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» que la responsabilité est la mort, je vous au»rois proposé de ne nous épargner aucun péril, » mais de nous donner tous les moyens de faire » marcher la constitution, et non d'augmenter, » mais de diminuer nos entraves...... Je saisis » cette occasion pour conjurer les membres de » cette assemblée de m'instruire de tout ce qu'ils » croiront utile au bien public dans mon dépar» tement. Nos intérêts, nos ennemis sont com» muns. Ce n'est pas seulement la lettre de la » constitution qu'on doit exécuter, ce n'est pas » s'acquitter qu'il faut, c'est réussir. Vous ver» rez, messieurs, que le ministère est convaincu » qu'il n'y a point de salut pour la liberté, et par » conséquent pour la France, si le bien ne s'opère » pas avec vous et par vous. Vous ferez donc ces»ser, je l'espère, ces méfiances sans objet, et dans » vos rapports avec nous, ces précautions qui ne » conviennent, j'ose le dire, ni à la loyauté de » notre caractère, ni à la grandeur de votre mis»sion. Vous nous condamnerez si nous l'avons » mérité; mais auparavant, vous ne nous refu» serez aucuns moyens de vous servir. » L'assemblée, enthousiasmée, ne se contenta pas d'ordonner l'impression de ce discours, elle décréta qu'il seroit inséré au procès-verbal.

Le lendemain, M. de Narbonne alla au comité de la guerre, sans en avoir prévenu le roi ni ses collègues; il leur donna pour raison, qu'après y

avoir bien réfléchi, la communication avec les comités, lui avoit paru le moyen le plus sûr de populariser les ministres, et par conséquent de les rendre plus puissans et plus utiles au roi. Je combattis cette opinion, et je soutins qu'une popularité ainsi acquise ne pouvoit durer que trèspeu de jours, tandis que la communication avec les comités exposeroit à chaque instant les ministres à se trouver très-gravement compromis, parce que rien n'étoit plus aisé que de leur faire dire ce qu'ils n'avoient pas dit, ou de mal interpréter ce qu'ils avoient dit, et que leur dénégation isolée ne pourroit être d'aucun poids dans l'assemblée, contre l'assertion d'un comité ou de plusieurs de ses membres ; que, d'ailleurs, il n'étoit ni décent ni régulier que les ministres donnassent les premiers l'exemple de s'écarter de la constitution, et que c'étoit s'en écarter évidemment que de faire ce qu'elle n'autorisoit pas. M. de Narbonne, séduit par l'accueil qu'on lui avoit fait la veille au comité, et par l'empressement avec lequel tout ce qu'il y avoit proposé avoit été adopté, ne goûta point ces raisons; on le vit tous les jours à l'assemblée et aux comités, obtenant tous les décrets qu'il demandoit.

CHAPITRE V.

Lettre de l'impératrice de Russie au maréchal de Broglie. - Déclaration de l'empereur aux puissances qui avoient adhéré à la coalition. — Politique du cabinet de Vienne.

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Les

Vues des princes français, traversées par le baron de Breteuil. — Progrès de l'insubordination dans les ports; insurrection à Brest. Assassinat de M. de Lajaille.— Discours de Brissot sur les désastres de Saint-Domingue. Adresse de la société des Wighs de Londres. - Dénonciation contre moi par le département du Finistère; premier rapport de Cavelier sur cette affaire. membres du département de Paris adressent une pétition individuelle au roi pour lui représenter que le décret renduR contre les prêtres provoque l'exercice du veto, -Courroux et vengeance de l'assemblée et des jacobins. Le roi se rend à l'assemblée; succès du discours qu'il et adresse de l'assemblée au y prononce, marche inconséquente de M. de Narbonne; elle augmente son crédit dans l'assemblée.

roi.

Les journaux français et quelques gazettes allemandes alimentoient chaque jour les inquiétudes du peuple et la rage des jacobins, par les récits les plus exagérés sur le nombre des émigrés, sur leurs enrôlemens, sur les préparatifs des princes, sur leurs achats d'armes, de vivres, de fourrages, d'habillemens; sur la quantité de mil

lions que versoient dans leur trésor toutes les puissances de l'Europe, et sur les milliers de soldats que chaque prince d'Allemagne devoit leur fournir. On annonçoit dans les termes les plus positifs, qu'ils entreroient en France, au printemps, à la tête d'une armée de deux cent mille hommes. (Voyez le Moniteur des mois de novembre et de décembre 1791.) On citoit à l'appui de ces nouvelles, les jactances vraies ou fausses de quelques émigrés, des lettres datées de Francfort, de Worms, des bords du Rhin, etc., etc., et la sécurité qu'annonçoient les prétendues délices de la cour de Coblentz, où les princes étoient établis avec la fleur de l'émigration.

Une lettre adressée par l'impératrice de Russie au maréchal de Broglie, fut insérée dans tous les journaux, comme une preuve évidente de la coalition des puissances les plus formidables contre la France. Cette lettre remarquable étoit conçue en ces termes :

1

Saint-Pétersbourg, le 29 octobre 1791.

« M. le maréchal duc de Broglie, c'est à vous » que je m'adresse pour faire connoître à la no» blesse française expatriée et persécutée, mais » toujours inébranlable dans sa fidélité et son at»tachement pour son souverain, combien j'ai » été sensible aux sentimens qu'elle me témoi» gue dans sa lettre du 20 septembre dernier. » Les plus illustres de vos rois se glorifient de

» s'appeler les premiers gentilshommes de leur » royaume. Henri IV fut sur-tout jaloux de por»ter ce titre; ce n'étoit point un vain honneur » qu'il déféroit à vos aïeux; il leur enseignoit » par-là que sans noblesse il n'y a point de mo»narchie, et que leur intérêt à la défendre et à » la maintenir étoit inséparable du sien. Ils en» tendirent cette leçon, et prodiguèrent leur » sang et leurs efforts, pour rétablir les droits de » leur maître et les leurs.

» Vous, leurs dignes descendans, devant qui » les malheureuses circonstances de votre patrie » ouvrent la même carrière, continuez de mar» cher sur leurs pas, et faites éclater dans vos » actions le même esprit qui les a animés, et » dont vous paroissez avoir hérité. Elisabeth se» courut Henri IV qui triompha de la ligue à la » tête de vos ancêtres; cette reine est digne sans » doute de servir de modèle à la postérité, et je » mériterai de lui être comparée par ma persé» vérance dans mes sentimens pour les petits» fils de ce même héros, auxquels je n'ai fait » encore que montrer ma bonne volonté et mes » bonnes intentions. En embrassant la cause des » rois dans celle de votre monarque, je ne sais » que suivre le devoir du rang que j'occupe sur » la terre. Je n'écoute que le motif pur de l'a» mitié sincère et désintéressée pour vos princes » frères du roi, et le desir de servir d'appui cons

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