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gions ennemies fondront sur vous; bientôt 1790. » vous verrez les ordres privilégiés se relever; » le despotisme, l'affreux despotisme paraî>> tre plus formidable que jamais. Cinq à six » cents têtes abattues nous auraient assuré » repos, liberté et bonheur; une fausse hu>> manité a retenu vos bras et suspendu vos » coups; elle va coûter la vie à des millions » de vos frères! Que vos ennemis triom» phent un instant, et le sang coulera à » grands flots : ils vous égorgeront sans pi»tié, ils éventreront vos femmes ; et pour » éteindre à jamais parmi vous l'amour de » la liberté, leurs mains sanguinaires cher» cheront le cœur dans les entrailles de vos >> enfans. >>

Il est impossible de voir plus d'horreurs accumulées dans un aussi petit nombre de lignes. Aussi l'assemblée ne put- elle se défendre d'ordonner que celui qui les avait tracées serait poursuivi par les tribunaux. Mais un tel acte, qui ne devait être suivi d'aucun châtiment réel, ne semblait fait que pour donner encore plus de crédit à un libelle incendiaire que sa publication rendait déjà assez dangereux. Le peuple, quand il est exalté, n'approfondit pas de telles déclamations; il ne demande pas sur quelles preuves elles re

1790. posent; il les croit de confiance, et lorsqu'on en poursuit ensuite l'auteur, il le regarde comme une victime de son amour pour lui, comme une sentinelle avancée que l'on punit d'avoir trop exactement veillé à sa sûreté. 'Helas! une censure préalable des feuilles courantes qui traitent de politique, est bien certainement une tyrannie nécessaire.

Quel effet surtout devaient produire de telles provocations à la défiance et à la révolte, quand l'assemblée nationale, en même temps qu'elle en commandait la répression, demandait au roi qu'il fit cesser les procé dures criminelles qui s'instruisaient dans les départemens d'Ille-et-Vilaine, de la LoireInférieure et du Morbihan, à l'occasion d'attentats révolutionnaires excités par de semblables écrits!

Une autre manœuvre, pour empêcher la bonne intelligence de s'établir d'une manière durable entre le roi et le peuple, et le gouvernement de prendre ainsi une marche ordinaire, c'était de supposer des conspirations bien noires, et d'y rattacher des ministres d'une manière quelconque; bientôt les attroupemens se renouvelèrent à ce sujet au PalaisRoyal et aux Tuileries. On vota d'abord, dans ces groupes, le renvoi des ministres. On

en vint ensuite à leur arrestation, et même 1790. à leur exécution. On criait à haute voix, jusqu'aux portes de l'assemblée, des exhortations qui invitaient à pendre M. de Montmorin, M. de la Tour-du-Pin et M. de SaintPriest; les deux premiers à l'occasion du pas sage de quelques troupes autrichiennes sur les frontières de France, pour se rendre en Belgique ce passage, stipulé réciproquement par les traités subsistans entre la France et l'Empire, était présenté comme une invasion de la France par les armées de l'emporeur. Le crime imputé à M. de Saint-Priest, ́était d'être entré dans la prétendue conspiration contre-révolutionnaire, dont MM. de Maillebois et de Bonne-Savardin étaient accusés, et pour laquelle ce dernier avait été arrêté le 1o. mai par la municipalité du Pontde-Beauvoisin, et transféré aux prisons de l'Abbaye. On n'avait d'autre preuve de cette conspiration, sinon que le nommé Massot, secrétaire de M. de Maillebois, avait été dénoncer au comité des recherches, le 24 mars 1790, un mémoire qui lui avait été donné à copier, disait-il, par M. de Bonne - Savardin, dans le mois de février précédent, et qui contenait un plan de contre-révolution écrit de la main de M. de Maillebois. L'original ni la copię

1790. de cet écrit n'avaient été remis au comité mais seulement un extrait que Massot déclarait avoir rédigé de mémoire.

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La manière dont M. Saint-Priest se trouvait complice de cette étrange conspiration, était encore bien plus singulière. Son crime, à cet égard, n'avait d'autre fondement en effet que le compte rendu par M. de BonneSavardin, dans un brouillon de lettre à M. de Maillebois, d'une conversation qu'il avait eue le 5 décembre 1789, avec un quidam nommé Farcy, et la visite faite le même jour à M. de Saint-Priest par M. de BonneSavardin, et mentionnée dans son livre-carnet. Le comité des recherches, malgré les dénégations formelles et raisonnées de M. de Bonne-Savardin, avait conclu de l'identité de date de cette visite et de cette conversation, que Farcy et M. de Saint-Priest n'étaient qu'une seule et même personne!! (1)

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(1) Peu de temps auparavant, il y avait déjà eu une affaire à peu près semblable, pour un nommé Augeard, fermier-général. Il s'agissait aussi d'un plan de conspiration, découvert de la même manière par son secrétaire. Toutes ces affaires finissarent de même. Au bout de quelque temps on acquittait les accusés, et on n'en parlait plus. Elles

On avait encore une raison particulière 1790. pour appuyer sur cette conspiration chimérique, et vouloir qn'un ministre en fût complice; c'est qu'elle devenait une sorte de compensation pour un complot véritable dans lequel se trouvaient sérieusement impliqués des membres de l'assemblée ; je veux parler des attentats des 5 et 6 octobre, dont la procédure touchait à sa fin.

L'attention du peuple de la capitale fut bientôt distraite de ces deux affaires par une autre qui annonça qu'une partie de l'armée était entièrement désorganisée, puisque des régimens insurgés ne purent être remis dans le devoir que par la force des armes.

Il s'était établi dans Nanci un club politique, sous le titre de Cabinet des amis de la .constitution. On y recevait quelques sergens et quelques soldats de la garnison. Dan's ce club, comme dans tous les autres, on déclamait sans cesse contre les nobles, et conséquemment contre l'état-major de l'armée, que pour cette raison on jugeait être tout-àfait ennemi de la liberté et du nouvel ordre de choses.

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avaient entretenu l'exaltation des têtes et la défiance; c'était tout ce que l'on voulait.

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