prendroit chez vous un maintien aussi sage
Aussi capable, un air aussi pédant,
Que s'il soupoit avec l'aréopage.

Même au besoin, (l'amour se plie à tout
Lorsqu'il veut plaire, aux échevins sur-tout)
Il couvriroit d'une perruque immense
Ce front, où rit le charme de l'enfance;
ous son menton de lys et d'incarnat,
Il déploieroit un empesé rabat,

Et de Dieu, la nudité charmante

[ocr errors]

Iroit se perdre, avec tout son éclat,
Dans les replis d'une robe traînante.
Mais laissons-lui son air tendre et fripon,
Contentons-nous d'en faire un échanson.
Vous le verrez d'une main complaisante,
Faire jaillir, dans un crystal riant,
Cent diamans du nectar pétillant
Qui du plaisir peint l'image brillante.
Avec ce vin, bu chez une Manon,
Ou bien chez vous, cette comparaison
N'a rien d'ailleurs dont l'édilité gronde;
(Cette manon fut pour moi tout le monde.)
Avec ce vin, les plus douces erreurs,
L'illusion dont l'heureuse magie

Vient embellir les songes de la vie,
Et revêt tout de ses vives couleurs,
Cette gaité, mere de la saillie,
L'enchantement coule ct passe en nos cœurs
Et nous soumet à l'aimable folie

Qui nous enchaîne avec des nœuds de fleurs.
De si doux nœuds le Seigneur Dicu nous lie!
Et puissiez-vous être encore, s'il lui plaît,
Plus calotin que votre ami ne l'est !
En attendant j'aurai de vos nouvelles,
Si ma demande est faite à votre gré;
Permis à vous de couper les deux aîles
Au bel enfant que je vous menerai,
De lui briser jusqu'à la moindre flêche,
(Vous craignez tant qu'il ne vous fasse brêche )
Entre ses mains d'éteindre son flambeau
Et sur ses yeux d'abaisser son bandeau,
Hormis un coin que, sauf l'échevinage,
Il levera pour voir certain minois....
J'aurois déjà crayonné son image
Si l'on pouvoit tracer, tout à la fois,
Mille agrémens, une touchante voix,
D'un esprit fin le léger. badinage,

[ocr errors]

Deux grands youx bleus, de l'amour vrais carquois ;

En voilà trop pour fixer men hommage.

Un se défaut gate cet assemblage;

Car il faut bien que par quelques endroits,
L'humanité décele son ouvrage ;

:

Je le dirai cet objet es trop sage:
Pour mon malheur, ajoutez-vous soudain
Las! mon ami, que sert-il de le dire?

A mes dépens au-lieu de vouloir rire,
En bon chrétien en discret Echevin
Devez-vous pas plaindre votre prochain ?
Prier le Ciel que sa grace m'inspire.
Je suis pétri d'un malheureux levain,
Vous le favez; j'ai l'ame assez honnête,
Les sens hélas! un tant soit peu catins;
D'accord, je cede à mes goûts libertins,
J'en suis faché pour Messieurs ces humains
Qui mettent l'homme au-dessus de la bête,
Mais à mes sens volontiers je fais fère;
Quand le plaisir se trouve sous ma main.
Or, cet objet, gentille créature,
Qui réunit l'air noble et l'air mutin,
Dont l'art de plaire est exempt d'imposture
Qui sait séduire, et me toucher enfin,
Paroît peu propre à changer ma nature.
Qui voit briller de semblables attraits
De la beauté sent bien vite l'empire;
Il la convoite, et voudroit faire pire.
Ou mieux peut-être ; à de pareils souhaits
On doit se taire, et c'eft ce que je fais.

Quand une jeune Demoiselle n'a pas assez de force pour combattre la nature et une passion qui quelquefois n'a dans son principe rien de repréhensible, il est rare qu'elle ne trouve des moyens pour cacher les suites de sa foiblesse. Lorsque le mal est fait une fois, il semble que des parens sages et prudens devroient se mettre de moitié avec la victime infortunée de l'amour et des conventions. Il faut attendre que l'effet du vin soit dissipé, pour faire la leçon à un homme qui s'y livre trop, et comme dans les intrigues de cœur la publicité est souvent le plus grand mal, des parens bourrus et emportés ont plus de tort qu'une fille sensible et sans expérience, lorsqu'ils ne l'aident pas à cacher sa faute. Madame C***, mere table et adorée de ses enfans, pense ainsi respecmais elle est unie à un homme dont les principes sont bien différens. Un jour elle décou

« PreviousContinue »