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1789. sieur et Madame s'acheminaient tristement vers le palais du Luxembourg, qui était leur demeure habituelle lorsqu'ils venaient à Paris.

Dès le lendemain de l'arrivée du roi à Paris, les attroupemens cessèrent à la porte des boulangers, et il se trouva plus de pain qu'il n'en fallait pour la consommation ". bien qu'elle fût augmentée : ce qui prouve que la disette qui se faisait sentir depuis quelque temps, était factice, et qu'on ne la feignait que pour entraîner peu à peu le peuple aux excès qu'il était enfin allé commettre à Versailles. Maintenant que le coup était porté, les factieux qui avaient un si grand intérêt à retenir le roi dans Paris, où il serait toujours comme prisonnier, changeaient de manœuvre : il fallait persuader au peuple que la présence de ce prince entretiendrait l'abondance dans la capitale, et qu'il était conséquemment de l'intérêt des Parisiens qu'il ne pût pas en sortir.

Le roi, envers qui Versailles avait les plus plus grands reproches à se faire, ne tarda point à donner aux Parisiens une ample satisfaction sur ce sujet. « Les témoignages » d'affection et de fidélité que j'ai reçus de la » ville de Paris, écrivit-il à l'assemblée na

» tionale, me déterminent à y fixer mon 1789. » séjour le plus habituel; et, plein de con» fiance dans l'assurance que l'assemblée » m'a donnée, je désire qu'elle nomme des >> commissaires pour se transporter à Paris, » et y choisir le local le plus convenable pour >> y tenir ses séances. Ainsi, sans interrom» pre vos utiles travaux, je rendrai plus » exact et plus intime la communication qui >> doit exister entre moi et l'assemblée na» tionale. >>

Le même jour, 9 octobre, le roi fit publier la proclamation suivante :

» Le roi craignant que ses fidèles habitans » des provinces n'apprennent avec peine le » récit des circonstances qui l'ont déterminé » à venir résider à Paris, croit devoir les » avertir, qu'informé à l'avance de la marche » de la milice nationale de Paris, et du désir » qu'elle avait d'obtenir de lui l'honneur de » lui servir de garde, il lui eût été facile de » se transporter de Versailles ailleurs qu'à » Paris ; mais sa majesté a craint que cette » détermination de sa part ne fût la cause » d'un grand trouble, et se reposant sur les >> sentimens qu'elle est en droit d'attendre de » tous ses sujets indistinctement, elle est ve

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1789.» nue avec confiance vivre dans sa capitale » où elle a reçu les témoignages les plus res->pectueux de l'amour et de la fidélité des >> habitans de sa bonne ville de Paris. Elle: ➜ est certaine qu'ils n'entreprendront jamais

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de géner en aucune manière la libre détermi» nation de leur souverain; et c'est au milieu » d'eux qu'elle annonce à tous les habitan's » de ses provinces, que lorsque l'assemblée » nationale aura terminé le grand ouvrage » de la restauration du bonheur public, le » roi réalisera le plan qu'il a conçu depuis » longtemps, d'aller, sans aucun faste, vi> siter ses provinces, pour reconnaître plus » particulièrement le bien qu'il peut y faire, » et pour leur témoigner, dans l'effusion de » son cœur, qu'elles lui sont toutes égale» ment chères. Il se livre d'avance à l'espoir » de recevoir d'elles les marques d'affection » et de confiance, qui seront toujours l'objet de ses vœux et la véritable source de son » bonheur. Le roi se flatte, encore que cette » déclaration de sa part engagera tous les ha» bitans de ses provinces à seconder, parleurs » encouragemens, les travaux de l'assemblée » nationale, afin qu'à l'abri d'une heureuse » constitution, la France jouisse bientôt de

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» ces jours de paix et de tranquillité, dont une 1789. » malheureuse division l'a privée depuis si

» longtemps. >>

L'assemblée se disposait à venir joindre le roi à Paris; mais elle diminuait considérablement. Dans l'espace de deux jours, le président fut forcé de donner des passe-ports à environ trois cents de ses collègues. On décréta qu'à l'avenir il ne serait accordé de passeport à aucun député, que sur des motifs qui seraient exposés à l'assemblée, et qu'elle aurait approuvés. Cette assemblée décida encore le 12, que le lundi 19 elle tiendrait sa première séance à Paris. Mais avant de quitter Versailles, elle devait, pour de grands motifs, recevoir une communication impor

tante.

Les recherches commencées contre les instigateurs des attentats des 5 et 6 octobre, et ce qui transpira de quelques dépositions reçues par les commissaires du Châtelet, chargés de suivre cette procédure, fixaient déjà l'attention publique. Les témoins entendus parlaient ouvertement du contenu de leurs dépo sitions. Il en résultait que l'insurrection du 5 octobre paraissait avoir été dirigée secrètement par des chefs qu'on désignait, et favorisée par des distributions d'argent et d'eau-de-vie

"

1789. qu'on imputait à une faction à laquelle on donnait pour chef ou pour objet le duc d'Orléans. Plusieurs membres de l'assemblée étaient notés comme ses complices. Les têtes s'échauffaient sur ce propos. La présence du roi au sein de la capitale enhardissait ceux que ses vertusindignaient contre ses ennemis, et des motions violentes se multipliaient de jour en jour, même au Palais-Royal, contre le prince que l'on accusait ainsi d'avoir violé les plus saintes lois de la nature et de la société. De son côté, le parti du duc d'Orléans était en état de résister, parce qu'il comprenait beaucoup de ceux qui avaient fait la révolution, et qui y avaient acquis une grande popularité. Il faisait jouer les machines qui avaient déjà produit un si funeste effet ; alarmait et agitait le peuple par la dénonciation de complots tramés contre sa liberté, d'enrôlemens anti - patriotiques, de dépôts d'armes prétendus formés par les aristocrates, etc., etc., etc. Tout cela pouvait mener au moins à une guerre civile. On crut que l'exil du duc d'Orléans remédierait au mal. Mais il fallait qu'il se prêtât à cette mesure; car dans l'état où étaient les choses, son consentement était nécessaire : M. de Lafayette se chargea de l'obtenir. Il l'obtint en

il

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