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exécuter scrupuleusement la constitution; 'mais elle n'étoit que le prétexte sous lequel je déguisois mes véritables motifs. Les autres ministres ne tardèrent pas à connoître leur erreur, et M. de Lessart la paya bien cher, ainsi qu'on le verra dans les chapitres suivans.

Les hommes en place ainsi que les princes commettent une grande faute, en se montrant souvent et de trop près. Quels que soient, en effet, leurs talens, leur habileté, leur énergie, feur vertu, ils en ont toujours moins que ne leur en supposent ceux qui ne les connoissent pas ; ils ne peuvent donc que perdre à se faire connoître.

CHAPITRE V I.

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Le roi refuse sa sanction au décret rendu contre les prêtres non-assermentés. Changemens dans le corps diplomatique. Discours. que je prononce à l'assemblée sur les désastres de St.-Domingue. -M. de Lessart se justifie complétement. Message secret de Tippoo-Saib ; rẻponse du roi. · Conversation avec la reine. Visite que je reçois du président du comité de marine. - Lettre de l'empereur au roi, en faveur des princes possessionnés en Alsace et en Lorraine. Délibérations de l'assemblée et du club de jacobins, tendantes à provoquer la guerre. Départ de M. de Lafayette pour son armée. - Club des feuillans; ses querelles avec les jacobins ; décret obtenu par ces derniers. — Rapport sur les préparatifs de guerre; fameux discours de Brissot; Héraut de Sechelles, Condorcet; leurs discours sur le même sujet. -Déclaration de l'assemblée aux puissances; message adressé au roi à cette occasion; réponse de sa majesté. — Nouvelle dénonciation et second rapport de Cavelier contre moi. - Office important envoyé par l'empereur et communiqué à l'assemblée par un message du roi. - Suppression de l'usage des complimens à l'occasion de la nouvelle année. —L'assemblée délivre des galères les soldats du régiment de Châteauvieux qui avoient eu le plus de part à la révolte de la garnison de Nanci.

L'ASSEMBLÉE recevoit chaque jour de nouvelles adresses contre la pétition des membres du directoire du département de Paris, relative

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ment au décret concernant les troubles religieux; mais elles étoient accueillies avec plus de décence; on n'en ordonnoit plus l'impression ni l'insertion au procès-verbal. Quelques-unes même excitèrent des motions de rappel à l'ordre. Enfin, dans la séance du 19 décembre, l'assemblée entendit, sans se permettre le moindre murmure, la lec ́ture de la lettre du garde-des-sceaux, qui lui annonçoit que le roi avoit refusé sa sanction à ce décret. Il est vrai que M. de Lessart avoit pris la précaution de faire insérer, le même jour, dans quelques papiers publics le rappel ou la retraite de plusieurs de nos ambassadeurs et ministres plénipotentiaires réputés aristocrates, et la nomination de leurs successeurs (1).

(1) M. de Vergennes, ministre plénipotentiaire près l'électeur de Trèves; M. de Montezan, près l'électeur de Bavière; M. de Beranger, près la diète de Ratisbonne, furent rappelés. M. de Taleyran, ambassadeur à Naples; M. d'Osinond, ministre plénipotentiaire en Russie; M. de Lahouse, en Danemarck; M. de Kelly, près de l'électeur de Mayence, donnèrent leur démission. M. de ChoiseuilGouffier fut nominé à l'ambassade d'Angleterre; M. de Moutiers à celle de Constantinople, M. Barthelemi à celle de Suisse, M. de Ségur l'aîné, M. P,, à Berlin, M. Bigot de Sainte-Croix à Trèves, l'abbé Louis en Danemarck, M. Demontciel près l'électeur de Mayence, M. Dassigny près l'électeur palatin, M. Demaison-Neuve près le duc de Wirtemberg, M. de Marbois à Ratisbonne, et M. de Mackau à Florence,

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Je profitai de cette circonstance pour faire à l'assemblée le rapport que j'avois annoncé sur les désastres de St.-Domingue, sur leurs causes et sur les moyens d'y remédier. Ma position rendoit ce rapport d'autant plus difficile, qu'en désignant, comme je le devois, la faction des amis des noirs, et par conséquent Brissot, Condorcet et leurs adhérens, comme les principaux auteurs de cette affreuse catastrophe, je devois m'attendre à être accusé de récrimination; car mes ennemis les plus ardens dans l'assemblée tenoient tous à ce parti. Je parvins heureusement à remplir cette tâche sans trop les irriter: il est vrai que n'ayant pas encore acquis contre eux des preuves assez positives servir de base à une accusation en forme, je me contentai de laisser appercevoir que j'avois des indices; mais ce fut bien moins par foiblesse que par prudence que je m'abstins de les faire connoître; je n'aurois pu les dévoiler sans indiquer en même-temps les témoins qu'on auroit voulu corrompre ou assassiner,les pièces probantes qu'on n'auroit pas manqué de faire disparoître.

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L'assemblée fut assez contente de mon discours pour en ordonner l'impression (1); il étoit terminé par les phrases suivantes que m'avoit suggérées le desir de préparer avantageusement les esprits à la justification de M. de Lessart, qui n'at

(1) Pièces justificatives, no. XIV.

tendoit qu'un moment favorable pour venir réfuter la dénonciation atroce que l'abbé Fauchet avoit faite contre lui.

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Jugez, s'il est possible, que l'homme chargé » de cette immense tâche, et qui s'y livre tout » entier, ose espérer de la remplir, s'il est sans » cesse détourné de ces grands intérêts par des » dénonciations multipliées et minutieuses au » point de dégrader le moyen puissant et néces»saire de la dénonciation fondée. Et ne croyez » pas, messieurs, que je veuille par-là détourner » vos regards de celle qui existe contre moi; je » veux seulement prémunir votre sagesse contre » celles que nous attendons tous, et qui seront » nombreuses sans doute, parce que notre sévère » exactitude à faire exécuter les nouvelles lois, » et à réformer les abus qu'elles ont condamnés, » ne manquera pas de susciter contre nous les in» dividus qui vivoient de ces abus, et qui souf» friront de ces réformes. Vous croirez sans peine, » messieurs, que ces mêmes individus seroient »nos prôneurs les plus zélés, si, moins occupés » de l'intérêt national, que des intérêts particuliers, nous étions capables de composer avec les principes et de ne pas envisager l'estime publique, comme la seule récompense que des → ministres citoyens puissent ambitionner. »

Cette péroraison étant plus à la portée de l'intelligence des tribunes, que la discussion impor

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