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avoient signée, fut lue dans la séance du 7 décembre, et renvoyée aux comités de marine et de surveillance. Cette lecture prépara les esprits au rapport que Cavelier fit le lendemain dans la séance du soir, et qui n'étoit qu'un tissu de calomnies contre le corps de la marine et contre moi. Il étoit terminé par un projet dé décret tendant à contraindre les officiers de tout grade à se rendre à leur département, avant le 15 janvier suivant, sous peine d'être privés de leur traitement, destitués de leur emploi, remplacés et déclarés incapables de remplir à l'avenir aucunes fonctions militaires. L'assemblée ordonna l'impression du rapport et l'ajournement du projet de décret.

Le roi, fermement résolu à refuser sa sanction au décret relatif aux troubles religieux, rendu le 29 novembre, différoit néanmoins de l'annoncer à l'assemblée, dans la crainte que les prêtres non-jureurs, qu'on accusoit de solliciter ce refus, ne fussent exposés à de nouvelles persécutions. Il étoit prudent sans doute de laisser à la fermentation populaire que les jacobins excitoient à cette occasion, le temps de s'user ou de se calmer.

Les membres du directoire du département de · Paris, justifièrent dans cette circonstance ce que j'ai déjà dit de leurs dispositions à l'égard du roi, et secondèrent puissamment ses intentions par

une démarche vraiment courageuse. Obligés de se conformer au décret de la première assemblée, qui avoit interdit les pétitions en nom collectif à tous les corps et associations quelconques, ils adressèrent à sa majesté une pétition qu'ils signèrent tous individuellement comme citoyens actifs, et dans laquelle, après avoir donné les plus grands éloges à la révolution, à la constitution, au zèle de l'assemblée et à la pureté de ses intentions, ils déclarèrent avec énergie, et prouvèrent par des argumens sans réplique, que le dernier décret qu'elle avoit rendu sur les troubles religieux, provoquoit impérieusement l'exercice du veto.

« L'assemblée nationale, dirent-ils, a certai>nement voulu le bien, et ne cesse de le vou» loir; nous aimons à lui rendre cet hommage, » et à la venger iei de ses coupables détracteurs; » elle a voulu extirper les maux innombrables, » dont, en ce moment sur-tout, les querelles > religieuses sont la cause ou le prétexte. Mais » nous croyons qu'un aussi louable dessein l'a » poussée vers des mesures que la constitution, » que la justice, que la prudence ne sauroient » admettre. Elle fait dépendre, pour tous les » ecclésiastiques non fonctionnaires, le paiement » de leurs pensions, de la prestation du serment << civique, tandis que la constitution a mis ex» pressément et littéralement ces pensions au

>> rang des dettes nationales; or, le refus de prêter » un serment quelconque, de prêter le serment » même le plus légitime, peut-il détruire le titre » d'une créance qu'on a reconnue? Et peut-il » suffire, dans aucun cas, à un débiteur, d'im» poser une condition pour se soustraire à l'o»bligation de payer une dette antérieure? L'as>> semblée constituante a fait, au sujet des prêtres » non-assermentés, ce qu'elle pouvoit faire; ils » ont refusé le serment prescrit, elle les a privés » de leurs fonctions, et, en les dépossédant, elle » les a réduits à une pension. Voilà la peine, » voilà le jugement. Or, peut-on prononcer une » nouvelle peine sur un point déjà jugé, toutes » les fois qu'aucun délit individuel ne change » l'état de la question? L'assemblée nationale, » après que les prêtres non-assermentés auront » été dépouillés, veut encore qu'on les déclare » suspects de révolte contre la loi, s'ils ne prê» tent pas un serment qu'on n'exige d'aucun > autre citoyen non fonctionnaire. Or, comment » une loi peut-elle déclarer des hommes suspects » de révolte contre la loi? A-t-on le droit de » présumer ainsi le crime?

» Le décret de l'assemblée nationale veut que » les ecclésiastiques qui n'ont point prêté le ser»ment, ou qui l'ont rétracté, puissent dans » tous les troubles religieux, être éloignés provi»soirement, et emprisonnés s'ils n'obéissent à

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» l'ordre qui leur sera intimé. Or, n'est-ce pas » renouveler le systême des ordres arbitraires, » puisqu'il seroit permis de punir de l'exil, et » bientôt après de la prison, celui qui ne seroit » pas encore convaincu d'être réfractaire à au>>> cune loi?

» Le décret ordonne que les directoires de » département dressent des listes des prêtres non» assermentés, et qu'ils les fassent parvenir au » corps législatif, avec des observations sur la » conduite individuelle de chacun d'eux; comme » s'il étoit au pouvoir du directoire de classer des » hommes qui, n'étant plus fonctionnaires pu»blics, sont confondus dans la classe générale des » citoyens; comme si des administrateurs pou» voient se résoudre à former et à publier des listes, » qui, dans des jours d'effervescence, pourroient » devenir des listes sanglantes de proscription; » comme, enfin, s'ils étoient capables de rem» plir le ministère inquisitorial que nécessiteroit » l'exécution littérale de ce décret.....

» L'assemblée nationale refuse à tous ceux » qui ne prêteroient pas le serment civique, la » libre profession de leur culte... Or, cette li» berté ne peut être ravie à personne; aucune » puissance n'a pu la donner; aucune puissance » ne peut la retirer; c'est la première, c'est la » plus inviolable de toutes les propriétés. Elle » est consacrée à jamais dans la déclaration des

» droits, dans les articles fondamentaux de la » constitution; elle est donc hors de toutes les << atteintes..... Par tous ces motifs, et au nom » sacré de la liberté, de la constitution et du » bien public, nous vous prions, sire, de refuser » votre sanction au décret du 29 novembre et »jours précédens, etc., etc., etc. »

Cette pétition, que tous les journalistes s'empressèrent de publier (le 9 décembre ), fit la plus grande sensation dans la capitale. Elle obtint l'approbation et la reconnoissance de tous les honnêtes gens; mais elle irrita si violemment le parti jacobin, qu'il mit sur-le-champ en usage ses manoeuvres accoutumées, et ses moyens révolutionnaires, pour provoquer à Paris, et dans les provinces, les dénonciations et les pétitions les plus fortes et les plus menaçantes contre le directoire du département. On vit deux jours après, les différentes sections de la capitale, donner effrontément à la barre de l'assemblée le signal de cette insurrection, et y obtenir, pour prix de leur honteuse audace, non-seulement les honneurs de la séance, mais encore la mention honorable de leurs impudentes harangues, et souvent même leur insertion au procès-verbal (1).

de

(1) Il n'est pas inutile de faire connoitre le genre celles auxquelles cette dernière distinction étoit accordée.

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