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(Décrgi l'adresse destinée à lui servir de supplément, et à rendre plus imposante et plus profonde, l'expression des sentimens de l'assemblée (1). Cette adresse adoptéé, sauf quelques légères corrections, étoit conçue en ces termes :...

«Sire, l'assemblée a reconnu, avec transport, » le roi des Français, au langage que votre ma→ jesté lui a fait entendre. Elle a senti plus que » jamais, le prix de l'harmonie des pouvoirs, de » ces communications franches et mutuelles, qui » sont le vœeu, qui seront le salut de l'empire. » Elle attachera toutes les forces de son attention » sur les mesures décisives que vous lui avez an> noncées ; et si tel est l'ordre des événemens, » qu'elles doivent enfin s'effectuer l'assemblée si nationale, sire, promet à votre majesté, plus de » gloire qu'aucun de ses aïeux n'en à obtenu. » Elle donnera à l'Europe, le spectacle nouveau » de ce que peut un grand peuple outragé; dönt

les bras seront mus par tous les coeurs, et qui, » voulant fortement la justice et la paix, com

(1) Le député le Montey s'étoit fait une très bonne reputation à l'assemblée législative, par la modération de ses opinions, et par plusieurs discours pleins de traits ingénieux et de maximes sages; on ne sauroît imputer cette réponse qu'à la difficulté qu'îl pouvoit y avoir d'improviser dans une circonstance aussi solemnelle.

( Note de l'Editeur. )

» battra pour lui-même ses ennemis qui sont les » vôtres. De puissans intérêts vous animent, de » douces jouissances vous sont préparées. Du » Rhin aux Pyrénées, des Alpes à l'Océan, tout » sera couvert des regards du bon roi, et du » rempart d'hommes libres et fidèles. Voilà, sire, » la famille à laquelle vous êtes attaché, voilà vos » amis, ceux-là ne vous ont pas abandonné. » Tous les représentans du peuple, tous les vrais » Français ont dévoué leur tête pour soutenir la » dignité nationale, pour défendre la constitu» tion jurée, et le roi chéri dont elle a affermi » le trône. >>>>

Ces sentimens, ces protestations étoient sincères sans doute, mais malheureusement il n'en restoit plus aucune trace, quand le moment d'enthousiasme qui les excitoit, étoit passé. M. de Narbonne se flatta peut-être de le prolonger, en adoptant, pour la demande des fonds extraor dinaires qu'exigeoient les mesures annoncées par le roi, la forme inconstitutionnelle que l'assemblée m'avoit si imprudemment blâmé de n'avoir. pas prise; il proposa, en conséquence, à sa majesté, de former elle-même, par une lettre adressée au président, la demande de ces fonds, dont l'apperçu montoit à vingt millions.

Le roi ne douta pas que cette mesure n'eût été concertée avec les ministres, comme un moyen de plus d'affoiblir l'effet du veto que sa majesté.

devoit mettre le même jour au décret concernant les troubles religieux. Elle hésita néanmoins à écrire cette lettre, et n'y consentit qu'en y ajoutant la phrase suivante : « J'adopte, pour cette de» mande, une forme qui évite toute difficulté ; je » persiste cependant à croire que celle qui a été » suivie par le ministre de la marine dans une » pareille occasion, est tout aussi constitution» nelle et plus expéditive. » (Lettre du roi au président, du 18 décembre 1791.)

L'assemblée, à qui le roi avoit démontré, par sa lettre du 24 novembre, que la forme que j'avois suivie étoit la seule autorisée par la constitution, triompha de cette inconséquence, qui fut généralement regardée comme une preuve de foiblesse ou d'insouciance de la part de sa majesté, et comme un indice certain du peu d'accord qui existoit entre les ministres. Ce n'est pas que jusqu'alors il y eût eu parmi nous le moindre , germe, la plus légère apparence de division ou de rivalité. Convaincus que toute notre force .vis-à-vis de l'assemblée, consistoit dans notre union, nous vivions dans la plus parfaite intelligence; nous nous rassemblions souvent en comité chez le garde-des-sceaux, pour y concerter nos démarches respectives. Nous regardions comme la cause commune du ministère, les dénonciations individuelles par lesquelles on cherchoit à nous isoler, à nous diviser, et nous réu

nissions tous nos efforts, tous nos moyens pour repousser ces attaques; en un mot, nous suivions strictement, franchement et avec tout l'ensemble possible la ligne constitutionnelle qui nous étoit tracée, non-seulement par notre serment, mais par celui du roi, et par la ferme résolution d'y être fidèles. M. de Narbonne, plus jeune, plus présomptueux, ne trouva cette marche ni assez brillante, ni assez solide, et se crut capable de relever à lui tout seul notre dignité et notre crédit, par un grand accroissement de popularité. Plein de confiance dans ses talens, il s'élança dans la carrière ministérielle, et y déploya avec grace un nouveau genre de patriotisme, si leste, si sémillant, quelquefois même si burlesque, qu'il excita un enthousiasme général. Son début, soit à l'assemblée, soit dans les comités, répondit complètement à son attente. Les vingt millions de fonds extraordinaires qu'il demandoit, et la promotion de MM. de Rochambeau et Lukner au grade de maréchal de France, furent votés à l'unanimité; en un mot, tout ce qu'il proposa fut adopté, tout ce qu'il demanda fut accordé sans la moindre objection. Tous les journaux de la capitale lui prodiguèrent les plus grands éloges, publièrent tous ses discours à l'assemblée, et jusqu'aux lettres qu'il écrivit aux trois généraux pour leur annoncer leur nomination.

L'éclatante popularité ainsi acquise par M. de Narbonne, loin de nous être aussi avantageuse qu'il se l'étoit promis, concentra en lui seul toute celle du ministère, et tourna autant à notre détriment qu'à son profit. Le plus grand malheur qui en résulta, fut que les ministres éblouis, et peut-être jaloux de tant de succès, se flattèrent d'en obtenir aussi, en suivant à-peu-près la même route, et commmencèrent, en conséquence, à communiquer, chacun de leur côté, avec les comités, sans s'être entendus ni concertés sur ce point. Je persévérai seul dans la première résolution que nous avions prise, comme la plus conforme à l'esprit et même à la lettre de la constitution. Je ne me dissimulai pas que cette conduite aigriroit infiniment la malveillance dont j'étois l'objet ; mais je vis beaucoup moins de danger à irriter mes ennemis, qu'à leur fournir plus d'occasions et de moyens de me nuire; or, tél eût été l'effet inévitable de mes communiçations avec le comité de marine, où je me serois trouvé tous les jours avec mes calomniateurs et mes dénonciateurs les plus ardens, les Cavelier, les Rouhier, les Malassis, etc. etc. etc.; car ils étoient tous membres de ce comité, et il ne me convenoit pas plus de m'exposer à leur familiarité qu'à leurs provocations. Je n'avonai pas que c'étoit-là ce qui m'empêchoit de suivre l'exemple de mes collègues, et je ne parlai que de ma fidélité à

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