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CHAPITRE II.

Indécence des débats de l'assemblée; elle s'occupe d'un réglement de police pour ses séances, et se divise en comités. Les comités des recherches sont supprimés. Les ministres conviennent entr'eux, avec l'approbation du roi, de ne point communiquer avec les comités, et de correspondre directement avec l'assemblée, conformément à la constitution. — De nonciation contre les prêtres et contre les émigrés ; discours de Brissot et de Condorcet à cette occasion. -Nouvelle léttre du roi à ses frères. Décret et proclamation de l'assemblée contre les princes. Discours de l'abbé Fauchet contre les prêtres; l'abbé Torné, son collègue, le réfute. Dénonciations contre les ministres, et querelle suscitée à M. Duportail. Compte rendu par le ministre des affaires étrangères et par le ministre de la marine, de l'état de leurs départemens respectifs. Insurrections dans plusieurs provinces. Révolte des négres à SaintDomingue; désastres de cette colonie contestés par Brissot et par Condorcet. Décret contre les émigrés.

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La nouvelle assemblée, composée en grande partie de gens sans éducation, choisis parmi les membres les plus ardens de tous les clubs des jacobins du royaume, étoit bien loin d'offrir cet aspect imposant, cet air de décence

et de dignité que devroit toujours avoir l'assemblée des représentans d'une grande nation. La fonction la plus auguste de la souveraineté, celle qui exige le plus de calme et de réflexion, le pouvoir législatif, y étoit exercé au milieu du désordre, des clameurs les plus grossières, du tumulte le plus bruyant. On voyoit souvent dans la même séance une foule d'orateurs sc précipiter à la tribune, parlant tous à-la-fois, ou plutôt hurlant, de toute la force de leurs poumons, vingt motions différentes, sans laisser à l'assemblée le temps de délibérer sur une seule. Si le président les rappeloit à l'ordre, il

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étoit rappelé lui-même : on lui demandoit la parole pour parler contre lui, on l'accusoit, on l'insultoit; il avoit beau se tourmenter, agiter la sonnette, se couvrir de son chapeau, tous ces moyens de ramener l'ordre et le silence étoient usés et sans effet; on en crioit un peu plus fort; en un mot, l'assemblée nationale présentoit, sous tous les rapports, l'image la plus fidelle d'un attroupement populaire. Ces scènes scandaleuses ne pouvoient manquer de mettre le comble à l'avilissement dans lequel elle étoit déjà tombée. Elle sentit la nécessité d'y mettre un terme par un réglement de police, et ce fut l'objet de la plupart de ses délibérations, dans les quinze

premiers jours du mois d'octobre. Elle s'occupa en même temps de l'organisation des différens comités, où les affaires devoient être renvoyées et préparées avant d'être soumises à la discussion de l'assemblée (1). Il fut ob servé à cette occasion que la révolution étant incontestablement terminée, les comités des recherches devenoient absolument inutiles. L'assemblée décréta, en conséquence, qu'il n'en seroit point établi, et la municipalité supprima celui de l'hôtel-de-ville.

Les honnêtes gens ne gagnèrent rien à la suppression des comités des recherches. Ce ne fut plus par un comité secret, composé de

(1) Les dispositions inquiètes et turbulentes qu'annonçoit cette assemblée, avertissoient suffisamment les ministres de se tenir sur leurs gardes, de bien étudier la constitution, et de s'y conformer avec la plus grande exactitude parce que c'étoit malheureusement la seule arme qu'ils pussent opposer à toutes les attaques auxquelles il's devoients'attendre.Plusieurs d'entr'eux s'étant trouvés plus d'une fois gravement compromis par leurs correspondances et leurs communications avec les comités de la première assemblée, il fut expressément convenu et arrêté, avec l'approbation du roi, qu'ils correspondroient toujours directement avec le corps législatif, et qu'ils ne reconnoîtroient en aucune manière les comités avec lesquels la constitution ne leur donnoit aucun rapport. tesninatak

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quinze ou vingt personnes, mais par l'assemblée toute entière, que l'inquisition la plus odieuse et les persécutions les plus injustes furent exercées ou favorisées. Il n'y avoit presque pas de séance où la tribune ne retentît de dénonciations absurdes, calomnieuses et toujours dénuées de preuves, contre les prêtres qui n'avoient pas prêté le serment constitutionnel. On les accusoit impudemment de tous les troubles qu'excitoient dans le royaume les attentats provoqués contre eux. L'émigration étoit aussi l'objet des déclamations les plus violentes. La première assemblée avoit solemnellement reconnu qu'il étoit impossible qu'aucune loi prohibitive à cet égard se conciliat avec les principes de la constitution, avec les droits de l'homme, etc. etc. Elle s'étoit bornée à assujettir les biens des émigrés à une triple contribution, et à prononcer la destitution des fonctionnaires publics qui, étant hors du royaume, n'y rentreroient pas dans un certain délai.

La nouvelle assemblée étoit alors dans un trop grand discrédit pour oser adopter des mesures plus rigoureuses, avant que les esprits Ꭹ fussent préparés. Le club des jacobins et les écrivains révolutionnaires se chargèrent de ce soin. Leurs journaux, leurs pamphlets étoient remplis de déclamations contre l'émigration;'

elles étoient sur-tout dirigées contre les fonctionnaires publics, contre les officiers, et contre les princes. « Ceux-là, disoit-on, » ne sont pas des citoyens de la classe com» mune, des émigrés ordinaires; l'émigration, » à leur égard, est un complot contre la patrie, » contre la liberté, contre les droits de l'homme; » ils l'ont provoquée par leur exemple; ils l'en » tretiennent et l'augmentent chaque jour par » leurs invitations, par leurs promesses; ils » veulent la contre-révolution; ils organisent » la guerre civile: voilà les vrais, les grands »coupables qu'il faut frapper. » Tel étoit, en effet, le projet des membres les plus marquans dans le côté gauche de l'assemblée, c'est-àdire, dans le parti républicain. Nous en fûmes positivement instruits d'avance. MM. DuportDutertre et de Lessart, en ayant conféré avee les principaux membres du parti constitutionnel, pensèrent, comme eux, que le seul moyen qui pût faire échouer le projet des jacobins, étoit que le roi écrivit une lettre très-pressante aux princes ses frères, pour les , pour les engager à rentrer en France, et ils le proposèrent de nouveau au roi le jour même que la motion contre les émigrans fut faite. On fit cette motion à l'occasion d'une lettre du ministre de la guerre, contenant l'état qui lui avoit été demandé des

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