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l'arsenal et les quartiers des régimens. Enfin, 1790°. à sept heures du soir, les soldats du régiment de Château - Vieux étant presque tous tués, blessés ou prisonniers, et le régiment de mestre-de-camp s'étant retiré, le régiment du roi fit dire à M. de Bouillé qu'il était prêt à se rendre. M. de Bouillé le fit sortir de la ville, ainsi que les débris du régiment de ChâteauVieux, et l'ordre fut ainsi rétabli, après que le général eut fait mettre en prison les soldats les plus coupables, et dissous le club qui avait été cause de tout le désordre.

Cette affaire, par les suites qu'elle eut dans F'assemblée, qui examina, d'une manière injurieuse, la conduite de M. de Bouillé, rétablit le club qu'il avait dissous, et fit mettre en liberté ceux de ses prisonniers sur lesquels elle put prononcer, prouva au roi qu'il avait des ennemis qui ne tendaient à rien moins qu'à tout bouleverser; mais elle lui donna aussi à penser que dans un cas pressant, pouvait trouver hors de la capitale des soldats et des gardes nationaux décidés à défendre la portion d'autorité qui lui restait.

il

Ce fut dans ce même mois d'août, que M. Necker, dont la mauvaise marche politique avait en partie amené la révolution, fut sacrifié à ceux qui voulaient, pour leurs in

1790. térêts particuliers, pousser cette révolution beaucoup plus loin qu'elle ne devait aller

d'abord.

Depuis deux mois il perdait singulièrement dans la faction populaire ou soit-disant telle, par les défenses qu'il opposait aux différentes attaques que l'on dirigeait journellement contre l'ordre public et la considération du gouvernement. Le 17 d'août l'assemblée avait passé dédaigneusement à l'ordre du jour sur un mémoire qu'il lui avait adressé relativement aux décrets sur les pensions; et un député avait traité d'insolences ministérielles la phrase suivante de ce mémoire : « Est-il con» forme à vos principes de donner aux légis»lateurs la dispositiion des grâces, et d'a» chever d'affaiblir ainsi le gouvernement, » qui de, pourrait disposer du plus petit » emploi? »

Dix jours, après il combla la mesure en adressant un nouveau mémoire à l'assemblée, à l'occasion d'un rapport qu'il avait appris que le comité des finances allait faire sur la dette publique, et dans lequel devait être proposée une création de dix-huit à dixneuf cent millions d'assignats pour le rem. boursement de la dette exigible. M. Necker annonçait que ce plan ne lui ayant pas été

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communiqué, il remplissait un devoir en- 1790. vers l'état et envers l'assemblée nationale, en déclarant qu'il n'avait donné nul assentiment à cette opération, et en manifestant ses inquiétudes sur les inconvéniens fâcheux qui devaient en résulter.

On ne songea plus dès lors qu'à lui faire quitter le ministère, et on s'occupa pour cela de lui causer une grande frayeur.

Le 2 septembre, entre une heure et deux heures après-midi, une foule immense, qui avait commencé à se rassembler aux environs de la salle de l'assemblée et dans le jardin des Tuileries, dès cinq heures du matin, se mit à pousser des rugissemens épouvantables par lesquels elle demandait la mort de Bouillé, mais surtout le renvoi des ministres. Ces attroupemens, dissipés pendant quelques heures, se reformèrent vers le soir, et firent retentir les rues de leurs cris. Tout cela n'était qu'une comédie pour exciter M. Necker à donner sa démission. M. de Lafayette luimême en fut dupe; il lui envoya nn de ses aides-de-camp à huit heures du soir, pour l'avertir du danger qui le menaçait, et lui conseiller de sortir de son hôtel. Accompagné de cet aide-de-camp, M. Necker se réfugia, aussi secrètement que possible, dans une

1790. maison de campagne qu'il avait à SaintOuen. Son arrivée nocturne et inattendue dans ce village y ayant excité du mouvement, il n'osa y coucher, et erra toute la nuit dans la vallée de Montmorenci. Le lendemain, dans la matinée, il revint à Paris, et en partit le même jour avec sa femme, pour aller, disait-on, prendre les eaux de Plombières. Avant son départ il annonça définitivement sa retraite à l'assemblée, par la lettre suivante :

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MESSIEURS,

« Ma santé est depuis longtemps affaiblie » par une suite continuelle de travaux, de » peines et d'inquiétudes; je différais cependant de jour à l'autre d'exécuter le » plan que j'avais formé de profiter des restes » de la belle saison pour me rendre aux eaux, >> dont on m'a donné le conseil absolu. N'é» coutant que mon zèle et mon dévouement, » je commençais à me livrer à un travail ex>>traordinaire, pour déférer au vœu de l'as» semblée, qui m'a été témoigné par le co» mité des finances; mais un nouveau retour, » que je viens d'éprouver, des maux qui » m'ont mis en grand danger cet hiver, et » les inquiétudes mortelles d'une femme aussi

» vertueuse que chère à mon cœur, me déci1790. » dent à ne point tarder de suivre mon plan » de retraite, en allant retrouver l'asile que » j'ai quitté pour me rendre à vos ordres: » vous approchez à cette époque du terme de » votre session, et je suis hors d'état d'entre» prendre une nouvelle carrière.

» L'assemblée m'a demandé un compte » de la recette et de la dépense du trésor >> public, depuis le 1er mai 1789 jusqu'au » 1er mai 1790; je l'ai remis le 21 juillet » dernier.

» L'assemblée a chargé son comité des fi>>nances de l'examiner, et plusieurs mem» bres du comité se sont partagé entre eux » le travail. Je crois qu'ils auraient déjà pu >> connaître s'il existe quelque dépense ou » quelqu'autre disposition susceptible de re» proche, et cette recherche est la seule qui » concerne essentiellement le ministre; car >> les calculs de détail, l'inspection des titres, » la révision des quittances, ces opérations, » nécessairement longues, sont particulière>>ment applicables à la gestion des payeurs, >> des receveurs et des différens comptables.

» Cependant j'offre et je laisse, en garantie » de mon administration, ma maison de Paris, ma maison de campagne et mes fonds

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