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1789. en tirer parti. Les esprits étaient exaspérés par les circonstances, et la moindre contradiction suffisait pour les exalter au dernier point, et entraîner le peuple à des actes de violence dont il ne raisonnait pas l'injustice, et dont il ne calculait point les conséquences. Encore une fois, tout frein était rompu et avait été remplacé chez la multitude par une sorte d'ivresse générale qui ne connaissait

aucune retenue.

Quelques jours auparavant, les poissardes, enhardies par la bienveillance avec laquelle la reine avait accueilli leurs hommages, avaient sollicité d'elle la remise gratuite de tous les effets engagés au Mont-de-Piété pour une somme au-dessous de vingt-quatre livres. Quoique la reine n'eût répondu à cette demande que par des témoignages généraux de bonne volonté, on publia qu'elle avait fait, sur ce sujet, une promesse positive; on annonça même que ceux qui auraient des effets à retirer du Mont-de-Piété, les recevraient en présentant des lettres ou cachets qui leur seraient distribués. Dès le lendemain on courut en foule aux Tuileries chercher ces cachets. On voulait forcer la garde, qui assurait vainement qu'on n'en délivrait pas. Le bruit se répandit alors qu'on les distribuait dans les dis-,

tricts; on y courut aussitôt. Les commissai- 1789. res de districts se trouvèrent dans le plus grand danger; ils ne savaient comment se débarrasser de cette multitude, qui finit par se répandre en clameurs et en menaces violentes contre le Mont-de-Piété. Si l'on n'eût envoyé sur-le-champ une garde nombreuse à cet établissement, il eût peut-être été pillé ou incendié.

Le roi réalisa cependant, autant que le triste état des finances le permettait, les espérances que l'on avait conçues d'après les paroles de la reine. Il fit faire, sur les fonds réservés pour ses besoins personnels, la remise gratuite de tous les habillemens d'hiver et linges de corps, engagés pour des sommes qui n'excédaient pas vingt-quatre livres.

Il avait aussi cherché, de tous ses moyens, à prévenir une disette véritable. L'exil honorable du duc d'Orléans en Angleterre, pouvait y contribuer jusqu'à un certain point: ce prince avait été chargé de négocier dans ce pays un achat considérable de blés; mais conservant toujours ses desseins pernicieux, il avait lui-même employé l'intrigue pour faire rejeter par le parlement anglais, le bill qui devait autoriser cette exportation.

Dans le même temps que le principal en

1789. nemi de Louis XVI se montrait ainsi indigne d'une dernière marque de confiance qui le mettait à même de faire oublier tout le désordre de sa conduite passée, les ministres étaient recherchés par l'assemblée, relativement aux subsistances et à la mauvaise volonté prétendue que le gouvernement mettait à y pourvoir. Pour donner l'éveil au peuple à ce sujet, et exciter son animadversion, on décrétait : «Que les ministres déclare»raient positivement quels étaient les moyens » et les ressources que l'assemblée nationale >> pouvait leur fournir pour les mettre en état » d'assurer la subsistance du royaume, et no» tamment de la capitale, afin que l'assem» blée, ayant fait tout ce qui était en sa dispo»sition sur cet objet, pût compter que les lois » seraient exécutées, ou rendre les ministres >> et autres agens de l'autorité, garans de leur >> inexécution. » Mais les ministres, entrevoyant toute la perfidie de ce décret, y répondirent si adroitement, que l'assemblée ne sachant à quel parti s'arrêter, prit celui de lever la séance, en décrétant seulement que cette réponse ne serait point imprimée.

sque

Ils y faisaient l'exposé fidèle des efforts le roi n'avait cessé de tenter pour assurer l'approvisionnement de la capitale; des ressour

ces qu'on pouvait attendre des provinces voi- 1789. sines et de l'étranger; des mesures prises pour empêcher l'exportation; des moyens employés. pour favoriser la circulation intérieure; des entraves qu'y mettaient les oppositions des provinces, des villes, des campagnes, malgré les décrets de l'assemblée nationale, qui n'avaient pas encore acquis l'ascendant qu'ils acquerraient sans doute avec le temps. « Les obs>>tacles qui s'opposent à leur exécution, di» saient les ministres, naissent de la déso»béissance des agens, du découragement des >> tribunaux, de l'abus de la liberté de la >> presse ; les comités, les districts, la garde >> nationale, tout offre le tableau de la divi»sion. Partout on cherche en vain la paix » et la subordination qui l'assure....... Qui » pourrait indiquer ce qu'il faudrait faire » pour que la responsabilité demandée, pour » que cette garantie ne fût pas de la part des >> ministres une folle imprudence?..... Nous » déclarons que nous ne contractons pas un >> tel engagement; que si l'on persiste à l'exi»ger au nom de la nation, nous aban» donnerons nos places aux hommes assez » téméraires pour ne pas s'effrayer de l'em» pire des circonstances...... Il faudrait être » appelé à discuter au milieu de vous, ou au

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1789. » moins dans des conférences avec quelques>> uns de vos membres, les questions qui vous » occupent depuis plusieurs mois; il faudrait » encore un abandon de toutes méfiances; il >> faudrait une confiance fondée sur l'estime... » Sid'autres persones ont les moyens qui nous » manquent, indiquez-nous-les, nous irons >> au-devant d'elles... Il faut plus de courage >> pour conserver de pareilles places, que pour » les abdiquer.»>

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Le roi, suivant sa coutume, se consolait des chicanes qui lui étaient faites sur la portion d'autorité qu'on lui avait laissée, en se livrant à sa bienfaisance naturelle, et en réparant,autant qu'il était en lui, les maux que la révolution enfantait à chaque pas. Aussitôt qu'il eut appris le funeste événement dont le boulanger de la rue du Marché-Palu avait été victime, lui et la reine chargèrent le duc de Liancourt d'aller assurer la veuve de leur protection, en lui remettant de leur part une somme de deux mille écus, pour l'aider à continuer son commerce.

Au reste, l'assemblée, quoiqu'elle se fût renforcée de M. Necker, en exigeant son rappel, comme nous l'avons vu plus haut, était aussi embarrassée pour pourvoir aux finances, que les ministres pour suffire à l'appro

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