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trait contre lui le plus cruel acharnement. 1789. Il fut condamné à mort le 18 février, et subit son arrêt avec beaucoup de courage et de présence d'esprit, et en protestant toujours de son innocence.

La plus terrible effervescence avait régué dans Paris pendant qu'on instruisait son procès, et les hommes qui formaient les grou pes altérés du sang de ce célèbre accusé, étaient de la même espèce que ceux qui avaient assassiné MM. de Launay et Foulon (1). Ils poussaient l'audace jusqu'à menacer les juges dans le tribunal même. On y entendit, à plusieurs reprises, proférer l'horrible cri à la

lanterne!

Le 12 janvier, c'est-à-dire toujours pen- 1790.

(1) Un d'eux ayant été arrêté, et conduit chez le commissaire Grandin, parut fort étonné de la manière dont on en usait avec lui. « Comment " messieurs, s'écria-t-il, je suis un très-bon citoyen, moi! c'est moi qui ai coupé la tête à Foulon et à Launay, qui leur ai arraché le cœur et les entrailles ! » Et ensuite tirant un couteau de sa poche, il dit que c'était là l'instrument dont il s'était servi...... Sur l'observation qu'on lui fit que ce couteau était un peu petit pour un pareil usage, répondit qu'il avait été boucher et cuisinier, et qu'il se connaissait en amputations!!

il

1790. dant qu'on instruisait ce procès, il y eut un mouvement tout-à-fait extraordinaire, et que l'on ne sait à quelles causes rattacher. Des attroupemens, composés en grande partie de soldats de la garde nationale soldée, se formèrent aux Champs-Élysées. Leur objet apparent était de demander un engagement et une augmentation de paie. M. de Lafayette courut au lieu du rassemblement, à la tête d'une force imposante, contraignit les mutins de mettre bas les armes, et en fit arrêter, déshabiller et conduire dans les prisons de Saint-Denis, près de deux cents.

Pendant que les séances du Châtelet occupaient l'attention des habitans de la capitale, l'assemblée nationale continuait le grand cuvre de la nouvelle constitution. Il était instant que ce travail se terminât; du moins les gens de bien le pensaient ainsi, parce qu'ils croyaient que les idées se fixant alors, la tranquillité se rétablirait dans toute l'étendue du royaume. Le trouble et la confusion régnaient partout, et s'augmentaient chaque jour. Le roi se trouvait dans la plus triste situation. Un club, dit des Jacobins, à cause du local où il s'assemblait (note 4.), cherchait à propager de tous côtés l'esprit républicain, et s'armait pour indisposer une grande partie des Fran

çais contre Louis XVI, et les tenir à son 1790. égard dans la plus funeste défiance, des protestations par lesquelles un grand nombre d'autres Français, réfugiés en pays étranger, par crainte ou par mécontentement de la révolution, établissaient que le roi était prisonnier dans la capitale de la France, et faisait secrètement des vœux pour eux et ceux des peuples voisins qui se montraient disposés à servir leur cause.

Le conseil estima que le seul parti que le roi eût à prendre dans ce moment où l'affaire de l'infortuné Favras donnait encore plus de jeu à ces manoeuvres, était de se rendre à l'assemblée, et de s'associer d'une manière éclatante à ses travaux.:

Louis XVI se rendit en effet à l'assemblée, le 4 février. Il y parla, dans son discours, du désordre que la singularité des circonstances répandait partout, et des efforts qu'il faisait continuellement pour que cet état fâcheux des choses cessât bientôt et ne nuisît pas aux travaux de l'assemblée, déclarant aux députés de la nation, qu'il s'associait d'une manière encore plus expresse et plus manifeste à l'exécution et à la réussite de tout ce qu'ils avaient concerté pour l'avantage de la France. Il fit à ce propos l'éloge de la nouvelle division po

1790. litique de la France en quatre-vingt-trois départemens, substitués aux trente-deux provinces, et termina en recommandant à l'assemblée l'affermissement du pouvoir exécutif, condition sans laquelle il ne saurait exister aucun ordre durable au dedans, ni aucune consi-: dération au dehors; et les finances, cause véritable et peut-être unique de la révolution.

Une députation reconduisit le roi. Elle rapporta à son retour que la famille royale était venue au-devant de lui, et que la reine avait adressé aux députés les paroles suivantes: « Je partage tous les sentimens du roi, » et je m'unis de cœur et d'esprit à la démar» che que son amour pour son peuple vient» de lui dicter. Voici mon fils, je l'entretien» drai sans cesse des vertus du meilleur des » pères; je lui apprendrai de bonne heure à » chérir la liberté publique, et j'espère qu'il· » en sera le plus ferme appui. »

Pendant ce temps l'assemblée votait une adresse de remercîment au roi, et prêtait, d'un mouvement spontané, le serment « d'ê» tre fidèle à la nation, à la loi, au roi, et » de maintenir de tout son pouvoir la cons»titution décrétée par l'assemblée nationale » et acceptée par le roi. »

L1er mars, le Châtelet renvoya absous

MM. de Broglie, de Besenval, d'Autichamp, 790. de Puységur et Barentin, qui n'avaient en effet commis d'autre crime que d'avoir obéi aux ordres du roi, en rassemblant et approvisionnant une armée dans les environs de

Paris, alors que le roi était la seule autorité. connue en France. Encore pouvait-on observer que les ménagemens de ces messieurs pour le peuple, les avaient empêchés de faire de cette armée, tout l'usage qu'ils auraient pu et qu'ils auraient peut-être dû en faire pour la défense du trône et le maintien de l'ordre.

Vint bientôt le moment où l'on convertit les assignats en papier-monnaie, en déclarant qu'ils auraient cours dans toute l'étendue du royaume, et seraient reçus comme espèces sonnantes dans toutes les caisses publiques et particulières. Créés le 19 décembre, ils ne devaient alors servir que pour l'achat des biens du clergé. Ils portaient à cette époque un intérêt de cinq pour cent ; et cet intérêt fut modéré à trois. Tous les biens du clergé furent déclarés leur garantie, la nation se chargeant en revanche de toutes les dettes de cet ordre, et contractant l'obligation d'en acquitter les intérêts et les capitaux. On était au mois d'avril; cette décision, provoquée par

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