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1789. aux nouveaux législateurs français, que leurs discours pompeux ne dérangeaient pas toutes - les tètes, et qu'il viendrait un moment où l'on serait obligé de défendre leur ouvrage, les armes à la main, jusqu'à ce qu'il se présentât des mains assez habiles pour verser, malgré cette résistance. Je veux parler du complot de l'infortuné marquis de Favras, qui expia sur un échafaud le crime d'avoir vu de loin le piége où l'on entraînait le roi, et d'avoir chercher à l'en'sauver. Son plan était, à ce qu'il paraît, d'enlever Louis XVI. Son moyen d'exécution était une armée d'environ trente mille royalistes, dont l'enrôlement et l'arme ment devaient s'opérer assez sécrètement pour qu'il n'en transpirât rien jusqu'au moment de l'action. Ce noyau de guerriers, encouragés par la présence du roi, dont il aurait luimême relevé le courage et fixé le caractère irrésolu, pouvait encore bien des choses. C'eût été un point de ralliement, auquel fussent accourus plusieurs autres milliers d'hommais il fallait un conspirateur plus profond et plus sage que M. de Favras, pour le former. Ce sujet, plus dévoué que circonspect, plus zélé qu'important, ne mit point assez de mystère dans la conduite de son intrigue, ou fut peut-être obligé de solliciter,

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d'un trop grand nombre de personnes, l'ar- 1789. gent qui lui était nécessaire. Bientôt il fut dénoncé, et le comité des recherches le fit arrêter, ainsi que son épouse, dans la nuit du 24 au 25 décembre, les accusant « de » conspiration contre l'ordre de choses éta» bli par le vœu de la nation et du roi ; d'a » voir formé à cet effet le projet d'introduire, » pendant la nuit, des gens armés dans la » capitale, pour se défaire des trois princi»paux chefs de l'administration, attaquer » la garde du roi, enlever le sceau de l'état, » et entraîner leurs majestés vers Peronne; » d'avoir tenté de corrompre quelques per» sonnes de la garde nationale, en cherchant » à les égarer par des promesses et des confi»dencés trompeuses; d'avoir eu des confé»rences avec des banquiers pour se ménager >> des sommes très-considérables, et avec d'au» tres personnes, pour étendre, s'il était possi »ble, cecomplot dans différentes provinces. »

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Monsieur, frère du roi, aujourd'hui sa majesté Louis XVIII, parut d'abord compromis dans cette malheureuse affaire; mais il y était réellement étranger. Privé depuis plusieurs mois de la jouissance de ses revenus, par une suite des différentes opérations de l'assemblée, et ayant des paiemens considérables à faire

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1789. dans le mois de janvier, ce prince avait imaginé d'aliéner des, contrats à la concurrence de la somme qui lui était nécessaire. M. de Favras, qui, quelques années auparavant, avait servi dans ses gardes suisses, lui fut indiqué comme très-propre à faire réussir cette négociation auprès des banquiers Sehaumel et Sartorius. Monsieur souscrivit en conséquence une obligation de deux millions, et chargea son trésorier du reste. M. de Favras suivit cette affaire en même temps que les emprunts dont il voulait s'aider pour sa conspiration, et chercha peut-être à se servir de l'obligation souscrite par le frère du roi, pour se donner crédit, et voilà ce qui fit soupçonner un moment Monsieur. Le lendemain de l'arrestation de M. de Favras, on répandit dans la capitale le bulletin suivant : «Le marquis de Favras a été arrêté avec ma» dame son épouse, la nuit du 24 au 25, » pour un plan qu'il avait fait de faire sou>> lever trente mille hommes pour faire as»sassiner M. de Lafayette et le maire de la » ville, et ensuite nous couper les vivres. » Monsieur, frère du roi, était à la tête. » Signé BARAUZ. »

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Monsieur était un prince qui gênait beaucoup les factieux; Louis XVI disparaissant,

c'était à lui qu'appartenait la régence, et 1789. cela ne faisait pas leur affaire. Ils eussent donc bien voulu le voir convaincu comme chef de cette conspiration avortée; mais ils n'eurent même pas la joie de l'en voir soupçonné sérieusement. Ce prince, sentant qu'une explication était nécessaire après les bruits que l'on faisait courir sur lui à ce sujet, se rendit le 26 à l'assemblée des représentans de la commune : « Messieurs, leur dit-il, le » désir de repousser une calomnie atroce, » m'amène au milieu de vous. M. de Favras » a été arrêté avant-hier par ordre de votre >> comité des recherches, et l'on répand an-»jourd'hui avec affectation que j'ai de gran» des liaisons avec lui.... J'ai cru devoir au » roi, à vous et à moi-même, de venir vous » instruire des seuls rapports sous lesquels je connais M. de Favras.... »

Après avoir exposé avec exactitude et simplicité les faits relatifs à l'obligation de deux millions, il ajouta : « Je n'ai point vu M. de » Favras, je ne lui ai point écrit, je n'ai eu >> aucune communication quelconque avec » lui; ce qu'il a fait d'ailleurs m'est parfai>>tement inconnu. Cependant j'ai appris » qu'on distribuait avec profusion, dans la » capitale, un billet signé BARAUZ, conçu

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1789.»

» en ces termes, etc. etc. etc. Vous n'atten

» dez pas de moi sans doute que je m'abaisse » jusqu'à me justifier d'un crime aussi bas,

» etc. etc. etc. >>

Ce petit discours fut vivement applaudi par les représentans de la commune et par les tribunes. On répondit à Monsieur par des témoignages d'estime et de respect; et M. de Lafayette, prenant la parole après M. Bailly, annonça qu'il s'était occupé de faire arrêter les auteurs du billet signé Barauz, et qu'ils étaient en prison. Monsieur demanda leur grâce; mais on déclara qu'il fallait qu'ils fussent jugés et punis. Le prince crut aussi devoir instruire l'assemblée nationale, du motif: qui l'avait déterminé à faire cette démarche z il lui adressa en conséquence une copie du discours qu'il avait prononcé à l'Hôtel-deVille, et y joignit une note par laquelle ik annonçait qu'il ferait remettre à l'assemblée l'état des dettes qu'il se proposait de payer avec les deux millions dont il avait souscrit l'obligation.

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Quant à M. de Favras, il fut envoyé pardevant le Châtelet de Paris, érigé en cour supérieure, pour juger en dernier ressort les crimes de lèse-nation. Dans le cours de la procédure il s'obstina à nier. Le peuple mon-

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