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ce que demandait le duc d'Orléans. Il arriva 1790. à Paris dans la nuit du samedi, 10 juillet. Il se rendit le lendemain à l'assemblée, monta à la tribune, et y prononça quelques phrases patriotiques, après lesquelles il prêta le serment civique que l'assemblée avait décrété pendant son absence, et auquel il avait adhéré dans le temps, par une lettre adressée au président.

Son retour ne fit pas une grande sensation dans Paris; on y était trop occupé de la fédération et de ses préparatifs.

On avait choisi le Champ-de-Mars comme l'emplacement le plus convenable à la fête. Dans la crainte que les travaux nécessaires ne fussent pas faits pour le jour désigné, chacun courut y donner la main. On oublia là les distinctions d'âge, d'état et de sexe. On y vit des petites maîtresses attelées à des tombereaux, à côté des rustres les plus grossiers; des abbés partager un fardeau avec une courtisane, un juif ou un courtier de commerce. Les maîtres de pension y menaient leurs élèves, et le comédien y piochait à côté du député à l'assemblée nationale. Des chansons et des cris de joie se mêlaient aux travaux. Le refrain, peu gai, de ces chants patriotiques était: Ça ira, ça ira; les aristocrates à la lan

1790. terne: ça ira, ça ira; les aristocrates, on les pendra, et autres gentillesses du même genre.

Le Champ-de-Mars, bordé à droite et à gauche de huit rangées d'arbres, a pour perspective, d'un côté les bâtimens de l'ÉcoleMilitaire, et de l'autre, au-delà de la rivière, le château de Passy. Au milieu on éleva un autel, qu'on appela l'autel de la patrie. C'est là qu'après la célébration solennelle de la messe, le roi et l'assemblée nationale devaient renouveler leur serment de maintenir la constitution, qui n'était pas encore achevée. On forma dans le pourtour de la place, à force de terre rapportée, un amphithéâtre garni de gradins propres à contenir quatre cent mille spectateurs.

Ce moment fut peut-être le plus beau de la vie politique de Louis XVI. Il y recueillit les derniers témoignages d'amour et de respect de son peuple. Le samedi 10 juillet, dans l'après-midi, la députation des Bretons arriva avec armes et bagages, et fit halte aux Tuileries, sous les fenêtres de l'appartement du roi. Leur commandant se fit aussitôt présenter au roi, et lui adressa une harangue pleine de franchise et de dévouement, qu'il termina en s'inclinant vers ses genoux pour les embrasser. Le bon prince le releva, et lui

dit, en le serrant affectueusement dans ses 1790. bras: « Rendez de ma part cet embrasse» ment à tous vos camarades, et dites-leur >> combien je suis touché des sentimens que » vous m'avez exprimés en leur nom. » L'émotion du roi et de son sujet fidèle pénétra tous les témoins de cette scène vraiment attendrissante, et en cet instant le château retentit de toutes parts des cris mille fois répétés de vive le roi!.

Le 12, les fédéres de Tours lui offrirent l'anneau que Henri IV avait donné aux bénédictins de Marmoutier, près Tours, en mémoire des services signalés des fidèles Tourangeaux, et le supplièrent de mettre cet anneau à son doigt, le jour du 14 juillet.

Les fédérés partageaient depuis plusieurs jours ardemment, le service du château des Tuileries avec la garde nationale parisiennę. La veille de la fédération, M. de Lafayette présenta au roi les chefs des députations de toutes les gardes nationales du royaume, et lui. adressa en leur nom le discours suivant :

« Sire, dans le cours de ces événemens » mémorables qui nous ont rendu des droits >> imprescriptibles, lorsque l'énergie du peu»ple et les vertus de son roi ont présenté aux » nations et à leurs chefs de si grands exem

1790. » ples, nous aimons à révérer en votre ma»jesté le plus beau de tous les titres, celui » de chef des Français et de roi d'un peuple » libre.

Jouissez, sire, du prix de vos vertus, et » que ces purs hommages, que ne pourrait » commander le despotisme, soient la gloire » et la récompense d'un roi citoyen. Vous » avez voulu que nous eussions une consti» tution fondée sur la liberté et l'ordre public; la liberté nous est assurée, et notre » zèle nous garantit l'ordre public.

» Les gardes nationales de France jurent » à votre majesté une obéissance qui n'aura » dé bornes que la loi, qui n'aura de terme » que celui de notre vie. »

Ce discours est froid, et calculé avec beaucoup d'art et de politique. Le roi y fit une réponse à la fois pleine de dignité et de chaleur: « Je reçois avec beaucoup de sensibi» lité, dit-il aux fédérés, les témoignages d'a» mour et d'attachement que vous me don» nez au nom des gardes nationales réunies » de toutes les parties de la France. Puisse » le jour solennel où vous allez renouveler » en commun votre serment à la constitu» tion, voir disparaître toutes dissensions,

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» ramener le calme, et faire régner les lois 1790. » et la liberté dans tout le royaume! Défen»seurs de l'ordre public, amis des lois et de » la liberté, songez que votre premier devoir » est le maintien de l'ordre et de la soumis>>sion aux lois; que le bienfait d'une consti>>tution libre doit être égal pour tous; que » plus on est libre, plus graves sont les of » fenses portées à la liberté, les actes de vio»lence et de contrainte qui ne sont pas com» mandés par la loi.

» Redites à vos concitoyens, que j'aurais » voulu leur parler à tous comme je vous » parle ici. Redites-leur que leur roi est leur » père, leur frère, leur ami; qu'il ne peut » être heureux que de leur bonheur, grand » que de leur gloire, puissant que de leur li»berté, riche que de leur prospérité, souf» frant que de leurs maux. Faites surtout » entendre les paroles ou plutôt les senti» mens de mon cœur dans les humbles chau» mières et dans les réduits des infortunés; >> dites-leur que si je ne puis me transporter » avec vous dans leurs asiles, je veux y être » toujours présent par mon affection et par » les lois protectrices du peuple, veiller pour >> eux, vivre pour eux, mourir, s'il le faut, » pour eux; dites enfin aux différentes pro

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